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NPS : qu’est-ce que c’est ?

NPS : qu’est-ce que c’est ?

NPS qu’est-ce que c’est ?

NPS pour « Nouvelles Substances Psychoactives » désigne un éventail de produits très variés : opioïdes, amphétamines, hallucinogènes, benzodiazépines, cannabinoïdes etc. En fait on retrouve des NPS dans toutes les familles de produits psychoactifs, on en retrouve même beaucoup. Entre 2008 et 2013, au plus fort de leur diffusion (voir historique), le nombre de nouveaux produits détectés chaque année en France est officiellement passé de 3 à 37 !

Derrière cette pluie de nouvelles molécules on trouve d’un côté des consommateurs qui se fournissent directement sur Internet, et de l’autre des laboratoires qui prennent de vitesse les processus d’interdiction des drogues (cf vos droits) en proposant sans cesse de nouvelles molécules que les Etats n’ont pas encore eu le temps d’interdire. En effet, à partir d’une molécule qu’ils vont très légèrement modifier, les chimistes peuvent synthétiser des séries entières de molécules dérivées ! Par exemple, à partir de la molécule « cathinone », le principe actif du khat (une plante aux effets stimulants consommée dans l’est de l’Afrique), les laboratoires ont produit et mis en vente des dizaines de « cathinones », c’est à dire des molécules suffisamment proches chimiquement de la cathinone primordiale pour qu’on les y rattache. Ce processus de dérivation des molécules n’est pas nouveau, c’est même le propre de la recherche pharmacologique de procéder ainsi, en témoigne le numéro 25 du LSD qui signifie qu’il s’agissait du 25 ème dérivé de l’acide lysergique synthétisé par Hoffman. La différence c’est qu’alors qu’auparavant la plupart de ces molécules restaient inconnues du public, aujourd’hui, par un effet inattendu de la prohibition des drogues, on en retrouve bon nombre sur le marché !

Devant la grande diversité des NPS, la question se pose de l’intérêt de les regrouper en une seule et même catégorie. Pourtant, aussi différents qu’ils soient, les NPS ont bien des points communs : d’abord leur disponibilité sur Internet, qui demeure leur premier vecteur d’acquisition. Ensuite leur caractère de nouveauté : comme leur nom l’indique les NPS sont généralement nouveaux, récents, on manque donc de recul quant à leurs effets à moyen et long terme. C’est d’autant plus vrai que, s’agissant de substances officiellement non destinées à la consommation humaine, elles ne sont l’objet d’aucun test sérieux visant à établir leur nocivité… On pourrait supposer que, n’ayant aucun intérêt à perdre leurs clients, les laboratoires évitent de commercialiser des produits dangereux. C’est en partie vrai mais attention, bien que ça soit rare, on a déjà vu quelques substances littéralement toxiques vendues sans aucun avertissement particulier sur des sites « classiques », par exemple de la brephédrone, une cathinone hautement neurotoxique ou du 5F-UR-144, un cannabinoïde toxique pour les reins. Le fait qu’un produit soit vendu sur Internet ne prouve rien quant à sa dangerosité ! Surtout quand vous prévoyez de le mettre dans vos narines / veines / cul alors qu’il est écrit en petit dessus « Not for human comsumption »

Récents, variés, nombreux, potentiellement dangereux et disponibles sur Internet, voici quelques éléments qui caractérisent les NPS. Un tableau plutôt sombre qui pousse à se demander pourquoi certains consommateurs se tournent vers ces produits. Il y a plusieurs réponses :

  • d’abord le statut légal ambigu de certains d’entre eux qui évite les risques judicaires (mais attention pas de tous, lisez la partie « Vos droits »).
  • Ensuite leur prix souvent très bas et leur accessibilité (à condition d’avoir Internet, une carte bleue et une adresse, n’importe qui peut s’en procurer sans même sortir de chez soi).
  • Leur grande diversité attire aussi certains psychonautes (voyageurs intérieurs) en recherche d’expériences, qui peuvent apprécier la possibilité de multiplier à l’infini les nouvelles expériences de modification de la conscience.
  • Enfin, tout simplement les effets de certaines de ces molécules, qui sont parfois plus appréciés par les consommateurs, que ceux d’autres produits « classiques ». En effet, beaucoup ne voient dans les NPS que des imitations des produits classiques : les « coke-like », les « MD-like », les « héroïne-like » ou les « LSD-like ». Pourtant ces nouvelles molécules ont en réalité des effets (et des risques) qui leur sont propres. Pour mieux les comprendre vous trouverez plein d’infos sur cette plate forme mais aussi sur les liens suivants :

Psychonaut

Psychoactif

TechnoPLus

Erowid

Psychonaut.wiki

 

Historique :

Il est difficile d’établir un point de départ symbolique pour les NPS. On peut remonter à la synthèse du LSD par Hoffmann en 1943 ou même avant, lorsque à la fin de XIX, des chimistes isolèrent les principes actifs de plantes psychoactives (cactus à mescaline, coca…) et synthétisèrent de nouvelles substances (amphétamines, MDMA…). Depuis qu’elle existe, la recherche pharmacologique s’est en effet toujours penchée sur les produits psychoactifs (principalement pour des applications thérapeutiques et / ou militaires).

Une autre approche consiste à chercher l’origine du psychonautisme, démarche indissociable des NPS, du moins au début. On pense alors aux artistes et intellectuels de la fin du XIX siècle déjà amateurs des « nouvelles » drogues de l’époque : par exemple le haschich redécouvert par Théophile Gautier, Baudelaire et les autres membres du club des Haschichins… Ou, plus tardivement les voyages à la mescaline de Michaux ou de Sartre dans la première moitié du XX siècle puis ceux aux champignons hallucinogènes ou au LSD des années 60…

On peut aussi faire remonter le début du phénomène aux travaux de Shulgin dans les années 70. Alexander Shulgin (décédé en 2015) est en effet une figure mondialement reconnue du psychonautisme : chimiste de génie ayant découvert et expérimenté plus de 300 nouvelles molécules psychoactives, il a écrit deux livres majeurs, PHIKAL : « les phénétylamines que j’ai connues et aimées », et THIKAL : « les tryptamines que j’ai connues et aimées », publiés dans les années 90 dans lesquels il a décrit les effets de ses découvertes préférées et ouvert la porte aux apprentis chimistes en détaillant ses « recettes » de fabrication.

A partir de là des « cercles » d’amateurs de NPS se créent un peu partout dans le monde autour de chimistes passionnés qui partagent leur production avec leurs amis. Jusqu’alors il y a certainement assez peu de marchandisation des NPS. Les choses changent avec le développement d’Internet qui permet la vente par correspondance : en jouant sur le fait que les molécules ne sont pas encore classées stupéfiants certains petits malins réalisent qu’en précisant que leurs produits ne sont pas destinés à la consommation humaine, ils peuvent vendre plus ou moins légalement leur production sur Internet.

Dans les années 2000 les NPS se diffusent discrètement, on observe principalement des hallucinogènes comme les 2CX et quelques stimulants qui sont consommés par des psychonautes mais aussi en contexte festif. Les forums jouent un rôle important pour les consommateurs qui s’y informent et échangent sur les effets et les risques de ces différentes molécules, notamment via des récits d’expériences souvent très détaillés et surnommés trip reports.

En 2007 Mike Powers, un journaliste anglais publie dans Mix Mag un article sur la méphédrone qui se voit repris sur les sites web de trois grands titres de la presse Anglaise. Dans son article, Mike Powers décrivait la méphédrone comme une drogue peu chère et légale, vendue comme de l’engrais pour cactus et dont les effets étaient plus ou moins un mix entre ceux de la cocaïne et ceux de la MDMA. Ce que personne n’avait prévu c’est l’action des fonctionnalités automatiques de Google qui associent contenus informationnels et publicitaires : à la fin de son article se trouvaient directement des liens d’annonces vers des sites de vente du fameux « engrais pour cactus » ! Quelques années plus tard Mike Powers déclara que ce fût cet événement qui marqua la diffusion à grande échelle de la méphédrone au Royaume Uni : une semaine après la publication de son article, les vendeurs de méphédrone promus par ces fameuses annonces accusaient tous une rupture de leur stock de méphédrone !

En France la méphédrone resta cependant confidentielle jusqu’à ce qu’un événement extraordinaire vienne changer la donne : fin 2008, de gigantesques saisies d’huile de Safrole (l’un des principaux produits nécessaires à la fabrication de MDMA) furent réalisées dans le Sud Est Asiatique.  La production de MDMA fût presque complètement paralysée sur le plan mondial et en 2009 il était complètement impossible d’en trouver. Cette belle victoire de la guerre à la drogue eût un effet contre-productif inattendu : la MDMA étant l’un des produits les plus consommés dans le monde, une gigantesque demande se trouvait insatisfaite aussi une offre se reconstitua rapidement pour y répondre.

C’est ainsi que dans les mois qui suivirent le début de la pénurie, un peu partout en France on vit apparaître timidement d’abord des « substituts de MDMA », des « dérivés de MDMA », des « résidus de MDMA » etc qui, après analyse s’avérèrent être en réalité de la méphédrone…

Encore quelques mois plus tard, la mépéhédrone était régulièrement disponible en milieu festif et désormais les vendeurs comme les clients l’appelaient par son nom. C’était la première diffusion à large échelle d’un NPS qui se hissait dans la panoplie des drogues classiques.

Par ailleurs, à cette même époque (début 2010), les médecins spécialisés en addictologie et les associations spécialisées parlaient de plus en plus du développement d’une « nouvelle » pratique : le slam, c’est-à-dire l’injection de cathinones en contexte sexuel dans des populations gays (en réalité l’injection de produits stimulants en contexte sexuel par des gays existait depuis longtemps et était déjà surnommé « slam », en revanche ce qui était bel et bien nouveau c’était l’utilisation de cathinones à cet effet).

Evidemment, les cathinones devenant largement consommées il y eut de nombreux accidents à déplorer et rapidement les médias s’emparèrent de l’affaire. Des dizaines d’articles de journaux, d’émissions de radio et de TV décrivirent le phénomène avec emphase (à la fois sur l’aspect dramatique de ce nouveau « fléau » et sur les attraits de ces nouvelles drogues : peu chères, « légales », accessibles sur Internet etc), ce qui participât évidemment à leur diffusion (vous pouvez trouver une description de ces paniques morales ICI).

En conséquence la méphédrone et toutes les cathinones furent vite interdites mais elles ne disparurent pas totalement et, bien qu’il soit difficile d’estimer le nombre exact de consommateurs, plusieurs signaux semblent montrer que leur usage n’a cessé de se développer depuis, du moins dans les communautés gays à travers le slam et le chemsex (consommation de drogues en contexte sexuel gay au sens large).

En revanche en espace festif, la MDMA redevenant plus accessible que jamais dès 2010, les cathinones disparurent assez rapidement tandis que d’autres produits firent leur apparition dans les années qui suivirent : la méthoxétamine qui ressemble à de la kétamine en plus fort et plus long, les N-bomes qui ressemblent au LSD etc.

Parallèlement les choses bougeaient aussi dans toute l’Europe. Vers  2011 les associations Roumaines tirèrent la sonnette d’alarme : sans que personne ne comprenne comment c’était possible, la majorité de la population d’usagers d’héroïne par voie injectable de Bucarest semblait avoir switché vers les cathinones, avec en prime une spectaculaire hausse des contaminations VIH liée à l’injection d’un stimulant qui donne envie de se faire des dizaines de shoot par jour dans un pays où suite à la crise économique, les programmes d’échanges de seringues s’arrêtaient tous les uns après les autres… Deux ans plus tard, cette étonnante tendance fut aussi observée en Ecosse mais dans un cas comme dans l’autre, les consommateurs revinrent spontanément à l’héroïne dans les trois ans suivant leur « conversion ».

Toujours en Europe, on commençait à observer l’apparition de NPS opioïdes, notamment des fentanyloïdes (dont les effets extrêmement puissants augmentent fortement les risques d’overdose). En toute logique, les pays les plus touchés par cette tendance semblaient être ceux où il était le plus dur de trouver des opiacés classiques ainsi que ceux où la RDR était la moins développée institutionnellement. Des séries de dizaines d’overdoses liées à divers dérivés de fentanyl furent ainsi décrites en Suède, en Hongrie, en Finlande…

Aux Etats Unis et au Canada, les fentanyloïdes étaient aussi de plus en plus consommés : la population ayant massivement développé une addiction aux opiacés médicamenteux, les politiques gouvernementales avaient largement freiné la prescription des médicaments opiacés. Dès lors un nombre important de personnes s’étaient tournés vers le marché noir pour satisfaire leur dépendance. Dans ces pays touchés durement par la crise financière et chez qui la vente de fentanyl en arnaque à l’héroïne est décrite depuis bien longtemps (le fentanyl « de rue » y est surnommé « China white »), la vente de fentanyloïdes (bien moins chers que l’héroïne) s’est développée à grande vitesse, à tel point qu’en 2016, 80% des échantillons d’héroïne collectés par la salle de consommation à moindres risques de Vancouver contenaient des fentanyloïdes et qu’en 2017 les fentanyloïdes arrivent en tête des produits les plus impliqués dans les 40 000 décès par overdose d’opioïdes aux USA.

La situation Française a toujours semblé moins dramatique mais plusieurs centres d’aide aux usagers de drogues ont observé des NPS vendus en arnaque à des drogues de rue et quelques analyses ont aussi montré la présence de fentanyloïdes dans des variétés d’héroïnes vendues sur le darknet. La crainte de voir les NPS se répandre et progressivement s’implanter dans le paysage, voire même supplanter les autres drogues a donc été largement partagée ces dernières années. Le raz de marée annoncé n’a toutefois pas eu lieu : ici les NPS semblent rester à peu près circonscrits à quelques populations spécifiques (psychonautes, composantes spécifiques de l’espace festif et chemsexers ou slammers) dans lesquels ils semblent en revanche bien partis pour s’inscrire dans la durée.

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