Contrairement à plusieurs pays européens où cette pratique est assez populaire, chasser le dragon n’est pas très répandu en France. Même s’il n’est pas anodin, ce mode de consommation peut pourtant représenter une alternative intéressante, surtout par rapport à l’injection. Trucs et conseils, avantages et risques… Speedy revient sur son expérience espagnole.
D’abord, une définition de la chasse au dragon à l’occidentale, pour éviter tout malentendu sur ce procédé qui devrait son nom aux volutes de fumée qui le caractérisent et à leur ressemblance avec cet animal mythologique très prisé des Asiatiques. Né en Asie, ce mode de consommation est l’héritier moderne, pour l’héroïne, de la traditionnelle pipe à opium. Il s’agit donc d’inhaler, avec un tube, de l’héroïne brune sur une feuille de papier d’aluminium doucement chauffée par en dessous à l’aide d’un briquet. (On peut fumer de la blanche mais le plaisir est de courte durée car, comme il est impossible de former une goutte que l’on pourra balader, le produit brûlant sur place se consume très vite et cela revient donc cher.) La goutte de produit ainsi obtenue est ensuite baladée de long en large sur la feuille jusqu’à sa disparition complète. Un procédé qui s’est étendu en Europe, au cours des années 90, à la cc basée/caillou ou au mélange d’héro et de cc basée (speed-ball). Suivant la drogue choisie, la manière de procéder diffère un peu au départ, mais la suite reste identique. Avant de présenter ces préparations plus en détail, voyons quels sont les avantages et les inconvénients ainsi que les risques liés à ce mode de consommation.
Une montée aussi fulgurante…
Popularisé en Espagne dans les années 80 (au moment de la vague de sida), chasser le dragon n’a cessé de se renforcer depuis car cela permet d’avoir en quelques secondes une montée fulgurante. Des effets se rapprochant un peu de ceux du fix, mais en atténuant les dangers liés à l’injection (OD, adultération, transmission du VIH…). Concernant le VHC (hépatite C) ou la tuberculose, les risques sont infimes si chacun utilise son propre tube ! Dans le cas contraire (n’en déplaise aux économes qui mettent en avant la quantité de dope récupérée dans un tube partagé pour justifier de l’utiliser), les dangers de transmission sont, comme pour la paille du sniff, très importants. Autre atout et non des moindres : inhaler permet de mieux doser ou du moins de faire des paliers dans sa prise. Les effets étant pratiquement immédiats, on peut tout de suite juger en fonction de son état s’il est souhaitable de continuer… Si cette conso graduelle – qui tient au procédé lui-même – n’écarte pas totalement les risques d’OD et autres problèmes d’adultération dangereuse, elle aide à les diminuer notablement. La préparation en goutte permet également de vérifier un peu la qualité de la dope (voir ci-dessous la partie consacrée à la préparation et ses clefs pour distinguer les degrés de qualité.)…
Toujours dans les avantages, il faut aussi citer la grande convivialité de ce procédé car, tout comme un joint (mais là s’arrête la ressemblance), la feuille peut tourner de main en main, bien à l’opposé des modes de conso très perso du sniff et du fix… Il offre également la possibilité de partager une petite quantité à plusieurs et d’en ressentir autant les effets, même s’ils sont bien plus brefs. Contrairement à ce que l’on croit souvent, ce procédé est en outre tout à fait économique, du moins avec les 3 produits déjà cités. Sauf, bien sûr, si le brown, bien que de bonne qualité, a été coupé avec un produit qui ne permet pas sa formation en goutte, ce qui m’est déjà arrivé en France. Enfin, les raisonnables peuvent interrompre leur consommation et la remettre à plus tard (surtout valable pour l’héro car le désir effréné qui accompagne la base de cc rend difficile cette interruption avant la fin), permettant ainsi d’espacer les prises…
… que les risques encourus
Autre évidence : fumer sur de l’alu n’est pas du tout bon pour les poumons ! Ceux qui ont pratiqué ce mode de conso pendant longtemps présentent fréquemment des problèmes respiratoires qui, selon la durée et la personne, peuvent aller de la bronchite chronique à l’emphysème – dilatation des alvéoles pulmonaires avec destruction de leur paroi élastique. La personne a donc de plus en plus de mal à respirer… Surtout associé à l’héro, chasser le dragon tend à provoquer l’emphysème et les poumons ne se régénèrent pas ! – et même finir par un cancer du poumon, surtout si s’ajoute à cela une consommation de tabac.
Conseils et matériel
On peut néanmoins observer les précautions suivantes pour réduire un peu la nocivité de cette pratique. Passer les 2 côtés de la feuille d’alu, mais surtout la partie brillante, à la chaleur d’une flamme sans insister et sans laisser de traces noires. Si c’est le cas, essuyez-les avec un mouchoir en papier avant de commencer la consommation. Bien lisser l’alu, placer la dope sur sa partie mate, et réserver le côté plus brillant pour y passer la flamme. Au cours des déplacements de la goutte (voir ci-dessous), essayer de ne pas passer sur les endroits où l’alu aurait pu brûler. Une fois la goutte terminée, ne pas faire le radin en repassant sur les endroits brûlés où il pourrait rester quelque chose ! Prendre un tube assez long (10 cm) pour inhaler et ne jamais utiliser une feuille qui a déjà servi…
Un mot sur le matériel : l’alu doit être présent sur les 2 côtés de la feuille, pas de papier donc sur l’une des faces ! Il est d’autre part préférable d’en prendre un épais qui résistera mieux à l’exposition à la chaleur. Mieux vaut donc préférer une grande marque à celles des supermarchés car l’alu y est trop fin et de mauvaise qualité. Il semble que certains Caarud commencent à distribuer des feuilles d’alu non traitées, donc un peu plus saines !
Découper un rectangle d’une vingtaine de centimètres sur une dizaine, surtout sans froisser la feuille. En effet, plus elle sera lisse, plus la goutte pourra se déplacer facilement. Cette façon de faire devra être conservée durant toute la consommation. Quant au tube, également en alu – Certains utilisent de petits tubes en métal pour pouvoir ensuite mieux récupérer la dope présente, en l’inclinant et en commençant à chauffer par un bout pour finir par celui d’où sortira la fameuse goutte… Pour les pressés, attention à ne pas se brûler les lèvres avec ce tube et le laisser refroidir avant de s’en resservir ! –, le plier en 2 dans le sens la longueur mais sans que les 2 côtés correspondent. Refaire ensuite 2 plis à chaque bout pour renforcer la rigidité, et le rouler en s’aidant d’un crayon par exemple. Une fois la goutte finie, il restera au centre du tube remis à plat une traînée de dope (héro et/ou base) qui, selon les quantités fumées avec le même tube, peut constituer un bon dépannage pour le lendemain matin !
Préparation
Passons enfin à la préparation. Pour l’héro, placer la flamme du briquet – qui ne doit pas être trop forte – sous le papier, mais pas juste en dessous. Quelques centimètres suffisent pour que le produit ne brûle pas mais puisse fondre et former une goutte brune, voire noire, pouvant facilement se décoller une fois refroidie (plus elle sera orange et poisseuse rendant impossible de la décoller, plus l’héro sera coupée…), et dont la grosseur dépendra de la quantité déposée.
La bonne dose varie de 1/10e à 2/10es de gramme. En effet, surtout au début, une goutte plus importante est difficile à manier (arriver à la conserver unie est un coup à prendre), et une quantité inférieure a tendance à brûler plus vite, surtout si on place mal la flamme du briquet ! Une fois la goutte formée, incliner légèrement la feuille et faire descendre la goutte en chauffant doucement par en dessous, sans coller la flamme au papier et en maintenant toujours le briquet un peu en retrait par rapport à la goutte. Pour jouer sur la vitesse de descente de la goutte, on peut soit incliner davantage le papier, soit rapprocher un peu la flamme, soit jouer sur la position du briquet par rapport à la goutte. Faites attention, surtout si vous fumez à plusieurs et pour des raisons évidentes, de ne pas trop coller votre tube à la goutte car vous risqueriez de l’aspirer dans le tube ! Au départ, mieux vaut donc faire des essais. Il peut aussi être utile de tracer un chemin avec le doigt sur la feuille d’alu avant d’y faire passer la goutte pour mieux la diriger.
Pour la cc basée, il convient avant tout de la placer dans une cuillère d’eau pour la laver et l’essuyer afin d’enlever les restes d’ammoniac ou autre, toujours nocifs à respirer. Puis chauffer le caillou par dessus jusqu’à ce qu’il devienne une goutte. Si vous le faites par en dessous comme pour l’héro, vous risquez en effet d’en perdre car les projections rendront difficile la constitution d’une seule goutte, et gare aux yeux ! Une goutte formée de bonne qualité doit être la plus transparente possible. – Si, une fois refroidie, elle a l’aspect d’une cire blanchâtre (opaque), cela indique une coupe excessive en Xylocaïne® qui insensibilise mais ne défonce pas ! – Procédez de la même façon que pour l’héro, mais en sachant que la goutte de cc basée va plus vite. Il faut donc faire attention au bout de la feuille et s’arrêter un peu avant la fin. Par contre, on ne pourra pas la décoller comme celle d’héro pour changer de feuille…
Pour le speed-ball, mon conseil est de préparer d’abord la base, la goûter, et si elle convient, faire de même avec l’héro à l’autre bout de la feuille. Si le résultat est aussi bon pour cette dernière, faites alors le mélange en joignant les deux gouttes. Vous éviterez ainsi d’abîmer un produit si l’autre ne passe pas votre contrôle de qualité !
Pour conclure, il peut s’agir d’une alternative de consommation, notamment pour ceux qui veulent abandonner l’injection. Mais sans pour autant renoncer totalement aux sensations fortes, et tout en sachant que sa nocivité pulmonaire est importante, surtout dans la durée… Pour les autres UD, savoir que la prudence est de mise car on s’accroche plus vite qu’avec le sniff et, jouant sur davantage de registres qu’avec ce dernier, l’accroche sera plus tenace ! À ne pratiquer donc que dans une optique expérimentale ou très espacée dans le temps. Pour user sans abuser, bien plus facile à dire qu’à faire !