Un quatrième album « Heaven » paru en avril 2014, une tournée passée par Paris. Un charisme fou, Robert Francis est bien – et je pèse mes mots – le dernier espoir du rock’n’roll !
Cela fait bien longtemps que j’ai renoncé à m’intéresser à ce qui se passe de nouveau dans le monde pop rock. D’abord, parce que quelque chose de la mythique rock’n’roll semble s’être perdue en cours de route, à moins que ça ne soit moi ! Et puis, difficile de suivre le rythme. Des artistes et groupes, il en surgit de nouveaux toutes les semaines et leur durée de vie est volatile. Un petit tour sous les projos et puis patatras… dans les limbes !
Alibi
Bref, j’en étais là. C’est-à-dire à me contenter tous les deux-trois ans du nouveau Dylan en écoutant de la country années 20 et 30. Et puis Robert Francis a déboulé. Plus exactement, il m’est tombé dessus via la radio il y a deux ans. En entendant Junebug, son seul hit à ce jour, j’ai décelé là un truc indéfinissable qui vous prend à l’âme. Ni une ni deux, j’ai foncé derechef acheter ses deux albums, j’ai plongé sur YouTube voir à quoi ça (il) ressemblait live… C’était convaincant ! À mort ! Quelques semaines plus tard, le troisième album me renversait pour de bon !
Comment dire l’effet que ça m’a fait… ? Ce qui s’en approche le plus, c’est encore la phrase de Laurent Tailhade à propos de Rimbaud lorsque Verlaine publia ses poèmes en 1883 : « l’effet d’une aurore boréale ». C’est ça : Robert Francis a été une aurore boréale en pleine nuit musicale.
Je n’irai pas jusqu’à prétendre, comme Landau en 1975 à propos de Bruce Springsteen, avoir « vu le futur du rock’n’roll » parce que je ne sais vraiment pas si le rock a un avenir. En revanche, je peux dire sans craindre de me tromper que Robert Francis en est le présent. Il fait d’ores et déjà partie de cette Histoire du rock !
Somethings never change
Robert Francis, c’est d’abord un musicien surdoué et inspiré, un fantastique songwriter ! Laissez tomber la filiation avec les Ryan Adams ou Elliott Smith, quels que soient leurs talents respectifs, ce mec a un truc en plus… Rock star ! Je sais bien qu’en ce moment, il y en a pléthore des Wannabe, les Kurt Vile and co courent les rues, mais Robert Francis est au-dessus du lot. Je veux dire, il a ça dans le sang, il est de cette trempe-là, point. Matez sa dégaine, jetez un œil sur une vidéo live, ça saute aux yeux ! Il a tout ce qu’il faut, le talent, la pose, l’arrogance et aussi cette « fêlure » chère à Fitzgerald, ce « crack up » et un tas de démons rôdant autour de lui qu’il chasse à coups de riffs.
Accouché dans la douleur, son quatrième album s’appelle Heaven parce que Robert Francis a plongé aux enfers. Il en revient avec ce disque abouti, complexe, plein de méandres, un album douloureux traversé de fulgurance et d’espérance qu’il a produit entièrement.
D’où viens-tu Robert ?
Comme Gram Parsons ou Townes Van Zandt, Robert Francis n’est pas né dans la rue. Il a grandi dans un environnement privilégié : son père est un compositeur de comédies musicales reconnu et son parrain s’appelle Ry Cooder, lequel lui aura transmis quelques-uns de ses riffs secrets.
Multi-instrumentiste, Robert enregistre son premier album, One By One, à l’âge de 18 ans, un album très personnel qui lui vaut l’oreille de la rock critic, pas du grand public… Rock and roll my little girl !
Les paroles – comme la voix – ont ce mélange d’orgueil et de fragilité, quelque chose déjà qui vous prend aux tripes et sonne différent (Good Hearted Man)
La culture musicale de cet insensé collectionneur de partitions est exceptionnelle mais digérée. Parmi ses influences, il cite volontiers Doug Sahm, Van Morrison, Dylan, Springsteen et surtout, Townes Van Zandt.
Le second album, Before Nightfall, porte l’hymne Junebug, gros succès en France. Passé chez Vanguard, un label indie, Francis publie Strangers In The First Place, son troisième album : chef d’œuvre à la manière du Born to Run du jeune Springsteen. Le disque s’écoute d’un bout à l’autre et chaque nouveau titre dépasse le précédent en intensité.
Baby was the devil – Mescaline
Mais voilà, en pleine promo, le Californien disjoncte. Il annule pléthore de dates, plaque tout et part – en vrille – avec une fille rencontrée sur la tournée. La relation est destructrice : alcool, dope, dépression. Accro, il tourne le dos à la musique et empile les médocs… Il a l’âge pour ça ! Je veux dire l’âge d’en revenir. Ce qu’il fera avec son nouvel album sorti en avril, Heaven, signé Robert Francis & Night Tide, son nouveau groupe dont le nom figure désormais aux côtés du sien comme le E Street Band de Springsteen. Histoire de bien marquer l’alchimie qui unit ces musiciens et leur leader (David Kitz, drums/Ben Messelbeck, bass/Jim Keltner et Joachim, beau-frère de Robert, à la guitare).
Avec Heaven, Robert Francis poursuit sa Quête. Et c’est ça qui définit un artiste. La nécessité et la Quête ! En un mot comme en mille, Robert Francis est la meilleure chose qui soit arrivée au rock depuis longtemps ou le truc le plus excitant que le rock nous ait donné depuis un long moment… au choix !