La défonce n’est pas une pulsion pavlovienne qui draine des bataillons de lycéens vers l’abrutissement, la folie, puis la mort. Ça c’est la Drogue avec un grand D. Dans la vraie vie, consommer des produits psychotropes suppose l’acquisition de techniques sophistiquées qui allient savoir médical, expérimentation et ouï dire. Nous avons consacré une partie de ces VIIIe États Généraux des Usagers de Substances (EGUS 8) à faire les point des connaissances acquises en matière d’injection et de techniques alternatives à ce mode de conso tellement décrié.
Récemment, lors d’une réunion internationale, le président d’ASUD s’étonnait du maintien d’une haute prévalence de contamination sida chez les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH). En réponse, un militant lui a fait une remarque pertinente :
« Crois-tu que si l’usage d’une seringue neuve à chaque injection avait diminué le plaisir éprouvé pour le consommateur, l’usage de matériel stérile aurait eu un tel succès chez les héroïnomanes ? »
La réponse est évidemment non. Et pourtant, l’argument du plaisir est loin d’être le seul moteur de l’univers tellement fantasmé de l’usage des drogues.
Un savoir qu’il est interdit d’acquérir
Les VIIIe États généraux des usagers de Substances (EGUS 8) furent l’occasion de nous rappeler que la défonce c’est aussi et peut être d’abord un appareillage technique.
Fumer un joint n’est pas une vue de l’esprit, ni une pulsion. C’est d’abord l’apprentissage – quelque fois douloureux- de la bonne vieille feuille à rouler. File donc un bout de shit à un quidam pris au hasard dans la rue et regarde s’il est si facile de se transformer en drogué.
Quant à fumer de l’héro, notre atelier « travaux pratiques » animé par Mr Hunt, le bien-nommé, a prouvé à tous que le dragon est un animal qui se laisse difficilement appréhendé ou tout au moins que sa traque répond à des critères précis qui garantissent ensuite le succès de ce mode de consommation alternatif du shoot. Il est troublant de constater l’énorme espace occupé par l’appareillage de la défonce dans l’économie stupéfiante. Se procurer des feuilles de bonne qualité, expérimenter des modèles de filtre, savoir inhaler à plein poumon, le bon vieux cannabis n’échappe pas à cette équation paradoxale, la défonce est exercice dont le degré de risque est fonction de l’acquisition d’un savoir qu’il est interdit d’acquérir. Le fond du dilemme toujours pas résolu de la réduction des risques est là : comment concilier l’impératif du « high » avec les objectifs rigoureusement sanitaires ? Comment éviter l’argumentaire hédoniste, alors que l’on sait qu’il constitue la clé du succès en matière de communication en direction des usagers. Ce gap entre la lettre de la loi et la réalité des pratiques concerne plusieurs dossiers innovant que nous avons voulu traiter lors de ces États généraux, et principalement dans tout ce qui est relatif à l’injection, le mode de conso à la fois le plus technique, le plus dangereux, le plus décrié et… pourquoi ne pas l’écrire, le plus puissant en termes de défonce.
La science addicto s’est jusqu’à présent bien gardée d’explorer ce terrain miné qui est pourtant le véritable champs d’expansion d’une réduction des risques bien comprise, c’est à dire au service des objectifs élémentaires de l’usage. La pharmacologie est cependant condamnée à faire des incursions dans ce jardin secret, notamment parce que l’injection reste une source importante de risques sanitaires majeurs et que la jouissance, le plaisir escompté, constituent toujours le moteur essentiel de l’acte d’injecter.
Chassez le dragon…
Nous avons donc sollicité Marie Debrus, docteure en pharmacie pour qu’elle nous relate comment cette injection paradoxale est vécue dans le programme ERLI (Éducation aux risques liés à l’injection) mis en place par Médecins du Monde depuis trois ans et dont les conclusions vont être publiées prochainement. Nous avons également interrogé Nicolas Authier, psychiatre, pharmacien et esprit inquisiteur, qui fournit aux usagers des informations fiables sur le degré de concentration du principe actif selon que l’on injecte du Skénan ou de la burpénorpphine,selon que l’on chauffe, un peu, beaucoup, pas du tout, que l’on utilise un stérifilt, un filtre toupie, un Stéribox ? Bref tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le shoot sans jamais oser le demander.
Enfin, nous avons invité Fred et …. de AIDES pour les entendre sur une pratique située pile…poil (?!) à l’épicentre de notre sujet : le slam. Non et non pas Grand Corps Malade !!! Le Slam est un nouveau phénomène repéré depuis quelques années qui réunit des amateurs de relations sexuelles hard à partenaires multiples, qui dans le même temps injectent des substances achetées sur le net. Plaisir, drogue, homosexualité, mais aussi, injection, techniques de shoot, prophylaxie bref le cocktail idéal pour illustrer notre propos.
Ces trois intervenants ont été suivi par Neil – Dragoons – Hunt. Célèbre des deux côtés du Channel pour son action Break the Cycle. Le cycle en question c’est le rituel de la shooteuse que l’on peut quitter à condition d’avoir maitriser une technique qui peut s’aligner sur la pompe du seul point de vue qui n’est jamais traité dans les brochures de réduction des risques: le kif!! Peut-on raisonnablement se mettre à chasser le dragon à plein poumon et en attendre des effets comparables à ceux obtenus avec une arbalète ? Une démonstration technique en direct nous a convaincu grâce à Neil Hunt, Laurent Appel et Miguel Velazquez qui ont rivalisé sur le terrain de chasse.
Voilà la véritable nature de l’alliance que nous les usagers devront développer demain, avec des partenaires qui comme lot de ces journées ne sont pas tétanisés par la crainte de passer une alliance avec le diable en parlant de dope , de défonce, du high, qui reste ne l’oublions pas l’horizon indépassable de toutes consommation psychotrope.