T4 : pas besoin d’être spécialiste du SIDA pour savoir que ce nom (on dit aussi CD4) désigne les cellules de notre système immunitaire auxquelles s’attaque le virus du SIDA. Et que le nombre plus ou moins élevé de cellules présentes dans chaque mm3 du sang du malade – ou d’une personne séropositive – est un indicateur d’une importance vitale quant à l’évolution de la maladie.
Mais ce que nous savons moins, c’est la réalité concrète et les processus biologiques qui se cachent derrière ce nom technique.
Qu’est-ce qu’une cellule T4 ? Quel est son rôle dans le système immunitaire ? Que veut-on dire quand un médecin annonce à une personne séropo ou malade : “Vous avez tel ou tel taux de T4…” Qu’est-ce que ça va signifier réellement quant à l’apparition ou à l’évolution du SIDA ? Et pourquoi ? Comment le VIH s’attaque à notre organisme en agressant le système immunitaire via les T4 ? Le niveau de T4 est-il le seul baromètre de l’évolution ?
Toutes ces questions, les spécialistes y ont bien sûr répondu depuis longtemps – et bien plus pertinemment que nous. Il y ont même tant répondu que nous finissons par ne plus nous y retrouver dans l’énorme masse d’informations qui s’est accumulée depuis l’apparition du fléau.
Mais en termes clairs, concrets, à ras de la misère et de l’angoisse quotidienne des toxicos contaminés ou malades, qu’est-ce que tout cela veut dire ? Au risque de nous voir accusés par les “spécialistes” de faire de la vulgarisation à bon marché, nous avons essayé de dégager quelques éléments de réponse…
T4 et SIDA
Quand on est “séropo”, tôt ou tard arrive le moment où on se pose la question fatidique “Est-ce que je commence à développer un SIDA ? Est-ce que cette merde est déjà entrée dans sa phase active ?”
Une question bien craignos, mais qui a le mérite d’être clair. Et si la réponse est non, alors tout va bien – du moins pour le moment. Si c’est oui – eh bien ça signifie qu’on est bon pour le cimetière…
C’est du moins ce que tout le monde pense. Mais en réalité les choses ne sont pas aussi tranchées. A tel point qu’on peut être subclaquant sans pour autant, médicalement parlant, développer un SIDA.
La médecine donne en effet une définition bien précise du SIDA. Et pour elle, ce qui compte le plus, c’est de savoir dans quel état se trouve votre système immunitaire. C’est ce qui permet de donner l’indication la plus fiable sur votre véritable état de. santé et sur les traitements les plus opportuns.
Comme on le sait, le VIH s’attaque au système immunitaire, Ce qui permet à toutes sortes d’infections de se développer – et tout spécialement les infections dites “opportunistes”, c’est à dire celles qui n’auraient normalement aucune chance de s’attaquer à une personne en bonne santé. C’est pourquoi il est d’une telle importance pour les séropos de surveiller constamment l’état de leur système immunitaire,
Le système immunitaire
Au fait, qu’est-ce que c’est exactement que le système immunitaire ? En bien disons que son rôle est de protéger l’individu contre les millions et les millions de bactéries et de virus qui n’attendent que l’occasion de fondre sur son organisme et d’y prospérer – à ses dépens évidemment.
Le système immunitaire commande donc diverses sortes de cellules qu’il utilise pour détruire ces corps étrangers qui s’attaquent à l’organisme. C’est à dire qu’il sait reconnaître les cellules saines pour s’attaquer à toutes les autres – virus et compagnie…
Parmi ces cellules utilisées par le système immunitaire, il existe une variété de cellules blanches – ou leucocytes – contenues dans le sang, qui joue un rôle tout à fait central dans la défense immunitaire de l’organisme : les fameuses T4. On pourrai dire qu’elles sont un peu les “généraux” de l’armée mobilisée par le système immunitaire. Ce qui signifie que dès que les cellules T4 s’aperçoivent de la présence d’un “ennemi”, elles alertent les “troupes” immunitaires et les rangent en ordre de bataille. La T4 a également la propriété d’enregistrer les caractéristiques de l’intrus pour aider le système immunitaire à l’identifier s’il se représente. En d’autres termes, c’est elle qui fait qu’une personne est ensuite “immunisée” contre tel ou tel micro‑organisme particulier.
Ce qui fait du virus VIH un adversaire si dangereux, si vicieux, est qu’il s’attaque directement – et par surprise – au “général” de l’armée immunitaire. C’est à dire que le virus se fraie un chemin à l’intérieur même de la cellule T4 et qu’il dépose son matériel génétique au cœur de ce qui en constitue le centre nerveux. Comme s’il faisait subir une sorte de lavage de cerveau à la T4 qui se trouve alors à la merci d’un ennemi qu’elle n’est plus capable d’identifier Bref, le “général” se retrouve transformé en agent double…
Mesurer la maladie
Du fait qu’on ne sait actuellement que très peu de choses de ce fameux VIH, la médecine ne peut guère faire plus que mesurer les dégâts qu’il cause au système immunitaire. A cause du rôle central joué par les T4 dans celui-ci, c’est leur comptage qui permet aux toubibs d’évaluer l’état dudit système. Mais le dénombrement des T4 ne leur laisse en fait qu’une marge des plus approximatives d’évaluation Cela dit, en l’état actuel des connaissances, c’est encore le moyen le plus fiable de mesurer les progrès de la maladie.
Un faible nombre de T4 signifie donc que la personne est vulnérable à toutes les éventuelles infections « opportunistes ». Mais cela ne veut pas dire pour autant que ces infections vont forcément survenir. En réalité, beaucoup d’autres facteurs entrent en jeu. Tels que l’hygiène, un régime sain, un bon sommeil, un mental équilibré et des soins médico‑pharmaceutiques précoces.
Chez une personnes séropo, le nombre des T4 n’est pas constant – il est extrêmement variable. S’il dépasse 400 ou 500, c’est que tout va bien pour le moment, dès qu’il reste en dessous de ce niveau durant une période de temps significative, c’est qu’il y a un problème. A savoir que chez toute personne séropo, la baisse des T4 indique la hausse de la population de virus VIH dans l’organisme. Cependant, pas de panique. En effet, cela n’implique nullement que la personne a déclaré la maladie ou qu’elle est sur le point de l’être. En d’autres termes, le risque de choper une maladie “opportuniste” est plus grand. D’ailleurs, il peut arriver que des personnes séronégatives aient un niveau de T4 anormalement bas. Alors…
Cependant, si votre niveau de T4 chute durablement en dessous de 200, il faut prendre l’affaire au sérieux. Car il est possible que la population de virus dans l’organisme se soit accrue de façon préoccupante. Pourtant, même avec un niveau faible de T4, les gens ne développent pas pour autant les symptômes de la maladie. En effet, c’est moins au nombre des T4 dans l’organisme qu’à ses variations que les médecins attachent de l’importance. Pour eux, une baisse régulière du niveau des T4 sur une période d’un an, par exemple, est plus inquiétante qu’un niveau bas, mais stable – disons 200.
Cela dit, les maladies “opportunistes” peuvent très bien être soignées avec efficacité même si la personne à un taux de T4 bien inférieur à 200 – à condition qu’elles puissent être détectées à temps. Il existe également des médicaments qui peuvent prévenir les infections caractéristiques des systèmes immunitaires affaiblis C’est ainsi que par exemple, pour l’une d’entre elles, la (trop) fameuse pneumocystose, on aura intérêt à recourir à un traitement préventif précoce.
L’AZT
Tout le monde aujourd’hui connaît I’AZT que les médecins prescrivent de plus en plus la plupart du temps depuis quelques années. Ce médicament inhibe le développement du virus dans l’organisme. Mais ce n’est pas une panacée, loin de là, il présente même quelques sérieux inconvénients. Si, d’un côté, il vient contrer le virus, de l’autre, il bloque la production des globules sanguins rouges et blancs. De plus, ce médicament a de sévères effets secondaires et perd de son efficacité au bout d’un certain temps. Les travaux des chercheurs ont montré que I’AZT atténuait les symptômes de la maladie. A court terme, cela présente l’avantage d’aider les malades du SIDA à se sentir moins patraques. Mais à long terme, cet avantage finit par disparaître. Actuellement, il arrive qu’on le prescrive aux séropositifs dès que leur taux de T4 descend en dessous de 750. Une pratique très controversée dans les milieux médicaux. Le plus souvent, l’AZT n’est prescrit que si les T4 descendent durablement en dessous de 200.
D’autres travaux indiquent que le moment auquel on choisit de commencer le traitement à I’AZT n’a pas d’effet significatif sur l’espérance de vie du malade. C’est à dire que quelqu’un qui commence à prendre de l’AZT dès le début de la maladie (entre 500 et 750 T4) ne survivra pas forcement plus longtemps que quelqu’un qui le prend à un stade plus avancé de la maladie (en dessous de 200). Ces réserves formulées, il demeure incontestable que le traitement à l’AZT est bénéfique. Les statistiques montrent que ceux qui prennent de l’AZT survivent en moyenne 12 à 18 mois plus longtemps que les autres malades.
Cela dit, prendre ou non de l’AZT demeure une question de choix individuel à débattre entre vous et vos médecins. A vous de peser avec eux le pour et le contre – une décision difficile à prendre et pour laquelle on ne saurait en tout cas recueillir l’avis de trop de spécialistes.
D’autres indicateurs
Pour en revenir à ces foutues T4, il faut dire la vérité : c’est vrai que c’est stressant de les contrôler. C’est vraiment l’angoisse d’attendre le résultat des analyses : “Est-ce que je me maintiens toujours au-dessus de 800 oui ou non ?” – l’horreur…. D’autant que le nombre de T4 n’est pas tout. Il faut savoir qu’il peut baisser momentanément pour d’autres raisons qui n’ont rien à voir avec le VIH. Et même une fois fixés sur votre niveau de T4, les possibilités de traitement préventif précoce restent limitées – il faut le savoir…
Quoiqu’il en soit, et comme nous l’avons déjà dit, le niveau de T4 n’est pas tout. Bien d’autres facteurs entrent en jeu. Certains spécialistes pensent même que l’utilité de la numération des T4 n’est que relative et soulignent que, étant donné l’importance du facteur stress dans le déclenchement et l’évolution de la maladie, il peut être dangereux pour le patient de se prendre la tête et de se faire une obsession de tel ou tel niveau de T4 mesuré à tel ou tel moment particulier. Dans la mesure où ce niveau peut varier même dans l’espace de 24h…
Ce qui veut dire, en clair, que le niveau des T4 ne constitue pas le baromètre absolu de l’immunité… Et que, quelque soit celui-ci, ce qui compte d’abord pour le séropo, c’est de préserver le plus possible son immunité naturelle. C’est à dire la résistance de l’organisme à l’infection. Car chaque nouvelle infection est une agression contre le système immunitaire. C’est pourquoi, quand on est séropo, loin de baisser les bras, il convient d’être particulièrement vigilant. Attention à l’hépatite. A la tuberculose. Aux maladies vénériennes – à toutes les saloperies en somme qu’on peut attraper en shootant, en faisant l’amour… ou juste en prenant froid. Sans parler évidemment de la sur-contamination au VIH, qui est spécialement dangereuse. Car il existe plusieurs variétés du virus. Ce qui fait que chaque nouvelle infection est un coup supplémentaire porté à vos défenses naturelles. Il faut donc être particulièrement attentif à toutes les questions d’hygiène afin de permettre à votre organisme de mobiliser toutes ses ressources pour se défendre contre le virus.
Et on ne rappellera jamais assez les deux règles simples en matière d’immunité naturelle : une alimentation saine et un sommeil régulier. Cela vaut toutes les vitamines du monde…
Numération des T4
Afin d’évaluer le niveau d’immunité d’un patient donné, le test consiste à compter le nombre de cellules T4 présentes par millimètre cube de son sang. C’est ce nombre qu’on nomme le niveau de T4. C’est ainsi qu’un niveau de T4 de 800 signifie qu’on a dénombré la présence de 800 cellules T4 par mm3 de sang.
Chez un individu en bonne santé, le niveau de T4 oscille entre 500 et 1500. Ce niveau n’est pas forcément constant, il peut être soumis à des fluctuations tout à fait normales. On peut dire que tant que le niveau de T4 reste au-dessus de 4 ou 500, le système immunitaire de la personne est en bon état. Ce qui signifie que son organisme est suffisamment résistant pour combattre d’éventuelles infections opportunistes.
Le virus en action
Nous ne connaissons tous que trop pour l’avoir vu à la télé et dans la presse, l’apparence du virus au microscope : un petit globe, d’un diamètre d’un dix millième de millimètre hérissé de petites pointes. Ce que nous connaissons moins bien, en revanche, c’est la relation entre cette forme et la façon dont le VIH agresse nos cellules. Les petites pointes qui lui donnent vaguement l’aspect d’une châtaigne sont en effet, concrètement les clés qui lui servent à s’introduire dans le système immunitaire. Car elles correspondent exactement – comme une clé à une serrure – aux récepteurs qui se trouvent à la surface des cellules T4. Une fois solidement imbriqué et accroché à la cellule, le virus fore un minuscule trou dans la membrane de celle-ci. C’est en passant par ce trou que le contenu du virus s’insinue à l’intérieur de la cellule. Et le virus, ainsi “camouflé” dans la “peau” de la cellule peut ensuite s’infiltrer dans le matériel génétique de notre corps, où le système immunitaire se trouve de ce fait incapable de le reconnaître et de l’éliminer.
C’est ainsi que le VIH transforme la cellule en une sorte de “photocopieuse” à virus, de machine à reproduction qui se sert de la cellule pour la forcer à fabriquer de nouveaux exemplaires de lui-même jusqu’au moment où la cellule, explosant littéralement, libère un véritable essaim de VIH prêts à se mettre en quête de nouvelles cellules à investir pour s’y reproduire. Le VIH dispose également d’une autre tactique. Il peut en effet, pousser une cellule T4 contaminée (“investie”, “possédée” par le virus) à s’amalgamer à d’autres T4 encore saines – ce qui lui permet d’éliminer d’un seul coup de nombreuses cellules T4.