Le 19 janvier, lors de son audition à la mission d’information sur les toxicomanie, Étienne Apaire, le président de la MILDT, disait « vouloir autoriser la prescription du traitement de substitution aux opiacés méthadone dans les Caarud » pour remplacer les salles de consommation à moindre risque (SCMR) (Cf dépêche APM).
Voici un commentaire de Thierry Kin, spécialiste de la méthadone, pour éclairer ce débat.
Le débat sur les SCMR qui a opposé différentes parties au cours des derniers mois ne semble pas avancer beaucoup, en tous cas du côté des prises de position par les pouvoirs publics. Il semble même que la position de « refus de ce dispositif » soit désormais dans le marbre et on perçoit aisément qu’en période pré-électorale, le débat ne puisse avancer et les positions s’inverser en faveur d’une expérimentation de ces lieux de re-socialisation, si ce n’est de Réduction des Risques.
A titre personnel (et non en tant que salarié de la firme qui commercialise la méthadone), je me suis déjà exprimé au travers d’une note disponible sur le site du Club Jade. A titre tout aussi personnel, je tiens à m’exprimer sur le lien supposé qu’il y aurait entre, d’une part, le refus de principe de l’ouverture des SCMR et, d’autre part, l’amélioration de l’accès à la méthadone, passant notamment par la proposition de la MILDT d’une possible primo-prescription dans les CAARUD. La seconde proposition étant avancée comme une alternative rendant inutile la première proposition !
Je n’ai pas d’avis sur la primo-prescription de la méthadone dans les CAARUD (cela nécessite probablement réflexion), mais je ne vois pas en quoi elle permettrait d’évacuer la question de la pertinence des SCMR. Il me semble que les deux questions doivent être traitées différemment, ne serait-ce que parce qu’elles touchent des usagers différents (la plupart du temps) dans leurs parcours, dans leurs pratiques et leurs demandes de soins.
Il semble également que les lieux où les SCMR pourraient être utiles sont aussi ceux où l’accès à la méthadone ne posent pas forcément le plus de problèmes (Paris, Marseille entre autres, qui disposent de dispositifs bas seuil de type Bus Méthadone). Ce qui rend caduque d’autant plus ce lien. De la même façon, des régions de France où l’accès à la méthadone est difficile ne semblent pas relever de la nécessité de voir ouvrir une salle de consommation.
Si on souhaite aujourd’hui régler le problème de l’accès à la méthadone qui, il est vrai, reste insuffisant dans certains endroits, on sait a priori comment faire. Cela passe évidemment par un élargissement de la primo-prescription par les médecins généralistes, à condition toutefois qu’il soit réservé à des médecins formé et ayant un souci de bonnes pratiques (limitation des mésusages, collaboration avec les médecins des CPAM pour éviter le nomadisme par exemple, tout cela restant à discuter). L’objectif devant être certes un meilleur accès, mais bien sûr un maintien du rapport bénéfices-risques de ce traitement. Les ARS pourraient, dans le cadre de Schémas Régionaux en Addictologie, se chargeaient de définir les zones sur lesquelles le besoin existe et de ‘certifier’ des médecins volontaires ou, s’il en manque, de susciter des vocations. L’actuel Ministre de la Santé avait lui-même, il y a quelques années, annoncé l’élargissement de la primo-prescription de la méthadone après une expérimentation qui vient de se terminer….
En France, la réduction des risques est souvent en opposition sinon en concurrence avec la pratique de l’addictologie. Selon l’endroit où on se trouve, l’une ou l’autre est présentée comme une mesure d’accompagnement à la pratique mise en œuvre par l’un ou l’autre.
Quand on observe ce qui se passe dans les pays où est né le concept de réduction des risques, les traitements de substitution par la méthadone ou par la buprénorphine sont abordés comme des approches RdR au même titre que l’échange de seringues.
A nouveau, présenter une alternative ‘accès élargi à la méthadone’ à l’ouverture des SCMR parait incongrue. C’est un peu comme si on estimait que l’accès à la méthadone pouvait être une alternative à l’échange de seringues. Personne ne défendrait cette idée et, au contraire, ce qui semble fonctionner en termes de risques infectieux, c’est l’accès au 2 (étude de Van Den Berg) dans les meilleures conditions.
Il n’y a donc pas de collusion entre la position de la MILDT (pas de SCMR et accès plus large à la méthadone) et la position de ceux en charge de promouvoir l’accès et la sécurité des traitements par la méthadone.
- Dépêche APM du 19 janvier 2011 : La Mildt évoque des pistes