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LE KRATOM : Lettre ouverte à la commission nationale des stupéfiants et des psychotropes de l’ANSM.

LE KRATOM : Lettre ouverte à la commission nationale des stupéfiants et des psychotropes de l’ANSM.

Une inscription à l’ordre du jour qui inquiète

Avec la publication du programme de la séance du 24 janvier 2019 du comité technique des centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance-addictovigilance (CEIP) sur lequel figurait la mention « Kratom : présentation de l’enquête », l’idée que le kratom puisse passer en commission des stupéfiants et y recevoir un avis recommandant son classement stupéfiant fait son chemin.
Sur les principaux forums d’usagers, les membres s’inquiètent de son éventuel classement, ou plutôt ils perçoivent cette inscription comme un préambule à l’exécution d’un classement inéluctable, d’où une interrogation sur l’image véhiculée par l’ANSM auprès des usagers.
De quoi s’agit-il ? Le kratom est une plante qui pousse dans le Sud Est asiatique dont les – très subtils – effets se rapprocheraient des opiacés, les principes actifs du kratom appartenant bien à la famille des opioïdes. De fait, depuis la mise sous prescription obligatoire de la codéine, le kratom apparaît comme le dernier opioïde en vente libre en France, dernier bastion du vice pour certains, dernière soupape de sécurité avant le passage
aux opiacés forts pour nous.

Le Kratom une drogue « douce »

La première chose à rappeler quant au kratom c’est la subtilité de ses effets… Que ceux qui n’en ont jamais pris ne s’y trompent pas : il ne s’agit pas d’un produit fort, on pourrait presque le qualifier de drogue douce. S’il est si peu consommé c’est aussi parce que beaucoup d’usagers se déclarent extrêmement déçus de leurs expériences avec ce produit :

  • « je n’ai jamais rien senti avec le kratom. Même en triplant la dose, rien, nada, même pas la tête qui tourne, la seule chose que j’ai eu c’est la nausée parce qu’en plus c’est infect ! » nous dit D, un usager festif n’ayant aucune tolérance aux opiacés. Bref il ne s’agit pas d’une héroïne bis, ni même d’un opiacé naturel détourné comme le thé
    de pavot confectionné en infusant des graines de pavot achetées légalement. Non il s’agit là d’un opioïde mineur qui serait à l’héroïne ce que la caféine est à la cocaïne. »

Mais ça n’empêche pas certains d’y voir un intérêt… Et c’est là que l’hypothèse d’une interdiction devient un sujet d’inquiétude. Pour ceux d’entre nous qui ont des rapports disons… passionnels avec les opiacés, malgré la subtilité de ses effets le kratom a une double utilité :
– D’abord il permet d’adoucir les sevrages légers sans passer par le médecin (ce à quoi se refusent justement bon nombre des « petits » consommateurs qui refusent de se voir comme toxicomanes) Jimmy Kempfer, figure historique de la réduction des risques, affirmait avoir expérimenté les qualités relaxantes de la plante lors d’un de sevrage d’héroïne , en Thaïlande, ce qui ne l’empêchait pas de conclure :

« je suis accro depuis trop longtemps pour ressentir un effet avec le kratom « 

-Ensuite il permet à des ex usagers d’opiacés sevrés de gérer leurs éventuels cravings (fortes envies qui peuvent s’emparer des ex usagers jusqu’à plusieurs années après leur période de consommation) en leur proposant une alternative à l’héroïne, au Skenan ou à leur opiacé de prédilection en cas de craving insupportable. C’est pour ces deux raisons que l’idée même du classement stupéfiant du kratom inquiète tant de partisans de la réduction des risques bien comprise, celle qui s’intéresse à la vie des
usagers.Précisons aussi que le kratom est et restera un produit de niche, dont la consommation confidentielle est réservée à un public d’initiés. D’une part en raison de sa faible accessibilité (quelques shops en ligne uniquement), de l’autre en raison de ses effets trop subtils pour la
plupart des usagers, enfin à cause de son goût et la préparation que sa consommation nécessite (aucun conditionnement sous forme de gélules n’existe). Partant du principe que le risque zéro est impossible, il sera toujours possible de relever quelques accidents impliquant du kratom, (dans la plupart des cas consommé avec un autre produit). Une revue de littérature sur les risques liés à la consommation d’eau nous apprendrait certainement que l’eau est un produit dangereux, un constat d’évidence dans la France d’Ancien Régime. Ne parlons pas de l’aspirine qui provoque 10 000 décès par an d’après le journal Le Figaro. Faut-il classer l’eau et l’aspirine ? Les risques induits par l’inscription du kratom au tableau des stupéfiants sont proportionnels aux avantages tirés par les consommateurs de sa non inscription ?

Un monde post crise des opioïdes

Dans un monde, frappé de stupeur par ce qu’il est convenu d’appeler « la crise des opioïdes » aux États Unis d’Amérique, il serait normal de prêter une attention soutenue à tout ce qui peu faire obstacle à la répétition d’une pareille catastrophe. On connait la désastreuse situation américaine qui continue de provoquer des dizaines de milliers de décès par overdose chaque année. L’’origine de cette « épidémie » est dite iatrogène, c’est-à-dire liée à la prescription de médicaments opiacés. La seconde phase de décès, qui débute en 2016-2017 n’est plus imputable aux antidouleurs, qui sont aujourd’hui beaucoup très difficiles à obtenir mais aux opiacés de rue vers lesquels , les usagers dépendants se sont immédiatement tournés, dès que
les condition de prescription se sont durcies. . Aujourd’hui le nombre de décès dus au fentanyl a dépassé et de loin les overdoses dues aux médicaments opiacés.La population des anciens dépendants, sevrés et abstinents d’opiacés, constitue de l’avis général une cible à hauts risques de décès par overdose du fait de baisse de leur tolérance conjuguée à l’habitude de consommer de fortes doses et à la fréquence de reconsommation inopinée, sous l’emprise du craving justement. En limitant le risque de craving chez les anciens usagers, le kratom sauve un nombre de vies non mesurable mais certainement largement supérieur aux décès qui peuvent lui être attribuer si tant est qu’il y en ait réellement.

Savoir dire non à l’interdit

Résumons. Nous avons un produit de niche. Dont les effets psychotropes sont si faibles que certains les qualifient d’inexistants. Qui joue cependant un rôle de tampon avec les opiacés de rue en évitant les rechutes, qui de plus est utilisé comme produit de sevrage efficace, sachant l’ extrême pénurie de molécules ayant prouvé leur efficacité dans cette indication. Comment dans un tel contexte, ne pas sur interpréter une possible décision de classement ? S’agit-il de protéger une jeunesse que la mise sous prescription obligatoire de la codéine a déjà t poussé vers ce produit pourtant bien différent ? Nous avons des doutes. Les signaux d’une hausse de la consommation de kratom nous ont peut-être échappés mais si tant est que ce soit le cas, n’est-ce pas rentrer dans une course classique à l’interdiction, cercle vicieux dont la commission a toujours prétendu s’affranchir ?

L’ inscription du kratom sur la liste des stupéfiants , venant à la suite d’une série de restriction – la dernière en date étant le retrait des codéinés de la liste 1- risque de conforter cette idée que l’ANSM n’est qu’un organisme vouée à la répression de l’usage en s’abritant derrière un alibi scientifique. Vieux procès de nature complotiste qu’ASUD s’efforce de démonter avec la conviction d’apporter un éclairage à la fois sur les risques liés à la consommation mais aussi sur les dangers, quelques fois bien plus grand de certaines interdictions. Les exemples historiques ne manquent pas qui montrent les dangers mortels de l’interdiction en matière de drogue qu’il s’agisse de l’interdiction de la vente des seringues en pharmacie, cautionnées par un lointain ancêtre de la commission des stupéfiants 1 , ou
l’interdiction de la méthadone durant de logue années. Nous savons que la politique de réduction des risques suppose aussi de savoir dire non à l’interdiction systématique au-delà d’ASUD, c’est la crédibilité de toute la commission e qui est en jeu. Si l’on veut réellement prendre des mesures sanitaires sur le kratom, il est indispensable de le traiter comme un produit destiné à la consommation humaine qu’il s’agisse du thé, le maté ou autres impliquant : des contrôles de qualité et de fraicheur susceptible de permettant de garantir au consommateur un produit, exempt des risques sanitaires comme la salmonellose.


Si vous êtes consommateur de kratom et que voulez nous aider à vous représenter à la commission des stupéfiants vous pouvez nous faire part de votre expérience et de vos remarques ici : Lien vers le questionnaire

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