Fin 2008, policiers et gendarmes ont investi plusieurs établissements scolaires en quête de stupéfiants. Chiens, fouilles au corps … ces « opérations de prévention antidrogues » ont suscité un tollé chez les parents et les enseignants, qui ont fini par faire reculer le Ministre de l’Education. Mais le 11 février 2009, les policiers remettent le couvers dans les Pyrénées-Atlantiques… Retour sur le non-sens de la prévention par le feu.
Le 19 novembre 2008 dans le Gers, des gendarmes accompagnés d’un chien « antidrogue » font irruption dans un lycée. Ils passent dans les classes, font sortir des élèves et les fouillent à corps, ironisant sur « leurs têtes de camés ». Sept jours plus tard, une quinzaine de policiers déboulent dans le dortoir du lycée Castelnaudary dans l’Aude. Le 15 décembre, à 7H30, des gendarmes interceptent les élèves du collège de Vendres (Hérault) à la sortie du bus scolaire, les mettent face contre mur et les fouillent, tandis que les chiens antidrogue reniflent leur cartable. Bilan des opérations : quelques grammes de shit. Pour les forces de l’ordre, « tout c’est bien passé, et ces opérations de prévention antidrogues ont été un succès.»
Mais à Vendres, Daniel Guichard se met en pétard, choqué par ce « spectacle affligeant » des enfants face contre mur. Dans le Gers, un professeur raconte, effaré, l’intervention des gendarmes, suivi par un père qui met en ligne le récit d’une jeune élève fouillée à corps, et traitée de « camée » par les représentants des forces de l’ordre. Ministre de l’Éducation nationale, Xavier Darcos tente alors de calmer l’indignation des parents en chargeant la procureur de la république du Gers qui… s’empresse de renvoyer la patate chaude au principal de l’établissement. L’ANITeA se fend d’un communiqué de presse intitulé « Quand le remède est pire que le mal… », et Darcos finit par désavouer la procédure, en appelant à faire la différence entre répression et prévention.
A la stupeur générale,les policiers remettent ça le 11 février 2009 dans un collège d’Arthez-de-Béarn, dans les Pyrénées-Atlantiques. Ces actions contraires à l’annonce du gouvernement sont un désaveux pour Darcos mais aussi pour Etienne Apaire, le président de la MILDT, qui avait dit sur France Inter le 4 février à l’émission « le téléphone sonne » que ces opérations n’étaient en aucun cas de la prévention…
Plus fondamentalement, ces descentes dans les établissements scolaires posent la question de la prévention et en miroir, celle de la répression. Comment peut-on encore croire que la politique de la peur et de la désinformation peut faire office de prévention, et aider les usagers de drogue à ne pas abuser ? Comment peut-on aider les parents et les professeurs à parler drogues avec leurs enfants et leurs élèves quand on traite ces derniers comme des délinquants ?
La dramatisation des dangers des drogues illicites ne fait que renforcer la fracture générationnelle et ridiculise les parents face à leurs enfants. Dire que les drogues sont interdites parce qu’elles sont dangereuses ne tient pas pour les ados qui voient leurs parents consommer de l’alcool et les dégâts que provoque cette drogue. Elle ne tient pas non plus scientifiquement. Aucun rapport scientifique n’a pu prouver le bien-fondé d’un classement séparant drogues licite et illicites. De plus, en pénalisant et en stigmatisant l’usage, la loi de 70 empêche les ados emprunts de culpabilité et de honte de revenir vers leurs parents quand la consommation dérape. Quand les parents s’en rendent compte, il est souvent trop tard et l’usage a déjà basculé dans l’abus ou la dépendance.
Ce que ces parents indignés découvrent, c’est que leurs enfants sont considérés comme de potentiels délinquants. Ce qu’ils ressentent, c’est l’absurdité et la brutalité de la répression. . Redonner l’autorité aux parents sur la problématique des drogues, c’est pouvoir leur expliquer sans dramatiser ce que sont les drogues licite et illicites, c’est pouvoir comparer la dangerosité de l’alcool et du cannabis en montrant que le statut légal n’a pas grand chose à voir, et finalement, c’est dépénaliser l’usage. Tant que la loi sera injuste et basée sur un non-sens, elle ne sera pas un interdit symbolique, et les parents, qui en sont les relais, seront dans l’impossibilité de pouvoir la justifier. Nous ne sommes plus en 1950, quand la figure d’autorité parentale était censée suffire à définir la règle. De nos jours, les parents se doivent d’expliquer, de donner du sens à ce que vivent leurs enfants.
Dans une société qui devient de plus en plus addictogène, il est temps d’en finir avec cette politique démagogique qui fait de la loi le seul rempart contre l’usage de drogue. Une politique de « rupture » – pour employer un mot à la mode – devrait privilégier l’éducation à la peur, la santé à la morale, et la responsabilisation à l’autoritarisme.