Après la série de genre made in Canal+, la série d’auteur arrive en France. Imaginé par Fréderic Rosset, le pilote de la série a vu le jour au sein du tout jeune département séries de la FEMIS, l’éminente école de cinéma français. Repéré par OCS qui lui donne un budget restreint avec une carte blanche pour une première saison, Irresponsable est , au moment de sa sortie, la création originale de la chaîne qui a eu le meilleur démarrage. Et si elle parle de drogues… ce n’est pas pour faire la morale.
Contrairement à la démesure des (bonnes) séries américaines similaires (Weeds, Breaking Bad…), Irresponsable ausculte la vie ordinaire des gens. La série raconte comment, dans une petite ville banale, Jaques, 15 ans, se lie avec Julien, son père immature de 31 ans, dont il vient d’apprendre l’existence, autour de deux passions communes : les joints et les jeux vidéo. La saison 1 compte 10 épisodes de 26 minutes, un format idéal pour les comédies efficaces qui ne se contentent pas d’être des usines à gags. Histoire et personnages nous sont familiers autour de Julien, éternel adolescent, que l’on rêve de rester. On se régale à suivre les aventures du duo père-fils complice face au reste du monde. Une microsociété qui comprend l’ami d’enfance devenu flic style gendre idéal, le dealer cinglé du lycée, la meilleure pote homo délurée, les grands-parents cathos réacs… et la mère de Jacques qui ne sait plus comment se positionner face à ce père (ir)responsable, entre le respect des conventions sociales, le bonheur de son fils… et ses propres sentiments. Quant à la mère de Julien, devenue tout à coup grandmère d’un ado, perdue au milieu de ces trentenaires émancipés, elle délègue toutes les décisions de sa vie à son psy idolâtré, Jean-Pierre, représentant d’une autorité médicale omniprésente, invisible, dépassée mais terriblement influente.
Sous ses allures inoffensives et son style passe-partout, la série vient remuer le tabou dans le tabou, en mettant en scène le rôle positif, social et convivial des drogues y compris dans la sphère familiale.
3 questions à Julia Monge, doctorante en socioanthropologie à l’EHESS-Paris
Pour tes recherches, tu as observé l’intimité de nombreux foyers qui consomment ou parlent ouvertement des drogues en famille. As-tu rencontré des parents comme le personnage central de la série ?
J’ai effectivement rencontré des parents qui n’ont pas une thune, s’habillant à l’arrache, ne voulant pas travailler et fumant des pétards avec leurs enfants. Mais j’en ai rencontré autant qui consomment et ressemblent davantage au personnage inséré de Marie, la mère, avec des emplois à haute responsabilité, jouissant d’un certain prestige social et portant des fringues en adéquation avec ce prestige.
Julien dédramatise la consommation de son fils face au discours ambiant. Le discours parental sur les drogues diffère-t-il entre les parents qui n’en ont jamais consommé et les autres ?
Oui et non. Oui, parce que certains parents qui n’ont jamais consommé de cannabis arrivent dans les Consultations jeunes consommateurs chargés de tous les stéréotypes liés aux drogues. Ils pensent que leur ado va nécessairement mal. C’est probablement l’idée reçue la plus forte quand on parle d’usage de drogues.
Ensuite, on retrouve l’idée qu’inéluctablement, l’ado va passer du pétard à la seringue avec l’image du type qui tape la manche et qui parle à sa canette de 8.6. Ça traduit tout le poids qu’on fait porter aux parents. Ils arrivent en pensant qu’ils ont raté quelque chose en matière d’autorité ou d’amour, ce qui, là encore, est un stéréotype.
Donc oui, cela diffère parce que les parents qui consomment du cannabis comme leurs enfants n’ont pas certains de ces a priori. Et non, parce qu’on s’aperçoit que quand un enfant de fumeur de pétard se met à consommer une drogue que le parent ne connaît pas, c’est grosso-modo la même panique !
Un bon éducateur est-il aussi un bon complice ?
Comme pour les drogues, c’est une question de dose ! Si on est à 100 % complice, on est dans la fusion. Difficile dans ces cas-là d’être suivi quand on donne une consigne. Par contre, il y a une notion intermédiaire entre l’autorité et la complicité, qui est la confiance. Si on te fait confiance, c’est
qu’on est assez proche de toi pour suivre ta consigne, même si on ne la comprend pas bien. Les personnes que j’ai rencontrées m’ont beaucoup parlé de cette confiance.
FABRICE PEREZ