C’est une précision de taille qu’a apporté la cour de cassation début 2007 : en rappelant que conseiller n’est pas faciliter l’usage de stupéfiant, elle a cassé le jugement du tribunal de Lons-le-Saunier. Celui-ci avait ordonné la dissolution d’une boutique associative de jardinage et condamné son président à une amende, parce que selon le tribunal, il avait « faciliter l’usage du cannabis » dans sa boutique en conseillant ses clients (Art 222-37 du code pénal puni de dix ans d’emprisonnement et 7 500 000 euros d’amende). Retour sur l’affaire qui ré-ouvre enfin le débat sur les drogues illicites en France…
Le 15 mars 2005, la police de Lons-le-Saunier perquisitionne la boutique associative de chanvre global 1001 jardins et met son président JC Memery, en garde à vue : elle lui reproche d’avoir fait l’apologie du cannabis dans son magasin et d’avoir incité à « l’usage de cannabis ».
Le mercredi 13 avril, le tribunal correctionnel de Lons-le-Saunier prononce la dissolution pure et simple de 1001 jardins et condamne JC Memery à 450 et 750 euros d’amende, pour « propos complaisant à l’égard du cannabis » et facilitation de «l’usage d’herbe de cannabis» en «fournissant des conseils et en vendant des objets ou ouvrages permettant et expliquant la culture du cannabis». L’instruction de cette affaire se base sur le témoignage d’une Lieutenant de police, venue à la boutique sans se présenter et en civil pour obtenir des informations sur le cannabis. Et JC Memery ne cache effectivement pas à ses clients qu’il est consommateur et cultivateur de cannabis, et leur donne des conseils avisés sur les moyens de cultiver cette plante.
Le 15 décembre, la cour d’appel de Besançon confirme le verdict.
JC Memery, véritable militant de la dépénalisation et partisan de la réouverture du débat sur la consommation thérapeutique et festive de cannabis, décide de ne pas en rester là. Avec son célèbre avocat Francis Cabalero, il décide de «résister à l’oppression, avec tous les recours possibles, tant que les droits fondamentaux des usagers de drogues illicites seront menacés par une police et une justice aveugles». Il décide de se pourvoir en cassation.
Le 23 janvier 2007, la chambre criminelle de la cour de cassation casse ce jugement : elle confirme que JC Memery à bien fait l’apologie du cannabis dans son magasin, mais ne constate pas l’accomplissement d’actes ayant pour objet ou pour effet d’aider concrètement les clients de son magasins à consommer du cannabis. Autrement dit, elle rappelle que donner des conseils sur la manière de cultiver la plante ou même faire l’apologie du cannabis n’est en aucun cas « aider à l’usage » de ce produit et ne dépend pas de l’article 222-37 du code pénal.
C’est une victoire à plus d’un titre :
- D’abord pour JC Memery, qui, il faut le rappeler, à quand même perdu sa boutique et ses investissements dans l’affaire. Même si la boutique n’a pas été dissoute, plus personne n’ose venir à 1001 jardins, de peur d’être inquiété par la justice…
- Pour toutes les boutiques de jardinage qui sont sans cesse attaquées et mises à mal par la justice, bien souvent pour le même prétexte de « facilitation d’usage du cannabis » (Mauvaises graines à Montpellier, Les pieds dans l’eau à Clermont-Ferrand, Le jardin de poche à Guingamp et à Rennes…). Cet arrêt, qui fait jurisprudence, a déjà permis la relaxe de deux d’entre elles ! Ces boutiques seront toujours exposées à l’article du code de la santé publique sur la présentation de stupéfiants sous un jour favorable ou sur l’incitation, mais ne pourront plus être inculpées de « facilitation de l’usage » ou de « trafic de stupéfiants ».
- Pour les acteurs de la réduction des risques qui, en donnant des conseils sur la manière de consommer, sont susceptibles d’être inquiétés par le code pénal.
- Enfin, pour tous les militants de la dépénalisation qui réclament, depuis des années, une « légalisation du débat » sur la place des drogues illicites dans notre société.
Il reste à démontrer que l’article L3421-4 du code de la santé publique qui punit la présentation des stupéfiants sous un jour favorable, et empêche tout débat, est contraire à l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme sur la liberté d’expression. Et le débat sur les drogues illicites pourra enfin s’ouvrir en France…
PS : Pour plus d’infos, vous pouvez consulter le site internet : http://www.1001jardins.circnordest.net
3 Responses
Jurisprudence pour les acteurs de RdR
Pour les acteurs de la réduction des risques ET leurs bénéficiaires, il est à noter que le décret référentiel du 14 avril 2005 les protège déjà puisque son préambule stipule :
« Les acteurs, professionnels de santé ou du travail social ou membres d’associations, comme les personnes auxquelles s’adressent ces activités [de Réduction des Risques] doivent être protégés des incriminations d’usage ou d’incitation à l’usage au cours de ces interventions. »
A ma connaissance, il n’existe qu’une jurisprudence sur la provocation et l’incitation à l’usage de drogues concernant les acteurs de RdR, il s’agit du procès de Techno+ en 2005 (4 jours après la sortie du décret!!) concernant la mise à disposition d’information de réduction des risques sur le net : relaxe totale.
Le texte du décret protège également les bénéficiaires du délit d’usage pendant les actions. Laissant donc supposer la légalité de tout dispositif d’accompagnement de l’usage dans un but de réduction des risque : salle de consommation, éducation aux pratiques comme le shoot…
statut juridique
Décret no 2005-347 du 14 avril 2005 / VII :
» Les actions de réduction des risques sont réalisées par les professionnels du champ sanitaire, social et
éducatif, des associations humanitaires, des associations de santé communautaire ou des associations
spécialisées. Les intervenants peuvent être rémunérés ou bénévoles. Lorsque des usagers de drogue participent
aux interventions de réduction des risques comme animateurs de prévention, ils s’interdisent de consommer des
stupéfiants illicites pendant ces activités. »
———
———
CODE DE LA SANTE PUBLIQUE
(Nouvelle partie Législative)
Article L3421-1
(Ordonnance nº 2000-916 du 19 septembre 2000 art. 3 Journal Officiel du 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002)
(Loi nº 2007-297 du 5 mars 2007 art. 48 I Journal Officiel du 7 mars 2007)
» L’usage illicite de l’une des substances ou plantes classées comme stupéfiants est puni d’un an d’emprisonnement et de 3750 euros d’amende.
(…)
Si l’infraction est commise dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, (…), les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende. (…) »
Enfin
médecin condamné par le Conseil de l’Ordre des Médecins pour avoir dit publiquement qu’il n’y avait pas que la répression, il y a de cela déjà 11 ans, je ne peux que me réjouir de cette décision de la Cour de Cassation.
Hélas elle ne me protège en rien de la justice ordinale