«Halte au fou !» Ah la belle locution interjective. Conviviale, empathique, tout ce qu’on aime dans la France. C’est aussi la conclusion d’une énième tribune consacrée au journal d’Asud. L’objet du délit : notre cinquantième édition et ses 50 produits testés pour vous. Dans la foulée de Valeurs Actuelles, notre meilleur ennemi, une armée de plumitifs plus ou moins réacs se sont lancés dans un Asud‑bashing échevelé, sur fond de vociférations anti-mariage pour tous. Halte au fou donc… C’est entendu.
En l’occurrence, et au‑delà du n° 50, les récriminants en veulent à notre pognon. Le crime des crimes, le plus impardonnable des forfaits commis par Asud, c’est la thune ! Le flouze, la maille, le brouzouf… Ce qui est blasphématoire dans Asud, ce n’est pas la seringue qui sert de logo (n°3), ni les conseils pour shooter propre (n°1), ni la recette pour faire du rach (n°21), ni les conseils de petit jardinier pour récolter un bon cannabis thérapeutique (n°22), ni les mille et un papiers qui parlent du plaisir des drogues, du kif, du panard, enfin de ce qui motive la plupart des gens qui « en » prennent. Non ! Ce qui décidément ne passe pas, c’est l’argent. L’argent de « nos » impôts – sous‑entendu les fous n’en payent pas. Quand « ces gens‑là » ont de l’argent, c’est toujours suspect. Vol, escroquerie, mendicité, à la rigueur, mais une subvention de l’État ? Halte aux fous.
Passé un certain seuil de brutalité, la bête, même la plus habituée aux coups, se cabre. Quitte à agoniser, on tente un hennissement (oui, décidément à Asud, on préfère le cheval), non pour attendre le boucher, mais pour au moins laisser une trace sonore à une époque où les traces se comptabilisent sur des sites et avec elles, l’amplitude du cri.
Asud, l’association des drogués est une création de l’État français. Même dans leurs cauchemars les plus hallucinés, nos camarades arrêteurs de fous ne peuvent le concevoir. Tout cet argent qui se déverse par wagon sur l’association des drogués n’aurait jamais été dilapidé si un jour un fonctionnaire – forcément « petit » et forcément « de gauche » – n’avait jugé bon de signer le document fatal : 10 000 francs pour Asud, 10 000 francs pour fabriquer le premier journal fait par des drogués, pour des drogués, qui ne parle que de drogues. Et après on s’étonne…
Alors finissons‑en, bas les masques. Oui, nous sommes ces fous, ces êtres étranges venus d’une autre planète qui utilisent des substances psychotropes pour mille et une raisons et notamment parce qu’ils se sentent plutôt mieux après qu’avant. Ces dangereux criminels qui ont fondé une association pour ne plus mourir du sida. C’était il y a vingt ans. Depuis, la science a progressé et ce qui était lubie de maniaques de la dope est partiellement devenu politique publique d’État. Mieux encore en matière de traitement de substitution – des opiacés délivrés gratuitement avec l’argent de nos impôts – où la France est un leader mondial. Oups ! Fallait pas le dire. Dommage, car nous marchons dans le sens de l’histoire. Kofi Annan, ancien secrétaire général de l’Onu, Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littérature, et une vingtaine de pointures internationales l’affirment dans un rapport salué par le monde entier.
Un dernier mot, relisez Montesquieu. « Comment peut-on être persan ? », demandaient ses Lettres persanes qui restent l’un des plus beaux manifestes antiracistes offerts par les Lumières. Oui, comment peut‑on être pédé, toxicomane, travailleur(euse) du sexe, Noir, Blanc, Jaune ? Prenons cette locution au premier degré : comment peut‑on être un drogué ? Asud vous propose (presque) gratuitement une méthodologie à chaque nouvelle parution. Et on a bien l’intention de continuer.