Rien ne vient… Angoisse de la page blanche? Pas exactement, même si je cherche mes mots. Non, qu’ils manquent à l’appel, des mots j’en ai justement à la pelle… C’est une ébullition continue confondante dans mon cerveau confondant confondu… Et comme il y a beaucoup à dire et même à redire, au diable la raie théorique, je zigue et zague, le cœur bien accroché ( il n’y a plus que lui pour l’être) on y va…
Ce qui me ramène une fois de plus à mes pérégrinations mensuelles chez mon pharmacien (source d’inspiration intarissable, isn’it?). C’était l’autre samedi en pleine période des soldes : brosses à dents, crèmes lotion capilaire, dermique s’étalaient en devanture accompagnés de remises exceptionnelles de 30 et même 40%.
– Pas de promo sur le néocodion ? ai-je demandé, sourire connivent, 3 boites de néo pour le prix de 2, ça ferait la blague non?
– Allons, allons, monsieur Dufaud les soldes c’est uniquement sur la parapharmacie me rétorque une gentille laborantine plus sérieuse qu’un pape démissionnaire.
– J’imagine du coup que le subutex en vente au rayon parapharmacie c’est un peu prématuré ?
Elle sourit vaguement gênée.
– Vous savez nous n’avons que 4 usagers du subutex, uniquement des clients… des clients qu’on connaît, précise -t-elle à toute fin inutile.
– Et pour les autres ?
– On a eu tellement de problèmes… Trop. Alors on leur dit qu’on ne délivre pas de subutex.
Le masque tombe. De haut… c’est l’époque qui veut ça.
Et d’ailleurs en parlant d’époque, s’il y a bien un magazine qui y évolue comme un poisson dans l’eau – j’avais prévenu, je digresse – c’est le très acclimaté Valeurs Actuelles reflet fidèle de celles du moment et du vide sidéral et sidérant qui les caractérisent. Dans un long papier daté de …2013 l’hebdo « révélait le scandale » de ces associations de toxicos organisant sans vergogne la promotion de la drogue grâce aux deniers des subventions publiques. Je resitue à grands traits là, pour les détails de cette sale histoire reportez vous à la réponse cinglante et parfaitement argumentée d’Asud. Mais, je vous laisse imaginer le cran du journaliste, le courage de sa rédaction, pour oser se dresser comme ça contre le Lobby des addicts sans craindre que celui-ci ne lui tombe sur le râble. Même pas peur ! Si c’est pas héroïsche ça, comme s’écria à la fin du 19ème le chimiste allemand ayant synthétisé un nouveau produit miracle pour lutter contre l’addiction à la morphine : l’héroïne.
En même temps le jeu en vaut la chandelle : » Harro sur les toxicos, leurs assos profiteuses ! « , c’est pain béni dans un contexte sensible de justice sociale introuvable. Forcément, ça interpelle et tant pis si c’est gratuit, délibérément nuisible et mensonger. Dans un climat médiatique largement propice aux dénonciations de toutes sortes, aux révélations d’abus, à l’exhumation de scandales, VA ne voulait pas être en rade : « un cavalier surgit hors de la nuit, court vers l’aventure au galop, son nom il le signe à la pointe du stylo d’un VA qui veut dire Valeurs Actuelles »… Plus chasseur de prime que justicier sur ce coup! Car, il y a d’emblée dans cette façon de désigner quelques indignes, de pointer du doigt les profiteurs patentés, et de les livrer en pâture à la vindicte populaire revancharde (soudain assimilée à une sagesse courroucée), quelque chose de nauséabond – au moment de la déferlante autour de « l’évasion » de Depardieu, un hebdo tv saluait en couverture Michael Young et José Garcia élevés eux au rang « de bons français ».
Alors Asud/ Depardieu même arnaque? Même salauderie ? En réalité, tout ça fleure bon la délation genre où le bon peuple a par ailleurs souvent excellé.
C’est quand même pas très glorieux de jouer les preux chevaliers blancs en enfonçant des portes ouvertes…Et tout aussi gonflé, voire perfide, de feindre se poser un tas de questions en omettant soigneusement d’aligner les bonnes. A commencer par se demander quel peut bien être en fin de compte l’intérêt de l’état à subventionner de telles structures. Ca c’était un sujet. Financement et contrôle, l’histoire du collier et de la longueur de la laisse, là, il y avait peut-être un truc à creuser (tant et si bien qu’il fait débat au sein même d’Asud depuis longtemps – comme quoi la dope n’anéantit pas tout esprit d’autocritique, n’en déplaise aux donneurs de leçons (/) d’ordre).
Deuxio, si le dossier de VA se répand sur plusieurs pages, on cherche encore ce qui l’étaye sur un plan journalistique. Passons sur la plus élémentaire déontologie qui aurait consisté à donner un droit de réponse aux responsables d’Asud (et en l’occurrence la possibilité de réfuter, documents à l’appui, par exemple, des chiffres fantaisistes). Non, je parle ici de l’un des fondements du journalisme, sa raison d’être comme disait l’autre, à savoir l’investigation… Je parle d’aller sur le terrain, incognito ou non, d’y enquêter, de recueillir des témoignages, même en douce, de les vérifier etc… Bref, de faire du journalisme. Tout simplement. Or, ni l’auteur du papier, ni sa rédaction, n’ont jugé utile, ou nécessaire, de mener la moindre enquête de ce type. Étonnant, non ?
Pas tant que ça finalement. En tout cas, pas de la part de personnages qui revendiquent le droit et l’usage de la désinformation comme une arme selon cette idée qu’une contre-vérité balancée sur le net et reprise via une tripotée de liens complices se transforme par le simple jeu mécanique de sa multiplication en une « information » difficile à contrer. Une stratégie globalement assumée. Ce genre de pandémie virtuelle fait des ravages. Moins que la drogue vous répondront ces nouveaux croisés, bouffis de certitudes, subordonnant la Vérité à des enjeux décrétés supérieurs par eux seuls : leur croisade vaut bien quelques petits arrangements avec la vérité. Inutile d’épiloguer philosophiquement sur cette surprenante hiérarchie, il suffit de dire que si, fantasmes, mensonges et peurs ne polluaient pas depuis un siècle le sujet on n’en serait peut-être pas là. Faillite coupable! On en revient encore et toujours à ce chronique -tragique- déficit d’information au profit d’un sensationnalisme, misérabilisme et moralisme plus accrocheur mais perpétuant une ignorance crasse nocive. La médiocre offensive lancée par VA loin d’y déroger, loin de nous éclairer sur quoi que ce soit, s’inscrit exactement dans ce processus pervers. La Chasse a des allures de piètre battue. C’est bien beau de traquer le gibier, mais tout bon braconnier vous le dira, quitte à lever un lièvre autant qu’il ait pas la myxomatose…
Un savoureux Last but not least, pour finir : toute la démonstration de VA s’appuie pour large part sur le dossier spécial du magazine numéro 50 d’Asud répertoriant et décrivant les effets de 50 substances stupéfiantes (VA reproduit de nombreux extraits des textes). C’est LA pièce à conviction majeure, l’argument central doublement frelaté du réquisitoire. Or, superbe ironie suprême, que ne constate-t-on pas, Valeurs Actuelles use du même procédé que celui qu’il dénonce. Chaque semaine l’hebdo de l’économie consacre plusieurs pages aux meilleurs produits présents sur le marché de l’actionnariat, vous recommande les placements les plus rentables, les stock options les plus juteux, les taux d’intérêts les plus profitables. On en soupèse les risques, on vous renseigne même sur leurs effets à court et moyen terme, on vous donne les ficelles pour « pécho », bref, on vous aiguille, parce que l’argent c’est comme le reste faut pas l’injecter n’importe comment et n’importe où ! Je pourrais décliner à loisir l’analogie. Sauf qu’ici, c’est le règne du dieu Mâmon. Et ce monothéisme là, de mon point de vue, bah, ce n’est rien d’autre que de la mauvaise Foi !
Après tout à chacun ses valeurs plus ou moins actuelles/inactuelles. Il y a pourtant des jours où tout ça se délite. Inutile de demander à ces gens-là d’y comprendre quelque chose. Ils y échappent autant que ça leur échappe. Bien trop acclimatés pour le moindre frisson d’effroi. Il y a des jours pourtant où ayant atteint le point limite, on bascule vers celui de non retour. Il y a des « jours redoutables » pareils à ceux de la tradition juive. On souhaiterait pouvoir en rayer un ou deux du calendrier, les balancer par-dessus bord et pour de bon : moi, je flinguerai le jeudi 28 février, mieux, je le passerai au napalm vite fait, qu’il aille brûler en enfer, je le transformerai en tout petit Vietnam, je le réduirai en cendres pour éviter les larmes. Hélas, je n’ai pas ce pouvoir-là. J’ai rien pu faire. Depuis, le monde me semble encore plus sale.
« wake up this morning everything is in place
everything seems allright
but you’re missing missing » (bruce springsteen)