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Very Bad Trip

Very Bad Trip

Very Bad Trip ! Grâce aux blockbusters du même nom1, qui ont cartonné partout en France, cette expression est aujourd’hui d’usage courant. Le bad trip, c’est un truc fait pour planer qui tourne au cauchemar.

Todd Philips, le petit malin d’Hollywood qui a réalisé la série, a délibérément axé son propos sur une drogue et une seule, l’alcool. L’alcool dans sa version défonce éthylique de plusieurs jours – et je bois et je vomis et je re-bois – a des effets comparables aux stupéfiants les plus violents et a le mérite de rester suffisamment légal pour en faire le sujet central d’un film d’ado. Hilarant le bad trip de gnôle. Et pourtant, ce voyage provoque sans doute plus de morts violentes dans le monde que le choléra.

Cette excellente opération commerciale très hypocrite nous a décidés à vous régaler de nos very bad trips les plus sexy, mais au sens originel de l’expression.

Le trip est un mot inventé par les amateurs de LSD, le voyage par excellence. Une anthropologie du « bad » nous conduirait inévitablement à revenir vers ces 70’s qui servent de laboratoire à tous les phénomènes sociaux du 2.0. Après avoir découvert le « trip », les hippies ont fatalement expérimenté le « bad », essaimant de la Californie à Goa des naufragés du flip, passés du psychédélique au psychiatrique. L’histoire des groupes de rock des sixties/seventies est fertile en destins brisés par un « bad », antichambre d’une cellule capitonnée pour la vie. Syd Barret, le vrai leader de Pink Floyd, devenu schizophrène après un album et quelques pilules multicolores, en est emblématique.

Le trip est donc indissociable du bad, au point de devenir un verbe transitif dans le langage teufeur2. Je bade, tu bades, il ou elle bade… plus de raisons de se cacher derrière les illusions du Flower Power pour éluder un problème récurrent : les paradis artificiels recèlent tous un petit enfer privé, la face cachée du voyage. Pas besoin de se voiler la face, ni d’en faire des tonnes.

Pour communiquer sur le bad, il faut à la fois se démarquer de la propagande officielle consacrée au « fléau de la drogue » et rejeter le prosélytisme béat de certains psychonautes. Le bad trip est un risque et non un dommage. Il est loin d’être inéluctable si l’on consacre suffisamment d’intelligence, de savoir-faire et de conseils éducatifs à la consommation pour cerner les zones périlleuses, classées par substances. Malheureusement, une vraie prévention du « bad » supposerait de pouvoir étudier en laboratoire tous les cas de figures exposés dans les pages qui suivent. Au même titre que l’on fait appel à des volontaires pour expérimenter de nouveaux médicaments, pourquoi ne pas associer la science et l’expérience des consommateurs pour concevoir des outils psychologiques, chimiques, culturels, adaptés à chaque cas ? Évidemment c’est aujourd’hui impossible. Une formation anti crises de panique sous LSD destinées aux usagers, une équipe de chercheurs psychonautes, la tête farcie d’électronique, en session de coke ou de crack pour bâtir un kit antidescente : tout ça, c’est de la science-fiction. Dans la définition officielle de la « réduction des dommages », il importe avant tout de décourager la consommation plutôt que d’être accusé de faciliter l’usage en adoptant des objectifs pratiques directement utilisables par les « toxicomanes ».

Une dernière mise au point pour ceux qui se frotteraient les mains d’une hypothétique revanche morale attendue depuis longtemps : avec ce spécial « Very Bad Trip », les drogués d’Asud ne se lancent pas dans une hypocrite contrition en présentant la drogue sous son vrai jour. Que nenni mon bon ! Le trip, qu’il soit bad ou pas, reste notre objet de réflexion. Nous nous contentons de tenir le milieu du gué, comme nous l’avons toujours fait. Ni pour ni contre mais avec…


Note

1Le titre original, The Hangover, est moins centré sur le code « défonce ».

2Doit-on le préciser ? Les teufeurs sont les adeptes de la teuf, teufé, de la fête, plutôt en mode techno.

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