Autosupport des usagers de drogues

Tranches de…

Tranches de…

Tout bourreau est sa propre victime.

Le produit comble un manque mais pas celui du produit. Il permet d’échapper à son histoire,et peut-être au delà.

Ma mère ne voulait pas de moi. Après 5 fausses couches, le 6ème embryon, moi, était trop bien, selon ses propres termes, «accroché». Contrainte de garder ce fils adultérin, conçu dans je ne sais quel foutoir. Je devins exutoire.
Pas de sein maternel, relégué au rang d’objet, elle frappe quand ça la prend, elle s’acharne. Le fruit de cette union est là, devant elle, toujours présent, porteur. Elle enrage, me met nu, me cravache, je tiens bon, elle m’arrache un cri.
L’abandon, les coups de pieds, les coups de poings, la culpabilité, le mensonge, autant de maux devenus constitutifs de la notion que j’ai de l’amour.

À huit ans arrive le couronnement: une bonne petite circoncision la «sans-manche» (pour les connaisseurs). Cette opération est effectuée sans raison médicale ni religieuse par un chirurgien que je qualifierais (pour le moins et pour vous, lecteur) de véreux.Sur la table d’opération l’anesthésiste me demande «piqûre ou masque»? «piqûre !» Tous sont surpris par mon choix. N’aurais-je pas eu précédemment une expérience au gaz?

A 5 ans, je me souviens, j’essaye de me pendre et demande à ma mère de tirer sur la corde. Elle me gifle.
Né avec le cordon ombilical autour du cou, me présentant par le siège, je ne devais déjà pas avoir trop envie de venir au monde.
Je cherche à fuir. Drogues, sectes, amour, suicides, psychiatres, programmes, thérapies, etc…
La mort ne veut pas de moi. La vie est trop forte.
La renaissance, tant espérée, elle non plus ne vient pas de moi. Labyrinthe, chimère, mur. Est-ce donc cela être humain.
Comment faut-il vivre ? Comment? VIS
Je suis là, tout de noir vêtu. Le noir, ma protection, ma chaleur.

Je lutte, à la fois contre la haine, et la souffrance qui m’habitent. Je me noie. Heureusement, le produit est là, comme l’air, vital. Il me soulage temporairement peut-être et après. Il ne me ment pas, je le sais, ce n’est qu’un moyen, peut-être pas une fin.
Je le tiens et j’y tiens.
Personne ne sait pour moi.
Quelques heures, comme si j’avais eu ce qui est dû.

Jacques

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