Autosupport des usagers de drogues

Les dispositifs d’analyse en France

SINTESofdt

Le Système d’identification national des toxiques et substances (Sintes) est un dispositif d’analyse de drogues de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (Ofdt) opérationnel depuis 1999. Il se décompose en deux volets : le volet veille, actif en continu et axé sur les produits présentant un caractère de nouveauté ou de dangerosité particulière (plus de 1 200 échantillons analysés entre 2008 et 20151), et le volet observation qui prend la forme de focus à peu près annuels, à chaque fois sur un produit (ou une catégorie de produits) différent qui sera précisément documenté via l’analyse d’un grand nombre d’échantillons collectés sur l’ensemble du territoire.

Les analyses sont réalisées par des laboratoires partenaires qui utilisent les techniques les plus perfectionnées telles que la chromatographie sur couche gazeuse ou en phase liquide, associées à la spectrométrie de masse. Si ces termes barbares ne vous ont pas éclairés, sachez que ces techniques comportent des risques d’erreur extrêmement faibles et permettent de quantifier* les différents composants d’un échantillon, détail d’importance pour les usagers qui n’ont aucun moyen de savoir avec certitude le pourcentage de dope dans leur dope !
Sintes se définit aussi comme un réseau. En effet, les collectes d’échantillons et des questionnaires associés sont effectuées par un réseau de collecteurs (qui bénéficient d’une dérogation leur permettant de transporter des échantillons de stupéfiants) coordonnés sur le plan local et national. Les échanges d’information avec les services répressifs, mais aussi avec les institutions (notamment en cas d’alerte) françaises et européennes, sont aussi partie intégrante du dispositif.
Le coût des analyses est supporté par le dispositif et le volet veille est ouvert à tout professionnel du champ ayant la possibilité de collecter un échantillon d’un produit nouveau ou particulièrement dangereux. Cela signifie que si vous tombez sur un produit qui vous semble vraiment bizarre et/ou dangereux, vous pouvez solliciter le dispositif pour une analyse gratuite, anonyme et surtout, extrêmement précise du prod en question. Il vous faudra pour cela vous rapprocher d’une structure de RdR qui fera l’intermédiaire. Seul inconvénient de ce dispositif : le délai pour obtenir un résultat est d’environ trois semaines.

Pas besoin d’attendre en revanche pour lire Le Point Sintes, l’excellente newsletter trimestrielle mise en place cette année. Vous y trouverez l’ensemble des analyses réalisées par le dispositif, ainsi que quelques analyses sur les évolutions du marché des drogues en France et en Europe. Saluons la décision de l’Ofdt d’avoir rendu ces documents publics et accessibles à tou (te) s (tapez « Point Sintes Ofdt » sur votre moteur de recherche, vous les trouverez sans difficulté).

 

LE PROJET CCM 2.0 DE TECHNO+technoplus

Afin de répondre à la problématique de la couverture territoriale qui fait que certains usagers (notamment en zone rurale) n’ont pas accès à la possibilité de faire analyser leurs produits, même lorsque ces derniers sont suspects ou dangereux, Techno+, en partenariat avec Sida Paroles, développe un projet d’analyse (CCM) par correspondance : sur le site de l’association, les usagers pourront faire une demande de toxitubes (éprouvettes contenant un solvant rendant les échantillons impropres à la consommation) qui leur seront envoyés par la poste. Ils pourront ensuite y introduire un échantillon puis les renvoyer au laboratoire qui se chargera de l’analyse. Les résultats seront ensuite diffusés sur le site de Techno+, accompagnés de messages de RdR ciblés et d’une référence permettant à l’usager de reconnaître son résultat.

 

LA SPECTROSCOPIE INFRAROUGE

Couramment utilisée en laboratoire, la spectroscopie infrarouge (IRS) est une technique performante qui pourrait un jour compléter l’offre d’analyse de drogues en France… Bienvenue dans le futur !

L’IRS utilise le fait qu’un faisceau de lumière infrarouge qui traverse une molécule subit une absorption d’énergie sur des longueurs d’onde spécifiques à la molécule en question. Le principe d’un spectroscope IR est donc d’établir le spectre d’un rayon infrarouge après qu’il ait traversé un échantillon. Un logiciel comparera ensuite le spectre obtenu aux fréquences de résonnance des molécules contenues dans des bases de données pour déterminer celles qui ont été traversées par le faisceau et rendre le résultat.

Ce n’est donc pas une technique séparative : le spectre recueilli contient toutes les variations dues au passage du rayon dans les différentes molécules contenues dans l’échantillon. La technique perd donc en efficacité sur des échantillons composés d’un grand nombre de molécules différentes (c’est notamment le cas des substances organiques type opium ou haschich). C’est en revanche une technique extrêmement rapide et simple d’utilisation. On peut aussi noter à leur crédit que les spectromètres IR sont des objets légers et de petite taille qui ne craignent pas d’être déplacés fréquemment. Leur coût est en revanche élevé (environ 20 000 €), auquel il faut ajouter l’environnement logiciel. En effet, s’il existe des bases de données gratuites, les fréquences de résonnance de certains produits, et notamment des drogues les moins courantes, sont plus difficiles à trouver et généralement payantes. Les services douaniers anglais – qui utilisent cette technique – ont développé une base de données qu’ils actualisent fréquemment pour inclure les nouvelles drogues. Nommée Tic Tac, cette base de données peut être considérée comme relativement complète sur les drogues, et donc suffisante pour une utilisation en RdR. Elle coûte dans les 5 000 €/an.

Une version low cost d’IRS est actuellement développée par une société israélienne. Pour un prix inférieur à 500 €, elle promet dans un futur proche de démocratiser la technique en permettant à tout un chacun d’analyser ses aliments, médicaments. Reposant sur le principe de bases de données participatives, cette technologie pourrait aussi être utilisée pour analyser les drogues mais… Dans un futur proche, on vous a dit ! Pas la peine de vous jeter dessus pour l’instant, on en connaît qui l’ont déjà fait et c’est pas encore franchement au point…

 

NOT FOR HUMAN,  UN SERVICE D’ANALYSE CIBLÉ

Première structure de RdR spécifiquement dédiée aux nouvelles drogues et à l’action sur Internet, l’association Not For Human a mis en place un service d’analyse (quantitative*) en laboratoire extrêmement précis et original. Les produits suspects sont en effet repérés par les membres de l’association via les discussions sur les forums. S’ils le jugent utile (par exemple, si une personne se plaint sur un forum d’effet inhabituels), les membres de Not For Human peuvent proposer à un internaute d’analyser gratuitement un échantillon du produit suspect qu’il enverra à l’association par la poste. Jusqu’à présent, plus de cinquante échantillons ont été analysés, qui ont parfois donné lieu à des alertes.

 

ET LES DOUANES DANS TOUT ÇA ?

Évidemment, les services répressifs sont aussi très demandeurs de techniques d’analyse. En France, ils conservent dans ce domaine une grande longueur d’avance sur les services sanitaires. Mieux équipés, ils utilisent souvent des combinaisons de techniques afin de bénéficier des avantages de chacune (détection rapide sur site via IRS couplée à des analyses poussées en laboratoire pour confirmer les résultats, par exemple).

Du point de vue répressif, la problématique de l’analyse recoupe celle du dépistage : dans les deux cas, il s’agit de démontrer la présence ou l’absence d’une molécule. À ce sujet, les services douaniers disposent d’un nouvel outil ultraperfectionné : des bandelettes destinées à être frottées à des endroits stratégiques (poches, cartes bancaires, doigts…) pour révéler la présence de traces infimes de drogues.

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