Georges Lachaze, notre envoyé spécial à l’Ungass 2016, garde un souvenir contrasté de l’organisation onusienne. Doit-on y déceler un message politique ? Ambiance.
De façon générale, les ONG sont invitées à assister aux débats onusiens. Très récemment, le secrétaire général adjoint des Nations unies, le directeur exécutif de l’Unodc ainsi que le président de la CND* et du bureau d’organisation de l’Ungass ont reconnu la nécessité d’intégrer la société civile au processus de préparation ainsi qu’aux débats, à titre consultatif. Applaudissements, roulades, pétards et cotillons.
Lorsque l’on associe ONU et New York, on pense immédiatement « professionnalisme » et « organisation ». De ce côté-là, grosse déception. Des inscriptions via des Google Docs dignes d’une kermesse d’école, des confirmations par simples emails impersonnels, et de vulgaires impressions papier distribuées quotidiennement de la main à la main en pleine rue ! Ni formulaire d’inscription sécurisé sur le site officiel de l’ONU, ni confirmation nominative avec référence de dossier, ni réception des participants. Nada, walou, que dalle. Juste une organisation entre la teuf à l’ancienne avec infoline et le dealer du « street corner ». On a presque cru qu’on rentrerait sur donation. Pour simplifier les choses, ce petit manège se répétait tous les matins de très bonne heure (le temps de faire la queue dans la rue). Mais ce n’est pas tout. Non seulement l’obtention des sésames relevait du parcours du combattant mais au fil des heures, le niveau d’accès de tous les pass diminuait. Que de perte de temps et d’énergie à courir après des tickets de tombolas pour se voir au final refuser l’accès à la moitié des tables rondes.
SUBTILEMENT OSTRACISÉS
Officiellement, ce verrouillage graduel était dû à la COP21. L’Ungass se clôturait la veille de la signature de l’Accord de Paris, et la sécurité était au niveau rouge carmin à pois fluo. Aussi bien l’Ungass que la COP21 étant prévues depuis des mois, il est plus que probable que le protocole de sécurité de ces évènements l’était tout autant. Pourquoi donc ces girouettes protocolaires ? Pourquoi un tel décalage entre ces deux évènements ? Une chose est sûre, la COP21 posait plus de problèmes à l’organisation parce que les chefs d’États faisaient le déplacement, ce qui n’était pas le cas pour l’Ungass. Saluons l’engagement en faveur de l’écologie et du développement durable, mais nous souhaiterions voir la même implication sur la politique des drogues. Ça en dit déjà long. De plus, si l’argument sécuritaire est l’explication de ces dysfonctionnements, quel crédit lui prêter quand les mesures mises en place sont des inscriptions non-sécurisés et des pass en papier falsifiables au Copy-Top du coin ?
Cette organisation n’a pas surpris que des novices comme nous. Même les habitués de ce genre de raouts étaient effarés. Lors d’un débriefing organisé par la Mildeca, Michèle Ramis (ambassadrice chargée de la criminalité organisée et membre de la délégation française présente à l’ONU) a déclaré que sur place, « les ONG ont été maltraités ». Nathalie Latour, déléguée générale de la Fédération Addiction, a qualifié la situation « d’ubuesque ». Était-ce juste une mauvaise organisation ou une volonté délibérée et sournoise de compliquer la vie des ONG ? Malheureusement, c’est bien l’impression d’avoir été subtilement ostracisés qui domine chez nous. Des incidents similaires ont émaillé le High-Level Segment sur le sida il y a quelques semaines, avec l’exclusion pure et simple de certaines ONG LGBT. C’est regrettable, car cela risque de tendre les relations entre officiels et société civile, qui commençaient à peine à se normaliser.