Qu’y a-t-il dans la tête d’un garçon l’été de ses 17 ans ? Depuis l’irruption de la contre- culture, la réponse varie peu : se barrer loin des parents pour expérimenter ou approfondir les jeux du sexe et de l’amour, se regrouper entre semblables dans des campements provisoires pour faire la teuf en amplifiant son empathie et ses perceptions avec de l’alcool et des produits psychoactifs, écouter et danser sur les sons et concerts des musiciens à la mode…
Certains se contentent du camping d’Argelès ou de Soulac-sur-Mer et leur inénarrable discothèque en plein air. D’autres prennent la route au gré du vent et des évènements. Sacha, le héros du roman, fait un trip dans le sud de la France et s’intègre à presque tou- tes les tribus avec un bon joint comme ticket d’entrée. Seul refus mais de taille : Burning Spear, la légende du reggae, qui préfère un verre de bon bordeaux.
Ce livre témoigne bien de l’ambiance festive des années 90, de l’apparition de nouvelles substances comme l’herbe indoor ou le MDMA, du bon gros son qui sortait dans presque tous les genres (l’auteur est aussi critique musical). Il a déjà rencontré son public, l’ouvrage bénéficie d’un deuxième tirage. Pas sûr par contre qu’il plaise à ceux qui n’ont pas vécu des plans Génération H : le style est un peu plat et le récit insiste beaucoup sur les émois amoureux et sexuels de Sacha sans les rendre vraiment passionnants. Laurent Appel
Asud : Le pitch de ton livre ?
Alexandre Grondeau : C’est un road trip musical et hachiché, une bande de jeunes qui prend la route au milieu des années 90 et qui va l’espace d’un été découvrir le début des Teknivals, les squats, les sound systems reggae qui explosent à ce moment. Ces jeunes vont assouvir leur quête de liberté et expérimenter tout un tas de choses. Au‑delà de l’histoire, le propos est d’exposer le développement d’une culture cannabis. La génération H regroupe toutes les personnes de 18 à 70 ans qui consi‑ dèrent que la culture cannabis a totalement intégré tous les pans de la société française.
Génération de glandeurs rastas ?
Je veux casser le stéréotype selon lequel les gens qui fument sont en dehors du système, caricaturaux, tout peace. Il y a 500 000 fumeurs quotidiens et 1,2 million de Français qui fument plus de 10 joints par mois, il n’y a pas 1,2 million d’amateurs de reggae avec des dreadlocks dans la rue. Et quand je parle du mouvement techno, du mouvement rock, de l’explosion du mouvement hip‑hop, c’est pour montrer que tous ses mouvements décrits sociologiquement comme des sociétés tribales ont un vecteur commun : la consommation de cannabis.
N’est-ce pas plutôt la génération H + C + MD + vodka Redbull ?
Il n’y avait pas encore de vodka/Redbull à l’époque. Il n’y a pas d’opposition entre la génération H et les précédentes générations en recherche de sensations. Elle s’inscrit dans une continuité depuis Baudelaire et Théophile Gautier en passant par Huxley, Timothy Leary, tout un tas de têtes chercheuses qui réfléchissent sur ce que c’est de vivre, le plaisir, la jouissance. Dans ce road trip, ces jeunes se retrouvent dans des contextes d’expérimentations sensorielles où le cannabis prédomine.
Pourquoi la génération H n’est-elle pas très motivée pour militer en faveur de la légalisation ?
La génération H considère que la consommation de cannabis est normale, ils ont voté, ils ont des enfants, leur usage ne semble pas poser de si gros problèmes, il est totalement intégré à leur vie. Ils ne voient donc pas la nécessité de s’engager pour la légalisation du cannabis. Pourtant, il y a des problèmes de qualité des produits, de stress de l’arrestation, surtout si on a des enfants. Moi, je me positionne plus en termes de responsabilisation des citoyens adultes que de légalisation, notre société doit être capable d’être adulte sur cette question et de former la jeunesse à la mesure en matière de consommation, à connaître les effets, à savoir reconnaître les qualités et adapter le dosage. Les excès font partie de la jeunesse, mon bouquin en parle, mais après, on doit pourvoir choisir son parcours de vie et avoir une attitude responsable.
Pourquoi le gouvernement n’est-il pas motivé par l’intégration citoyenne de la génération H ?
Il y a des pratiques mafieuses que la responsabilisation permettrait d’évacuer. La question est donc : les gouvernements ont‑ils un intérêt au maintien de ces pratiques mafieuses ? Si le gouvernement veut acheter une sorte de paix sociale par les trafics, cela ne marchera pas longtemps.