L’ODU s’est fait connaître au travers du nouveau site Internet d’Asud où se trouve le formulaire permettant un recueil national d’informations. Nous avons diffusé 1 000 affiches et 15 000 flyers à notre réseau d’abonnés au journal d’Asud. Nous avons reproduit l’affiche en 4e de couverture du numéro 51, en 3e de couverture du numéro 52, en rappel en 2e de couverture dans le numéro 53, avec une rubrique régulière depuis le numéro 51.
Tout lecteur un tant soit peu attentif de ce journal ne peut donc ignorer l’existence de l’ODU. Pourtant, les signalements ne sont pas très nombreux, et le dispositif n’est pas encore intégré, ni par les usagers ni par les intervenants.
Doléances via le formulaire
Nous avons reçu assez peu de signalements : 49 en un an, dont beaucoup de messages « coup de gueule » sans suite et de contacts erronés. De nombreux cas sont à la limite du droit et relèvent davantage de l’assistance psychologique. Les signalements proviennent de sept régions, majoritairement de Midi-Pyrénées et de région parisienne. Une première analyse montre que le formulaire est bien plus exploitable quand il est rempli par un intervenant avec une structure référente, malgré deux disparitions d’usagers dans ce cas.
Doléances par téléphone
Environ 35 signalements et encore beaucoup d’assistance psychologique. Le téléphone a fait émerger de nombreux cas liés à l’usage de cannabis au volant, hors du champ du soin mais en plein dans celui du droit au sens où les usagers de drogues l’entendent. Du côté des patients, se trouvent beaucoup d’usagères en galère de médecin-prescripteur et d’usagers avec des soucis de délivrance en pharmacie, qui disparaissent après avoir bénéficié d’une solution d’urgence. Si cette dernière tarde à venir le jour même, ils ont recours au marché noir, surtout en région parisienne et dans les grandes villes. Il est très difficile de pousser les usagers utilisant le téléphone à remplir le formulaire ou à envoyer un témoignage par mail.
Doléances par emails
Nous avons reçu huit mails exclusivement pour des cas signalés par des intervenants de structures, des médecins et des associations. Les requêtes ont une portée plus générale : Dossier médical partagé, RdR en prison, accès aux traitements en garde à vue (GAV), internement psychiatrique et poursuite du traitement de substitution (TSO), conditions de prescription des gélules de méthadone.
Principaux signalements par les usagers
Avant tout, c’est le refus de prescription par un médecin généraliste qui est le plus fréquent, surtout en période de vacances quand les usagers imprudents cherchent à se faire dépanner en l’absence de leur généraliste attitré. Le refus de délivrance en pharmacie ou l’indisponibilité du produit long à commander reviennent encore trop souvent.
Dans le cadre du traitement, c’est le dosage qui provoque des frictions récurrentes. Le changement de TSO ou de référent est parfois difficile, et la volonté de passer en médecine de ville peut créer des tensions avec les Csapa.
Dans le cadre commun, la question de la discrimination et/ou stigmatisation dans le parcours de soins revient souvent. L’attente aux urgences est très longue pour tous les usagers, plus encore pour les usagers de drogues, surtout issus des minorités visibles. Le refus de laisser l’usager prendre de la morphine prescrite en TSO en garde à vue, y compris après la visite du médecin, démontre le besoin de rappeler les décrets de la RdR à une nouvelle génération de policiers et de médecins.
Dernier cas exemplaire : le remboursement des TSO par le Régime social des indépendants et sans mutuelle, comme beaucoup d’auto-entrepreneurs/travailleurs pauvres. Le taux est tellement bas qu’un usager toulousain m’a démontré que le marché noir était plus avantageux, ce qui entraîne une rupture dans le suivi médical dommageable à long terme. L’usager au RSA/CMU est mieux protégé que le travailleur indépendant.
Un cas typique : médecin sous influence ou dealer en blouse blanche ?
Plusieurs signalements concernent le même médecin, bien connu des autorités de tutelle pour sa pratique peu académique déjà souvent dénoncée. Certains usagers s’en plaignent auprès de nous, d’autres le vénèrent car il peut « dépanner » facilement dans une ville où les médecins sont très frileux. Voilà vraiment un cas délicat d’un point de vue Asudien. Le dossier est chargé : changement arbitraire de molécule ou de dosage, salle d’attente squattée par les chiens, bières, clopes, etc. Ordonnance à la chaîne, dépassement d’honoraires injustifié, pas de dialogue, d’examen ou de suivi du patient. La réponse adéquate est à l’étude en liaison avec nos partenaires locaux.
Médiation dans les régions-tests
Ce médecin est un cas typique de médiation engagée depuis le niveau national vers la région. Apporté par nos partenaires au projet initial d’Asud, cet objectif de médiation matérialise notre volonté commune de dépasser l’observation et de formaliser la médiation déjà pratiquée empiriquement par Asud avec les partenaires de l’ODU depuis des années.
La restriction à quatre régions vient de la crainte d’un afflux énorme de plaintes par rapport aux moyens mobilisables pour les traiter. D’où la décision de restreindre le nombre de régions-tests. Le projet initial ne comporte pas de budget pour financer le recrutement des médiateurs locaux et l’animation régionale et locale. Cela a constitué un frein majeur au déploiement local de l’ODU.
Médiation individuelle et actions pour la communauté
D’un autre coté, la grande majorité des doléances concrètes a donné lieu à une résolution grâce à l’information et à l’orientation vers d’autres structures ou professionnels de santé, parfois après consultation des relais locaux, sans plus de formalisme.
Les droits des usagers en GAV devaient être évoqués lors d’un rendez-vous à la Mission de lutte antidrogue (Milad), un organisme dépendant de l’Intérieur auquel nous comptions demander une note d’information rappelant aux services la législation en vigueur. Il a été reporté puis annulé, nous devons solliciter une autre date.
Nous avons eu la confirmation de toute la difficulté à fonctionner en prison, ce qui a amené à une réflexion autour d’une procédure d’intervention pour l’ODU en milieu carcéral et à des contacts avec des intervenants spécialisés. Le droit bafoué de l’usager est un sujet très sensible en prison.
Le manque de signalements est un handicap majeur pour avoir assez de poids statistique face aux institutions. Nos observations sur les pratiques douteuses en psychiatrie ou au Samu social sont trop anecdotiques pour avoir un poids réel.
Les blocages identifiés
- La notion de droit des usagers n’est pas intégrée. Il existe une culture du « pas vu pas pris », la majorité des usagers sont des fantômes invisibles exclusivement en quête de services.
- Mauvaise synchronisation entre les partenaires au lancement : effet ovni, l’ODU est une surcharge de travail pour des équipes déjà saturées. Crainte de la nouveauté, fichiers de structures parcellaires, pas assez de présence sur le terrain faute de budget, mauvais ciblage trop anglé première ligne.
- Difficulté à communiquer avec les usagers intégrés, les médecins de ville, les pharmaciens.
- Nécessité de faire des présentations aux dirigeants et leaders régionaux, aux équipes de centres puis aux usagers (encore un problème de budget et de personnel).
- Crainte de la médiation sous l’égide d’Asud, l’idée que des usagers se mêlent des affaires de soignants constituant un frein majeur.
- Crainte que la notion de doléance et la revendication de droits imaginaires ne détériorent la relation patient/soignant.
Les solutions proposées
- Renforcer l’observation avec une étude sociologique du droit des usagers ciblée sur les intervenants médicaux et sociaux (intérêt statistique, stratégique et promotionnel) et utiliser les résultats pour potentialiser le dispositif.
- Créer une vraie structure régionalisée avec référent régional chargé de la présentation du dispositif aux structures et aux usagers, de la coordination de la médiation, et de l’animation du dispositif (autre envergure budgétaire).
- Créer un groupe chargé d’élaborer une stratégie d’intervention en détention et en psychiatrie.
- Créer un groupe chargé d’élaborer une campagne de communication vers les cibles cachées, principalement les usagers en médecine de ville et les usagers de drogues hors TSO.
- Évaluer la nécessité d’une assistance juridique, notamment pour le cannabis mais aussi pour les professionnels, face aux tutelles ou aux assureurs.