ASUD, Auto-Support des Usagers de Drogues, a exigé la publication de ce droit de réponse aux accusations de prosélytisme et de gabegie de l’argent des subventions. L’article de Valeurs Actuelles du 18 mars 2005 fut un point d’orgue de la nouvelle campagne hystérique contre les usagers de drogues en France.
A Monsieur Arnaud Floch, journaliste à Valeurs Actuelles
Après avoir lu dans le n°3564 de V.A., votre dossier, consacré à la réduction des risques liés à l’usage des drogues nous avons été partagés entre l’étonnement et la colère.
Votre dossier appelle la réponse suivante : l’association, Auto-Support des Usagers de Drogues (ASUD), n’est pas une hydre menaçante pilotée par la gauche, comme le sous-entend vos propos. Non seulement nous n’employons modestement que quatre salariés à plein temps après 13 ans d’existence, mais nos premiers fonds nous ont été accordés par un gouvernement de droite justement, et ont été depuis régulièrement renouvelés lors de toutes les alternances.
Or d’après votre papier, la politique de réduction des risque (RdR) serait une politique « instaurée par la gauche » (p. 20). RIEN N’EST PLUS CONTRAIRE À L’HISTOIRE, et tous le spécialistes le disent et l’écrivent : la RdR est fille de la droite. C’est Michèle Barzach en 1987, alors Ministre de la Santé du premier gouvernement de cohabitation, qui inaugure cette politique en France en autorisant la vente de seringues stériles aux toxicomanes, un geste qui sauve de la contamination par le VIH des dizaines de milliers d’usagers de drogues. C’est ensuite Simone Veil et son secrétaire d’État Philippe Douste-Blazy en 1993 qui font passer le nombre de places méthadone de 50 à 5 000, et surtout autorisent la mise sur le marché de la buprénorphine (le Subutex) deux ans plus tard, faisant rapidement de la France l’un de pays les mieux dotés en matière de traitements de substitution aux opiacés.
Quant au soi-disant échec de la RdR, le flou des affirmations gratuites de vos articles tente, là aussi, d’obscurcir la logique implacable des faits. Toutes les statistiques prouvent au contraire son succès foudroyant. En 10 ans, la RdR a fait des usagers de drogues un groupe quasiment exempt de contaminations VIH, et les overdoses sont passées durant la même période de 600 à moins de 100, ce qui est une sorte de miracle en terme de prévention,(Institut National de Veille Sanitaire, rapport 2004).
Mais surtout, et c’est probablement là l’explication de votre hargne à notre égard, elle a permis à des dizaines de milliers d’usagers de drogues de renouer avec la vie de famille, avec la vie professionnelle et bien souvent avec la vie tout court (Actes de la Conférence de Consensus sur les traitement de Substitution aux Opiacés). Or, rien ne semble plus vous exaspérer que cette réussite-là. En inscrivant les usagers de drogues sans restriction dans le domaine des soins, la réduction des risques nous donne des droits que la loi de 70 nous déniait jusqu’à présent.
Cela est dérangeant au point que votre papier essaye constamment de gommer ce qui fait la particularité d’ASUD. Or depuis 13 ans, nous ne cessons de nous affirmer tels que nous sommes : une association d’usagers et d’ex- usagers de substances psychoactives, considérant que notre consommation passée ou présente ne mérite pas la peine de mort à laquelle nous condamne la prohibition sous ses formes multiples. Non seulement notre objectif n’est pas de faire la promotion des drogues, mais nous sommes probablement mieux placés que l’association France sans Drogue pour en connaître les dangers.
Autre point, même tempérer d’une hypothétique approximation (vous nous dite « ou presque »), l’allégation concernant le montant de nos subventions est une navrante contre-vérité. Divisez ce chiffre par mille… ou presque.
Pourtant très au fait de la prose d’ASUD en ligne sur Internet, vous n’avez pas jugé utile de rappeler le long développement que nous consacrons à la question du prosélytisme, dans un courrier adressé au sénateur Bernard Plasait. De même, les citations attribuées à ASUD sont systématiquement ou tronquées ou sorties volontairement de leur contexte.
Notre site Internet ne fait nullement la promotion du cannabis – un délit toujours durement réprimé par le Code pénal. Nous y affirmons au contraire, dans un dossier consacré au cannabis thérapeutique, que le cannabis est une drogue, au même titre que l’héroïne ou la cocaïne. Notre propos est de s’intéresser aux personnes atteintes par diverses pathologies graves et qui déclarent avoir connues un soulagement médical grâce à la consommation de cannabis. Pour échapper au deal de rue, ces personnes ont souvent opté pour la culture et la production de leur propre chanvre. Nous avons donc considéré de notre devoir de faire le point sur tout ce qui peut exister comme informations sur le sujet, tout en clôturant notre propos d’un rappel à la loi long d’une page.
De même, nous n’avons jamais écrit, que l’usage des drogues était “protégé par la Déclaration des droits de l’Homme ”. En revanche, nous mentionnons souvent le fait que l’usage individuel, dans un lieu privé, par un adulte responsable n’est pas contradictoire avec l’exercice de la liberté tel qu’il est défini dans la Déclaration de 1789 : la liberté de chacun s’arrête là où commence celle des autres.
Sur la tombe de tous les drogués sacrifiés au mythe des sevrages répétitifs et obligatoires des années 70 à 90, on aurait pu inscrire cette phrase terrible prononcée par un psychiatre après le suicide d’un de ses patients en thérapie : “ Il est mort, certes, mais il est mort guéri ! ”