C’est effectivement un secret de polichinelle : les travailleurs sociaux qui travaillent avec les usagers de drogues sont eux-mêmes un peu usagers, voire un peu beaucoup.
Cet article fait partie du dossier Les usagers-salariés du médicosocial.
D’après un petit sondage anonyme réalisé par Internet auprès des participants à ces Égus à l’aide de simples questions (« Êtes-vous usager de drogues ? », « Professionnel de la RdR diplômé et usager de drogue ? » …), les plus représentés sont des professionnels de la RdR diplômés, qui constituent 55 % de la salle, dont la moitié sont usagers de drogues. Ce n’est donc pas négligeable. La réduction des risques s’est historiquement construite avec des associations d’autosupport ou communautaires où les usagers avaient toute leur place parce que leur expérience était prégnante.
Des structures hors-cadre législatif jusqu’au décret donnant voix à la RdR dans la politique de santé publique qui précise que « les acteurs professionnels de santé ou du travail social ou membres d’associations comme les personnes auxquelles s’adressent ces activités doivent être protégés des incriminations d’usage ou d’incitation à l’usage au cours de ces interventions. L’organisation de l’entraide et du soutien par les pairs fait partie des modalités d’intervention de ces actions. » La santé communautaire et les usagers pairs s’inscrivent donc dans ces processus. Pourtant, en 2007, la loi relative à la prévention de la délinquance stipule, dans son article 54, que les peines seront aggravées d’emprisonnement et/ou d’amendes en cas d’usage au volant et pour les personnes travaillant dans les services publics.
Un certain nombre de questions
Une dichotomie sur le rôle de ces usagers et ce qu’ils peuvent supporter ou pas, qui pose un certain nombre de questions : Pourquoi les usagers de drogues sont-ils bâillonnés ou dans le déni ? En raison de cette loi de prévention de la délinquance ? De leur crédibilité professionnelle ? Pour ne pas être réduits au seul statut d’usager ? Pour se protéger face aux sollicitations ? Parce que leur usage n’est, pour eux, pas représentatif des personnes croisées dans la structure, et qu’ils ne se considèrent donc pas comme usagers pairs ? Il y a également une certaine porosité (on peut arriver sans être usager et le devenir un peu ou l’inverse, ce n’est jamais figé dans le temps), mais aussi un problème de réglementation et la problématique des diplômes (l’obligation d’être diplômé, ce qui est compliqué pour certains). Au final, comment articuler la santé communautaire et l’autosupport dans les structures médicosociales, et comment cette place peut-elle ou doit-elle être prise en termes de management, de diplôme, d’identité, de militantisme… ?
Cet article fait partie du dossier Les usagers-salariés du médicosocial.