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L’ABC des abcès

L’ABC des abcès

Ça nous est arrivé à tous au moins une fois dans notre carrière d’adeptes de la shooteuse : un taquet un peu raté et, le lendemain, une enflure douloureuse au point d’injection, avec la peau rouge et brûlante. Et qui enfle au fil des heures et des jours : un abcès…

Lorsqu’on évoque les risques liés à l’injection de drogue, tout le monde pense généralement sida,
hépatites, overdose, embolie, endocardite, mais les abcès…

On n’en parle pas : c’est juste moche, pénible, même pas associé à un risque vital. Tout juste si on n’en a pas honte. Pour bien des toxicos, c’est « un truc de zonard », comme d’avoir des poux ou des dents pourries : un stigmate de la pauvreté et de la négligence, un manque d’hygiène.

Beaucoup hésitent même à en parler à leur médecin traitant, de peur de se voir sucrer leur prescription : lui montrer son (ses) abcès, c’est avouer implicitement que, non seulement, on continue à shooter en « détournant » sa substitution mais, qu’en plus, on fait ça n’importe comment, comme un vrai cochon.

Alors, comme avec les avis d’huissier, on préfère laisser courir, en espérant que les choses se tasseront d’elles-mêmes. Pire, on essaie de se soigner tout seul – en le pressant pour le faire « mûrir » ou en l’incisant d’un coup de lame. Résultat des courses : dans un cas comme dans l’autre, l’affaire finit généralement au service des urgences… ou même au cimetière !

Car, même si les abcès ne sont pas directement mortels, la vogue de l’injection de cachetons en a fait, depuis quelques années, une constante quasi quotidienne de la vie de bien des usagers de drogue, surtout parmi les plus démunis. Il ne s’agit pas de petits bobos sans importance : mal ou pas du tout soignés, ils peuvent causer une gangrène, une amputation ou pire une septicémie (infection générale du sang) potentiellement mortelle.

C’est pourquoi il importe, non seulement de les prévenir, mais aussi de savoir les reconnaître et les soigner à temps…

Qu’est-ce qu’un abcès ?

Il existe deux sortes d’abcès consécutifs à une injection : les abcès d’origine infectieuse, provoqués par des bactéries qui pénètrent sous la peau, à cause de conditions d’hygiène insuffisantes.

Les abcès causés par un corps étranger – particules d’excipients insolubles, poils, fibres de coton… Les uns, généralement mous, chauds et douloureux, ont tendance à gonfler et à suppurer abondamment, tandis que les autres forment plutôt une boule dure, moins chaude, qui se transforme en kyste.

Cette distinction est loin d’être étanche : la plupart des abcès dus à un corps étranger s’infectent et se mettent à suppurer, allant jusqu’à causer une gangrène des tissus.

« Les plus durs à soigner, affirme le Dr.V, un médecin spécialisé dans le soin aux usagers de drogue, ce sont les abcès causés par toutes les saloperies qu’il y a dans les cachetons : Ils s’infectent quasiment à tous les coups et sont en plus très durs à nettoyer, du fait qu’il y a beaucoup de particules qui forment comme une constellation de mini-abcès enkystés. J’ai une patiente qui a perdu 7 centimètres de fémur, et je ne sais pas encore si on va pouvoir lui sauver la jambe..

Comment les prévenir ?

La meilleure prévention des abcès, c’est évidemment de ne pas shooter. « Mais si vous shootez, poursuit le Dr.V, l’important, c’est une hygiène rigoureuse : nettoyer ses mains, la cuillère et le point d’injection avec un tampon alcoolisé ou, au minimum, de l’eau et du savon. Et puis, bien sûr, utiliser une pompe neuve et de l’eau distillée. Toutes ces précautions ne servent plus à rien si on manipule son matos avec des doigts sales ou si on le pose sur le sol des chiottes publiques… Par ailleurs, je déconseille l’injection de médicaments à cause des particules d’excipients, même invisibles à l’œil nu. Si vous le faites quand même, filtrez la mixture très soigneusement. Attention à ne pas embarquer des fibres de coton ou de filtre à cigarettes ! »

Comment les reconnaître et que faire ?

Bloodi shoote du subu (abcès), ASUD journal n°18 (hiver 2000)L’usage massif d’agent acide (citron etc.) depuis quelques années fait qu’on s’aperçoit vite – à la douleur cuisante – qu’on a « tapé à côté » et qu’un abcès est à craindre.Dans tous les cas, celui-ci se manifeste au bout de quelques heures (un jour et demi au maximum) par une rougeur enflée, chaude et douloureuse au point d’injection. Il continue d’enfler jusqu’à atteindre parfois la taille d’une balle de ping-pong. Dans les cas extrêmes (pas soignés à temps), c’est tout le membre concerné qui peut enfler démesurément, causant des élancements insup­portables et une fièvre de cheval. A ce stade, la seule solution est le service des urgences de l’hôpital le plus proche…

Pour ne pas en arriver là, le mieux est de prévenir le risque d’abcès aussitôt après le shoot raté, en scotchant sur le point d’injection une compresse imbibée d’Hexomédine Transcutanée* qu’on changera deux fois par jour jusqu’à résorption de l’enflure. Pour un abcès déjà formé (48 h ou plus), gonflé et douloureux, d’une sale couleur rouge violacée, une seule solution : le médecin. Selon le degré d’évolution de l’abcès, il pourra soit vous prescrire un traitement à base d’antibiotiques (contre l’infection), d’applications de poches de glace et de compresses d’Hexomédine, soit inciser et drainer l’abcès – une petite opération désagréable (aaah le look et l’odeur du pus !) mais anodine et pas trop douloureuse.

Même chose en cas d’éclosion spontanée de l’abcès : nettoyez l’essentiel du pus, collez un pansement alcoolisé et allez vite faire drainer le reste !

Si vous préférez ne pas avoir recours à votre médecin traitant, vous pouvez toujours aller aux services des urgences de l’hopital (de préférence là où il y a un Ecimud).

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