Agréée depuis 2007 par le ministère de la Santé pour représenter les patients accueillis dans les structures de soins et, le cas échéant, porter leurs intérêts en tant que personne morale, Asud a créé l’Observatoire du droit des usagers (ODU) dont l’objectif est d’offrir un espace d’expression pour permettre aux usagers de substances psychoactives de faire valoir leurs droits, d’assurer un plus grand contrôle sur leur santé, et de renforcer leurs compétences psychosociales.
Des usagers parlent aux usagers
Parmi ces témoignages, viennent d’abord les turpitudes liées à la maréchaussée qui, en dépit des recommandations de la circulaire du 17 juin 99, continue de faire la chasse aux tox aux abords des lieux de distribution de matériel stérile :
« À Paris, l’action de Médecins du monde est régulièrement troublée par certains services de police […] : interpellation des “tox” à la sortie du bus de prévention et destruction des kits. » (lire Les Brèves d’ASUD Journal N°4)
Un autre classique est l’abus et le mésusage des tests urinaires dans les centres de soins, entraînant punitions, chantages et infantilisation. Une personne sous Moscontin® et méthadone décrit son exclusion d’un programme après avoir refusé de se soumettre aux tests urinaires :
« Mme W., directrice, décide sans même me prévenir d’arrêter le don de méthadone et voilà, rien du jour au lendemain. Je pense qu’elle est vraiment irresponsable. Je pensais bêtement que la médecine ne jouerait pas à ce jeu-là. Cette histoire est très grave. Et je vous pose une question : a-t-on enfin des droits ? Jamais un dealer ne m’a fait ce genre de plaisanterie. » (lire Courrier des lecteurs d’ASUD Journal N°10)
Rappelons que ces tests n’ont pas un caractère obligatoire (vous avez le droit de les refuser, sauf pour une primo-prescription ou un passage à la forme gélule) et peuvent encore moins être un outil coercitif.
Ne voulant pas troubler le calme de leur salle d’attente, certains médecins ne s’embarrassent même pas de faux prétextes pour refuser une ordonnance :
« […] L’immense majorité des médecins nous a exclus du fameux serment d’Hippocrate. Cette situation est intolérable, et seuls les toxicos pourraient défendre leurs droits. Personne ne le fera pour eux. » (lire Courrier des lecteurs d’ASUD Journal N°12)
Reste le numéro 1 de ce Top des manquements aux droits des usagers : le refus de délivrance de traitements en pharmacie, qu’on camoufle derrière un panel non-exhaustif d’excuses bidons. Exemple pour 60mg de Moscontin® :
« Première excuse : ne prend pas la carte Paris Santé », puis dans Paris, « nous n’avons pas, il faut commander » […]. Nous avons encore fait deux tentatives, ils ont tous joué sur le coup de la livraison, lorsqu’ils n’ont pas déblatéré un monceau d’âneries. Découragés, nous sommes allés pécho. » (lire Courrier des lecteurs d’ASUD Journal N°9)
Si la mauvaise foi était une maladie, la plupart de ces pharmaciens auraient une cirrhose…
Vingt ans et toujours d’actualité
Si ce tour d’horizon doit faire résonance chez beaucoup d’entre vous, ce qui est embêtant, c’est que ces témoignages n’ont pas été recueillis par l’ODU, mais via des courriers reçus par Asud et publiés dans les premiers numéros du journal. Certains ont plus de vingt ans mais sont toujours d’actualité ! ! La preuve avec des témoignages récents recueillis par l’ODU :
« Suite à une agression physique, je me suis pris des coups au visage et je me suis fait voler mon traitement TSO. Je me suis rendu au commissariat rue aux […] à côté du Csapa […]. L’agent a refusé mon dépôt de plainte. » (M. F., Paris).
« Contrôle policier quasi systématique à la sortie ou l’entrée d’un Caarud, avec parfois provocation des usagers et bris de matériel de consommation pour provoquer un outrage éventuel qui [les conduira] au commissariat. » (M. B., Lille).
« Les urgences n’ont pas voulu faire une prise de sang pour voir si infection, juste me dire qu’il faut arrêter de s’injecter et me regarder avec indifférence ». (Mme H., La Roche-sur-Yon).
« Ces deux jeunes pharmaciens refusent de délivrer certaines prescriptions pourtant parfaitement rédigées, protocole et rédaction de l’ordonnance conforme à 100 % avec les règles en vigueur ! » (M. T., Goussainville).
Malheureusement, rien ne changera tant que ces manquements ne seront pas documentés, ni dénoncés. La RdR est aujourd’hui une politique de santé publique, les Caarud et Csapa ont un cadre légal et sont désormais des établissements médicosociaux, mais il reste beaucoup à faire concernant le droit des usagers et la citoyenneté. Cet aspect est cependant prévu par les politiques publiques et s’applique à tous les établissements médicosociaux, c’est la démocratie sanitaire.
Devenir des consomm’acteurs
Si ces établissements ont désormais obligation de mettre en place des outils favorisant la parole, la représentation et le droit des usagers dans les structures (Conseils de la vie sociale, groupes d’expression, Commissions des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge, etc.), encore faut-il que ces changements se concrétisent. Et outre de la bonne volonté, cela nécessite non seulement un accompagnement pour aider les structures à développer ce volet mais surtout, une implication des usagers. Ces outils ne peuvent exister que par vous et par votre volonté de changer les choses. Les droits s’accompagnent de devoirs, notamment celui de connaître et de faire respecter ces droits pour faire évoluer les conditions de vie, l’image des usagers de drogues et devenir des consomm’acteurs.
L’ODU est là pour ça. Mais ce dispositif n’est rien sans vous. S’il y a vingt ans, les témoignages reçus (spontanément) par Asud servaient à favoriser l’expression des usagers et à illustrer dans le journal les problématiques vécues quotidiennement, aujourd’hui, grâce à l’ODU, ils deviennent des « mains courantes » auprès des institutions publiques comme l’Agence régionale de santé (ARS) ou la Direction générale de la santé (DGS). Ils permettent de dénoncer les manquements aux droits des usagers en apportant des éléments comptables et concrets.
Dans un paysage médicosocial où l’anonymat prévaut du fait de la prohibition, déposer votre doléance en votre nom propre est un acte de citoyenneté.
« Cessons de laisser parler les autres à notre place et pour notre “bien”. »
Didier De Vleeschouwer, Sociologue (ex-usager) (lire Lettre d’un ami, Asud-Journal n°1).
Cette réappropriation d’une citoyenneté confisquée par le statut de délinquant ou de malade est l’objet d’Asud depuis ses débuts :
« Quant à ce journal, chacune de ses pages, chacune de ses lignes est là pour témoigner, pour se faire l’écho de nos premiers pas d’usagers-citoyens responsables “à part entière”. […] Et pour affirmer notre volonté de nous faire les artisans de notre propre destin. À notre façon, pour peu seulement qu’on nous laisse disposer des outils dont nous avons besoin pour atteindre nos objectifs […] : le respect des droits de l’Homme… qu’il soit ou non usager des drogues. » Phuong-Thao, Éditorial N°1,
Ce texte figurait dans le tout premier numéro d’Asud-Journal, en 1992. L’ODU est aujourd’hui l’outil qui vous permettra de devenir les artisans de vos propres destins.