Les laboratoires Schering-Plough devraient commercialiser d’ici la fin de l’année un nouveau traitement de substitution opiacé (TSO) : le Suboxone®, une association de buprénorphine, le principe actif du Subutex®, et de naloxone, un antagoniste opiacé. Objectif attendu de cette association : une diminution du mésusage de la buprénorphine (injection IV, sniff) et de son détournement vers le marché clandestin. Tentons maintenant d’expliquer par quel mécanisme.
Certains récepteurs présents dans le système nerveux central sont comme des serrures auxquelles peuvent se lier différentes clés. En matière d’opiacés, ces clés sont de 3 types : des agonistes purs comme l’héroïne, la morphine ou la méthadone, des agonistes partiels comme la buprénorphine, et des antagonistes comme la naloxone ou la naltrexone.
Agonistes, antagonistes, etc.
Naturels (morphine), semi synthétiques (héroïne), ou synthétiques (méthadone), les agonistes purs ont les mêmes propriétés que les opiacés, en particulier la diminution de la douleur et l’euphorie. Les agonistes partiels (ou agonistes/antagonistes) se comportent comme des agonistes lorsqu’ils ne sont pas en compétition avec des agonistes purs, ou comme des antagonistes dans le cas contraire. C’est pour cette raison qu’on ne peut associer prise de buprénorphine et héroïne, morphine ou méthadone, sauf à prendre le risque d’éprouver des signes de manque. Enfin, les antagonistes se comportent comme des « fausses clés » qui prennent la place de l’agoniste s’il est déjà présent ou qui l’empêchent d’agir. La première propriété est utilisée en urgence comme antidote des opiacés en cas d’overdose, la seconde comme prévention de la rechute en prise quotidienne après un sevrage (Nalorex® dosé à 50 mg de naltrexone). La prise quotidienne de l’antagoniste – une rude discipline soit dit en passant – dissuade alors de consommer un opiacé puisque ce dernier ne pourra agir. Deux notions importantes pour la suite de cette saga pharmacologique : dans ce modèle « clé/serrure », les clés ont une vitesse de liaison et une « affinité » plus ou moins grande pour les récepteurs. Ainsi la buprénorphine a-telle une haute affinité pour les récepteurs auxquels elle se lie et dont elle se délie lentement (d’où sa longue durée d’action) tandis que la naloxone se lie et se délie vite (courte durée d’action) mais avec une affinité faible.
Un effet en deux temps
Lorsque le Suboxone® est pris par voie sublinguale, la naloxone n’agit pratiquement pas et les choses se passent donc comme si l’on avait pris de la buprénorphine seule. Que se passe-t-il en cas d’injection ? Il faut distinguer deux cas de figure très différents. Si la personne injecte habituellement de l’héroïne, l’expérience risque fort d’être désagréable car la naloxone va déplacer l’héroïne et des signes de manque d’intensité moyenne vont apparaître. Si elle injecte habituellement du Subutex®, il ne va, en revanche, pas se passer grand-chose car la naloxone ne prend pas la place de la buprénorphine. On peut même préciser les choses en fonction du facteur temps : si la dernière injection de Subutex® est proche (environ 2 ou 3 heures), il ne se passera à peu près rien en termes de signes de manque car la buprénorphine sature les récepteurs auxquels elle est solidement liée.
Si elle est plus ancienne (12 à 24 heures), certains récepteurs auront été libérés et la naloxone pourra agir. Les usagers décrivent alors un effet en deux temps : d’abord une sensation désagréable liée à cette action, puis la buprénorphine prend le dessus et son effet finit donc par dominer.
Que va entraîner l’introduction de leSuboxone® sur le marché français ? Bien difficile à dire. La France présente, en effet, 3 spécificités importantes : tout d’abord, le Subutex® y a été introduit depuis longtemps, 12 ans, ce qui n’est le cas d’aucun autre pays, Subutex® et Suboxone® ayant généralement été commercialisés pratiquement en même temps. Ensuite, le cadre légal français très « souple » a généré des prescriptions très larges puisque près de 100 000 usagers suivent désormais ce traitement. Enfin, en raison de ce cadre légal et de la faiblesse des procédures de contrôle, le Subutex® a fait l’objet d’un détournement important vers le marché noir. Un détournement qui ne concerne qu’un nombre limité d’usagers, de médecins et de pharmaciens, mais massif en quantités.
L’inconnue des prescripteurs
L’introduction du Suboxone® en France se déroule dans une ambiance pour le moins compliquée. Pour certains, le principe même de cette association est condamnable en raison de sa dimension punitive. Pour d’autres, et un peu contradictoirement, le Suboxone® ne changera pas grand-chose au détournement par voie injectable du Subutex®. D’autres enfin considèrent le Suboxone® comme un Subutex® amélioré puisque moins mésusé et moins détourné. À cadre légal strictement équivalent, reste à savoir ce que feront les prescripteurs. La logique voudrait que le Suboxone® soit proposé (imposé ?) aux patients mésuseurs de Subutex®, avec des résultats qui risquent d’être un peu décevants. Le principal intérêt de l’association sera donc peut-être un détournement de Suboxone® vers le marché noir beaucoup plus faible que celui de Subutex®, une donnée que l’on retrouve dans les pays où l’association est déjà commercialisée. Et les usagers là-dedans ? On peut penser qu’ils sauront gérer cette nouvelle situation. De même qu’ils ont su s’adapter à l’arrivée, en 1996, d’un agoniste partiel en respectant un intervalle de temps minimal entre une injection d’héroïne ou de sulfate de morphine et une injection de Subutex®, ils devraient apprendre à « jongler » avec cette nouvelle association. En tentant d’éviter la polémique et la caricature, le Suboxone ® permettra donc peut-être de limiter l’injection de buprénorphine, mais plus probablement de diminuer le détournement vers le marché noir. Elle s’ajoutera aux TSO existants : Subutex® et génériques, méthadone sirop et gélule. Mais il faudra sans doute attendre plusieurs années pour pouvoir dire quelle sera sa place par rapport à la buprénorphine seule. Les spécificités françaises étant ce qu’elles sont, de nombreux pays suivront avec intérêt les tribulations du Suboxone® dans notre pays.
2 Responses
Le Suboxone 2 mg (x2/ jour) m’aide bien à supporter le manque de codéine que je prenais sous forme de de 6 X Dafalgan Codéiné/jour = 180 mg de codéine. Mon foie se porte beaucoup mieux et je mène une vie « normale ». Ce médicament est vraiment très efficace et utile pour un malade comme moi. L’effet euphorique n’existe plus bien sûr, mais la recherche sans fin de codéine pour supprimer l’état de manque ne me gâche plus ma vie. J’insiste, ce médicament bien utilisé est très UTILE, merci.
je sniffais 12 mg de subutex par jours, depuis la suboxone fini le sniff, fort gout de citron donc pas envie de le sniffer, une seule prise par jour , c est maintenant devenu un simple traitement..