Une circulaire du ministère de la Justice du 16 février 2012 relative à l’amélioration du traitement judiciaire de l’usage de produits stupéfiants impose désormais une réponse pénale systématique, avec stage de sensibilisation à la première infraction et relance de l’injonction thérapeutique. Combien de fois faudra-t-il encore répéter que la prévention et le soin sous la contrainte sont inefficaces ?
Par leur nombre plus que par volonté politique, les usagers ont gagné une sorte de bienveillance mêlée de lassitude de la part de certains procureurs et Officiers de police judiciaire (OPJ) qui classent de nombreuses procédures en fonction du dossier. D’après la circulaire, ce procédé favoriserait la banalisation de la consommation. Le classement sans suite et le simple rappel à la loi sont surtout indispensables pour résorber l’engorgement de la justice, et focaliser les moyens sur des priorités comme la prévention de la violence, la tranquilité publique, et la lutte contre les mafias.
En cas d’usage simple, et quelle que soit la quantité et le profil de l’usager, le ministère de la Justice demande aux procureurs d’exclure le recours au classement sans suite en opportunité et au classement avec rappel à la loi. À la première infraction, la circulaire les enjoint désormais à proposer systématiquement le stage de sensibilisation comme alternative à la peine (version soft) ou dans le cadre d’une composition pénale avec inscription au casier (version hard).
Un marché captif de dizaines de milliers d’usagers par an offert sur un plateau aux structures qui organisent ces stages, alors que leur évaluation est encore attendue. À condition de trouver des fonds publics pour les financer, de nombreux prévenus n’ont pas les ressources pour sortir 450 euros. Et si les plus fortunés payent ce prix exorbitant pour les autres, cela ne suffira pas à couvrir l’explosion des besoins suite à cette circulaire. Même chose pour l’injonction thérapeutique systématique à la moindre suspicion de dépendance : comment la financer ? Si le stage n’est pas possible ou opportun, la directive demande d’utiliser la procédure simplifiée d’ordonnance pénale délictuelle avec réquisition d’une amende pour « faciliter la gestion des flux de contentieux générés par la limitation de la mesure de rappel à la loi ». Un gros bazar est déjà prévu. En cas de récidive ou de refus de l’injonction thérapeutique, la circulaire demande le défèrement devant le tribunal correctionnel, une réponse répressive à l’usage simple qui touchera encore principalement les usagers les plus exposés dans la rue et les quartiers populaires.
Cette mesure est une conséquence directe des recommandations du rapport parlementaire relatif à la toxicomanie du 30 juin 2011. Un mauvais travail donne des produits dérivés calamiteux. Asud demande le retrait de cette circulaire et une expertise officielle enfin paritaire, scientifique et professionnelle. Nous souhaitons surtout que les praticiens de la justice enterrent cette décision administrative en forme de matraque. Comme ils le firent malheureusement pour celles de Pelletier en 1978 ou Guigou en 1999 qui demandaient de limiter les poursuites pour usage simple (encore 5 000 incarcérations annuelles environ). L’indépendance de la Justice doit s’appliquer dans les deux sens.