Ils sont forts ces Américains ! On en était resté au Klu Klux Klan et à George « 2 neurones » Bush, ils ont aujourd’hui un président métis qui obtient aussi sec le prix Nobel de la paix. On les croyait les champions de la guerre à la drogue, voilà qu’ils dépénalisent le cannabis thérapeutique. Le président Obama vient de recommander aux procureurs fédéraux de ne plus poursuivre les consommateurs qui reçoivent de la beuh sur prescription médicale (voir ASUD Journal N°41 p14). Quinze États de l’Union ont officiellement autorisé l’ouverture de dispensaires habilités à délivrer de « l’herbe à bobo ». Décidément, après plusieurs années de gros temps, 2009 restera comme une embellie – timide – sur le front des drogues. Dénonçant comme une menace l’interventionnisme répressif de leur voisin du Nord, trois anciens présidents d’Amérique latine ont fondé l’initiative « drogues et démocratie », qui appelle le sud du continent à sortir progressivement de la prohibition. Successivement, le Mexique puis l’Argentine ont apporté d’importantes modifications à leur législation sur les drogues (voir ASUD Journal N°41 p28).
Ils sont forts ces Américains. Avant de faire la guerre aux pauvres, aux Noirs et aux drogués (ce sont souvent les mêmes), ils ont inventé la sociologie « interactionniste », l’observation participante, plus connue sous le nom d’École de Chicago. Une approche révolutionnaire des questions de société qui influence les années 60 et 70. En matière de drogues, la référence classique c’est « How to become a marijuana user », un article sur l’usage contrôlé de cannabis écrit en 1953 par Howard Becker. De quoi horrifier nos french élites du moment. Car si le gendarme du monde semble renouer avec sa face radieuse, la France, elle, replonge avec délice dans les ténèbres de la prohibition la plus obtuse. Comme toujours en matière de drogues, notre pays est à contretemps. Contre les traitements de substitution quand il fallait être pour, partisan béat de
l’addictologie quand de nombreuses voix s’interrogent sur les dérives du pouvoir médical, voilà que nous redécouvrons des mérites à la stigmatisation des usagers. Quand je dis nous, c’est un large pluriel. Une palette qui va de la campagne officielle du ministère de la Santé (voir ASUD Journal N°41 p4) à Laurent Joffrin, patron de Libé, en passant par Manuel Valls, le député-maire socialiste d’Evry. Seul Daniel Vaillant, ancien ministre de l’Intérieur, a le courage de battre en brèche cette vague réactionnaire et découvre sur le tard les vertus d’une sortie de la prohibition du cannabis.
Toute cette effervescence a le mérite de relancer la petite musique hexagonale, pour ou contre la drogue, pour ou contre la légalisation, pour les braves gens, contre les « dealers ». Malheureusement, les drogues c’est compliqué, ça s’accommode mal du noir d’un côté et du blanc de l’autre. C’est plutôt un sujet mixte, un sujet pour le président Obama… D’ailleurs, si la répression des fumeurs semble marquer le pas, les States restent le royaume du repentir biblique et des manifestations ostensibles de culpabilité. Les cliniques pour « people », les « rehab » n’y ont jamais été autant en vogue (voir ASUD Journal N°41 p24). On appelle ça garder deux fers au chaud… Décidément… Ils sont forts ces Américains.