Ce film est un bon produit. M. et Mme Classe-Moyenne mènent leur train-train pavillonnaire et banlieusard avec leurs enfants (un de chaque sexe, bien sûr) et leur chien. Lui est un bon avocat mais trop honnête pour monter dans la hiérarchie aussi verticale que l’arrogante tour du quartier de la Défense où officie son entreprise. Elle, secteur logistique, vient d’être sacrifiée sur l’autel de la compétitivité transnationale. Aussi, quand le Père Noël leur apporte un sac de cocaïne, ces honnêtes gens y voient rapidement l’opportunité d’une vie meilleure. Un moyen d’avoir le même train de vie que les requins de l’économie libérale qu’ils n’ont pas pu être. Et sans faire autant de mal.
Si quand il s’agit de drogues, nos séries télé n’arrivent pas à la semelle de leurs homologues US comme Weeds ou Breaking Bad, ce premier film montre que la France a gros un potentiel d’émancipation sur ce sujet. On en redemande ! À l’heure où l’État communique sur le rôle exemplaire que les parents doivent jouer dans la lutte contre la drogue, la montée du film – qui installe le trafic de cocaïne – joue merveilleusement sur une ambiguïté : le couple est-il sous l’effet du produit ? Les personnages deviennent sûrs d’eux, sexy, flambent, mordent la vie comme certains la sniffent, et ça leur réussit. Pour tenir le spectateur en haleine, l’histoire fait mine de s’assombrir mais fort heureusement, point de morale politiquement correcte. Pas de long spot culpabilisant de la Mildt mais au contraire, une formidable comédie de situation du début à la fin, d’ailleurs récompensée par les prix mérités d’interprétation masculine (François Damiens) et féminine (Pascale Arbillot) et par le prix spécial du jury du festival de film d’humour de l’Alpe d’Huez.
Tous les gags ne mènent pas au fou rire et certaines scènes parfois inutiles à l’histoire, voire peu crédibles, n’existent que pour pouvoir en placer quelques-uns. Mais ils sont assez nombreux, originaux, et certains vraiment décapants, pour maintenir le film sur ces bons rails. Un petit échantillon pour goûter : médecin à la retraite, beau-père du héros, l’un des personnages secondaires a cette phrase pour convaincre sa fille de le laisser dealer avec elle et son mari : « Quand on a été médecin, prescrire une drogue plutôt qu’une autre, quelle différence ? » Et le voilà embarqué dans des livraisons de coke à domicile, n’hésitant pas à délivrer des conseils de consommation à un client après auscultation : «… et surtout, tu espaces bien tes prises de deux à trois heures. »
Étienne Apaire avait tort de dire en 2008 que « chaque consommateur est un dealer en puissance ». Chaque non-consommateur aussi.
Une pure affaire, 2011, réalisé par Alexandre Coffre avec François Damiens
Site officiel : www.unepureaffaire-lefilm.com