Autosupport des usagers de drogues

1994-2019 Asud Nimes fête ses 25 ans

1994-2019 Asud Nimes fête ses 25 ans

Réduction des risques et des dommages,quand transformation sociale rime avec mobilisation des usagers.

Asud Nîmes a 25 ans. Asud Nîmes est un survivant. Avec Asud Mars Say Yeah, l’association est le dernier exemple de l’action d’un authentique groupe d’autosupport au niveau régional , rescapé d’un réseau qui comptait 23 structures déclarées en préfecture en 1996. Que s’est-il passé ? Quel est le secret de l’ADN résistant des Nîmois quand tant d’autres on t jeté l’éponge ou se sont crashés en plein vol ? C’est ce que nous raconte Jef, directeur d’Asud Nîmes et militant historique d’ Asud, une victoire aux points où le KO a été évité de justesse.

Aujourd’hui, la réduction des risques (RdR) et des dommages fait partie du quotidien d’un grand nombre d’usager[ère]s qui fréquentent les Caarud et les Csapa, quand d’autres ont accès à la RdR plus sporadiquement dans l’espace festif ou dans la rue auprès des équipes mobiles. Mais fut un temps où tout cela n’existait pas. Le sevrage était la règle, l’obligation de soins et l’injonction thérapeutique ordonnées par la justice ou les médecins s’imposaient à tous. L’incarcération pour simple détention de quelques seringues n’était pas rare. Les drogués étaient considérés comme des personnes irresponsables et administrativement privés de droits. Durement touchés par le sida, la répression et l’exclusion sociale, les usagers vont toutefois se mobiliser au début des années 1990 pour faire changer
les choses.

Une mobilisation inattendue

Asud, première association d’autosupport en France, voit le jour en 1992 à Paris. L’association milite en faveur de la réduction des risques, de la citoyenneté et contre la prohibition des drogues. Avec Asud-Journal, elle fait connaître ses principes fondateurs et ses revendications, les usagers se retrouvent dans le discours et se mobilisent dans leur région. Entre 1992 et 1995, Asud labélise une vingtaine d’associations, dont Asud Nîmes au mois d’août 1994. D’une ampleur sans précédent, ce mouvement s’organise pour répondre aux besoins les plus urgents, l’accès au matériel stérile et à la réduction des risques, et pour obtenir les droits fondamentaux qui nous étaient jusqu’ici déniés. Les usagers se réapproprient une parole jusqu’ici confisquée et nous devenons un interlocuteur de la Direction générale de la santé ( DGS), qui peine à mobiliser les professionnels encore opposés à la RdR. Avec la création du collectif Limiter La Casse qui regroupe différentes associations et personnalités, Asud trouve des alliés qui soutiennent ses
revendications et ses « 10 mesures d’urgence ». À partir de 1994, la politique de réduction des risques s’affirme peu à peu. Agissant par décrets ministériels, Simone Veil, alors ministre de la Santé, autorise les programmes d’échange de seringues (PES) associatifs jusqu’ici illégaux, le
développement des trousses de prévention (Steribox®), puis le déploiement des programmes méthadone dans la foulée.

Une mobilisation inattendue

Asud, première association d’autosupport en France, voit le jour en 1992 à Paris. L’association milite en faveur de la réduction des risques, de la citoyenneté et contre la prohibition des drogues. Avec Asud-Journal, elle fait connaître ses principes fondateurs et ses revendications, les usagers se
retrouvent dans le discours et se mobilisent dans leur région. Entre 1992 et 1995, Asud labélise une vingtaine d’associations, dont Asud Nîmes au mois d’août 1994. D’une ampleur sans précédent, ce mouvement s’organise pour répondre aux besoins les plus urgents, l’accès au matériel stérile et à la réduction des risques, et pour obtenir les droits fondamentaux qui nous étaient jusqu’ici déniés. Les usagers se réapproprient une parole jusqu’ici confisquée et nous devenons un interlocuteur de la Direction générale de la santé ( DGS), qui peine à mobiliser les professionnels encore opposés à la RdR. Avec la création du collectif Limiter La Casse qui regroupe différentes associations et personnalités, Asud trouve des alliés qui soutiennent ses
revendications et ses « 10 mesures d’urgence ». À partir de 1994, la politique de réduction des risques s’affirme peu à peu. Agissant par décrets ministériels, Simone Veil, alors ministre de la Santé, autorise le programmes d’échange de seringues (PES) associatifs jusqu’ici illégaux, le développement des trousses de prévention (Steribox®), puis le déploiement des programmes méthadone dans la foulée.

La mise en œuvre

Hormis Médecins du monde, Aides et quelques associations militantes, le
déploiement des dispositifs peine. C’est dans ce contexte que le réseau Asud s’implique dans des actions de proximité et qu’Asud Nîmes ouvre, en septembre 1995, son premier lieu d’accueil/programme d’échange de seringues dans un appartement, grâce au financement d’Ensemble
contre le sida (qui deviendra Sidaction) et avec le soutien de la municipalité de l’époque. La chose n’est pas simple, les préjugés sont nombreux et nous devrons faire nos preuves face à une administration locale poussée à soutenir cette expérimentation par le ministère. Pour des raisons stratégiques, les deux premières salariées de l’association ne sont pas usagères de drogues, nous nous contentons d’emplois aidés que nous consolidons par la suite. Au mois d’octobre 1996, un premier CDI à ¾ temps est signé par un ancien consommateur. Il fallait convaincre le scepticisme de la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (Ddass) et son pendant régional, la Drass, et obtenir des résultats. En fédérant dès 1995 un réseau de prescripteurs et avec le soutien de quelques médecins militants et pharmaciens, nous avons d’une part favorisé l’accès rapide au Subutex® en médecine de ville de près de 400 usagers en un an et d’autre part, démontré notre capacité à œuvrer dans l’intérêt des personnes concernées.

Les épreuves

Le 20 décembre 1996, Véronique Cerf, présidente fondatrice de l’association, meurt du sida, comme de nombreux pionniers et pionnières d’Asud. Le coup est rude mais nous faisons face collectivement. Assurer la continuité des actions en sa mémoire devient notre priorité. Véronique fut la première d’une funeste liste parmi les dirigeants de l’association disparus au cours de leur mandat. Olivier Heyer, qui lui succéda, meurt en 2012 ainsi que Yan Villars, en 2015, également ancien président de l’association. Ma pensée va vers toutes celles et ceux qui ont fait un bout de chemin avec nous, qui ont aujourd’hui disparu et que nous n’oublions pas. Cette situation, tous les groupes Asud l’ont connue. C’est certainement une des raisons des premières dissolutions de certains Asud, les « successions » entraînant des crises de leadership et des ruptures. Ne nous voilons pas la face, le rapport aux produits fut également au cœur de crises nombreuses
et cause de scissions ou d’abandons. Il n’en demeure pas moins que d’autres Asud en régions n’ont jamais pu obtenir un soutien affirmé des pouvoirs publics locaux et se sont épuisés par manque de moyens financiers. À Nîmes, nous avons traversé ces épreuves, le navire a parfois tangué dans la tempête, mais d’autres épreuves nous attendaient.

Le temps de la professionnalisation

Au début des années 2000, nous obtenons le statut de « Boutique » et l’équipe est désormais composée de 5 salariés, dont un temps d’éducateur spécialisé et un temps d’infirmière (12 heures/semaine). Nos missions évoluent, les financements se consolident et nous théorisons une méthodologie d’intervention de façon à défendre la participation et l’expertise des pairs dans le cadre d’une équipe pluridisciplinaire et de financements publics. Même si la professionnalisation est en marche, nous
sommes toujours dans un contexte expérimental. La DGS financera 16 formations destinées au réseau Asud national, et nous poursuivrons localement cette dynamique avec nos principaux partenaires. Puis vint
le temps de l’agrément Caarud, la RdR va perdre son caractère expérimental. Nous l’obtenons au mois de novembre 2006 et découvrons avec ce passage au médicosocial les exigences réglementaires et
un cadre normatif renforcé. Le décret du 17 février 2007 rend les diplômes obligatoires, et les assurances qui nous avaient été données par le ministère de la Santé de conserver les personnes non diplômées ne seront jamais suivies d’effet.

Une normalisation douloureuse

En janvier 2009, l’Agence régionale de santé (ARS) cible comme par hasard les deux postes occupés par des salariés sans diplôme et financés par l’Assurance maladie : le mien et celui de l’intervenant de terrain (douze ans d’ancienneté), jusque-là rémunéré sur une base d’éducateur spécialisé.
Ma rémunération de directeur est réduite de 3 échelons et celui de mon collègue est aligné sur la plus basse rémunération de la convention collective (AMP). Rendez-vous est pris à l’ARS, les échanges sont tendus et nous n’obtenons aucun aménagement de la mesure. Face à cette inflexibilité, je me résigne à une diminution de salaire et n’ai pas d’autre choix que de trouver un financement complémentaire pour maintenir l’autre poste. Me voilà donc dans l’obligation de rechercher des fonds supplémentaires, que nous trouverons finalement auprès du conseil régional, une subvention pour cinq ans qui ne fait qu’équilibrer le fonctionnement du Caarud. Les projets sont réalisés pour ainsi dire bénévolement et nous avons l’obligation de nous engager dans une formation diplômante. Cette perspective met en difficulté mon collègue,
à qui l’école n’évoque que de douloureux souvenirs. Il opte pour une Validation des acquis de l’expérience (VAE) de trois ans, qui deviendront trois ans de descente aux enfers. Il dégringole lentement mais sûrement, au point qu’après une suspension temporaire imposée par la médecine du travail, il sera définitivement arrêté et spécifiquement interdit d’emploi dans la RdR ou l’addictologie. Il ne se relèvera pas de cet échec. Devenu membre du conseil d’administration d’Asud, il semblait aller mieux… mais meurt brutalement d’une overdose de cocaïne en 2015… Pour ma part, j’ai opté pour le Cafdes(1), que j’ai validé cette année. Alors que la Haut autorité de santé (HAS) préconise actuellement la participation des pairs comme facteur d’amélioration des pratiques professionnelles dans se recommandations de bonnes pratiques professionnelles en Caarud, nous n’avons bénéficié d’aucun aménagement.

La participation des pairs

L’autosupport et la participation des pairs est un des fondements de la réussite de la RdR. Comment aller vers les usagers dans des espaces par définition clandestins si l’on n’est pas introduit auprès des personnes qui y vivent ? Comment créer de la proximité et obtenir l’adhésion des usagers si les actions et les pratiques ne sont pas suffisamment adaptées à leurs besoins et leurs attentes ? L’autosupport est à même de connaître bien avant les pouvoirs publics les nouvelles tendances de consommation et l’évolution des pratiques, c’est une expertise de terrain, valeur nouvelle dans un contexte marqué par la fameuse « distance professionnelle »
des travailleurs sociaux. Si l’institutionnalisation des Caarud a pu un temps
laisser penser que l’autosupport n’était plus indispensable pour favoriser l’aller- vers et la proximité, il est aujourd’hui reconnu que l’éducation par les pairs est une notion fondamentale de l’empowerment. On peut facilement en évaluer tout l’intérêt dans l’espace festif. Reconnaître à l’usager une capacité d’expertise et promouvoir l’éducation par les pairs sont des principes essentiels pour les associations de santé communautaire comme le Tipi, Techno + ou Asud. Aujourd’hui, l’HAS, rappelle aux Caarud toute la pertinence de la participation des pairs et des principes qu’elle sous-tend. Asud ne peut que s’en réjouir, même si cela nous laisse un petit goût amer. Nous avons toujours soutenu les évolutions en la matière dans les établissements et les dispositifs. Toutefois, nous souhaiterions que les expérimentations et les enseignements que nous tirons du passé soient évalués et capitalisés. Asud dispose de vingt-cinq ans d’expérience en matière de participation des pairs dans le champ de l’usage de drogues. Nous avons rencontré à peu près tous les scenarii possibles et nous savons qu’en général, ce sont les usagers qui paient la note du manque d’efficacité des dispositifs. J’espère donc que c’est bien une vision humaniste qui prévaudra dans la mise en œuvre de la participation des pairs en Caarud et ce, au-delà des objectifs d’action, des aspects réglementaires et des enjeux stratégiques. Prendre en considération l’intérêt des personnes avant tout, évaluer les facteurs de risques inhérents à chacun, ne pas les exposer, reconnaître leurs compétences en les associant aux prises de décisions
stratégiques et organisationnelles, définir des procédures d’accompagnement, de gestion des conflits, valoriser leur participation,
penser l’après, autant de défis aussi complexes, voire plus, que le management d’une équipe salariée de professionnels diplômés.

Jef Favatier, directeur d’Asud Nîmes

  1. Certificat d’aptitude aux fonctions de directeur
    d’établissement ou de service d’intervention
    sociale
    .

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