Ce soir, ça fait plus d’une demi-heure que j’attends que le mec revienne avec ce que je lui ai demandé. Le voila, enfin! Vraiment décontracte, le mec, pour quelqu’un qui est surveillé par des civils. Je ne peux me douter de quoique-ce-soit déjà en tant que personne dépendante d’un produit plus cher qu’il ne vaut (tant pis). Personnellement, je ne pense qu’à ça. Ca fait presqu’ un an que je viens ici pour chercher mon plaisir, ce n’est pas journalier ! Mais juste une ou deux fois par semaine. C’est suffisant, et puis je n’aime pas courir après tous les jours. D’ailleurs, ça ne sert à rien, je préfère en avoir vraiment envie.
Toujours est-il que depuis le temps que je viens ici, je me suis rendu compte que les dealers extrêmement méfiants par expérience, ne revendent jamais s’ils estiment être surveillés. Et jusqu’à maintenant, tout c’est bien passé, le mec m’entraîne dans les escaliers. Je paye et je ne demande pas mon reste.
J’enfourche ma bécane, je démarre doucement et commence à descendre la rue tranquillement, enfin rassuré d’être en route pour la “casba” (maison). J’amorce un virage, et j’aperçois un type en train de renouer son lacet au beau milieu de la rue; je ralentis encore un peu histoire de passer en “lousdé” (en douce) à coté de lui.
Alors tout est allé très vite. Il relève la tête, me hèle et me demande une cigarette que je lui refuse poliment en m’arrêtant un dixième de seconde, ce qui suffit largement à son collègue planqué derrière une caisse, et qui me pécho (me prend) en traître le colbak (par le col) !
Je regarde l’autre : il se marre en me mettant sa plaque sous le nez. Ils m’entraînent dans une petite cage d’escalier à coté, et me demandent une première fois :
– Où est la came ?
– Je n’ai rien acheté!
– Allez … on t’a vu de toute façon !
– Je vous assure que je ne l’ai pas prise!
– Tu sais, à chaque fois qu’on gaule (prend) un tox,il nous donne toujours tout-de-suite sa dose; alors tu ferais mieux de faire pareil … de toute manière, on la trouvera !
Sur ce, ils commencent à me fouiller justement la bonne poche, et ressortent le keps (le paquet) entre leurs doigts. J’hallucinais ! Enfin … façon de parler, parce qu’à ce niveau là, question défonce, j’étais mal barré.
Les trois quart-d’ heure qui suivirent, je les ai passé accroché par les pinces (menottes) à l’escalier, ou plutôt à des barreaux, le temps que ces messieurs attrapent le dealer, non de bonbons, mais de bonbonnes. Ensuite ? Eh bien garde-à-vue, tentative des flics de m’amadouer pour que je balance le mec pour plus que ce qu’il a fait, puis le dépôt, le procureur le lendemain matin, couplé avec les médecins pour l’inévitable « injonction thérapeutique ». Total, à 15h30 je sortais tout juste. C’est quand même con le jour de mon mariage; c’était à 14h00 ! On dit une « vie de chien », je les envie!
MORALE : La veille de tes noces, abstiens-toi !
SYLVAIN