Le seul message adressé aux jeunes qui consomment des drogues est le « Just Say No », articulé avec un discours de prévention inopérant au regard des millions de jeunes dans le monde qui consomment des drogues. » : Anita pose crûment les termes du sujet. Partout, la question des « jeunes » et celle de « la drogue » relèvent du registre émotionnel et moralisateur, une barrière psychologique qui place les adolescents et les jeunes adultes en dehors de l’approche pragmatique défendue par la réduction des risques. Sur le terrain sensible des addictions, certains mots déclenchent un réflexe conditionné : les jeunes doivent être protégés par tous les moyens, y compris la désinformation et les postures ridicules, autant de pierres jetées dans le jardin des « jeunes » qui dénient toute crédibilité aux adultes. C’est sur ce constat qu’a été fondée Youth Rise, en 2006 à Vancouver, lors de la 17ème Conférence internationale de réduction des risques. « L’absence de voix jeunes chez les acteurs des politiques de drogues » est le leitmotiv de cette organisation aujourd’hui devenue incontournable sur la scène internationale de la réduction des risques.
Asud : Anita, pourquoi et comment as-tu intégré Youth Rise ?
Anita Krug : K Mon implication dans le projet est liée à mon histoire personnelle. J’ai consommé des drogues dures dès l’adolescence en Australie, ensuite j’ai voyagé et constaté que les jeunes usagers étaient plus fréquemment confrontés à de graves dénis de justice, et cela partout dans le monde. Je suis fermement convaincue que YR peut être l’outil qui permettra un jour aux jeunes consommateurs d’être enfin reconnus comme des acteurs légitimes de la politique de drogues.
Pourquoi établir une différence basée sur l’âge en matière de discrimination ? Tous les usagers ne sont-ils pas victimes de la guerre à la drogue ?
A K : Les jeunes usagers sont exclus des programmes de réduction des risques pour de multiples raisons. Pour prendre un exemple tragique, 45% des nouvelles infections VIH parmi les 15-24 ans sont dues au partage de seringues. Entre 72 et 96% des injecteurs de drogues déclarent avoir commencé avant l’âge de 25 ans. Or dans la plupart des pays (et notamment en France), il existe des normes légales qui interdisent de fournir du matériel stérile aux plus jeunes. Tout cela est sous-tendu par l’idée qu’il faut protéger « l’innocence » d’une jeunesse prétendument menacée par les actions de réduction des risques. Il est donc déplorable que ces programmes soient exclusivement destinés aux adultes et pas aux usagers potentiellement les plus en danger
Youth Rise se définit-elle comme un groupe d’autosupport d’usagers de drogues ?
A K : Nous ne posons pas le problème en ces termes. Nous nous définissons comme acteurs de la RdR (Harm Reductionist) tout en encourageant les jeunes consommateurs à rejoindre notre communauté. Notre but est de permettre aux jeunes consommateurs de s’exprimer en tant que personnes concernées, tout en nous refusant à les enfermer dans une identité d’« usagers de drogues » qui convient généralement à une population plus âgée. L’usage des drogues à l’adolescence est souvent plus expérimental, récréatif, fluide, il est important que nous reconnaissions cette pluralité d’approches chez nos adhérents.