Après la loi sur la prévention de la délinquance, ses injonctions thérapeutiques et ses stages payants, celle sur la récidive peut désormais mener en prison pour simple possession de quelques grammes de beuh. À défaut de réformer la loi de 70, le gouvernement se concentre donc avant tout sur la répression.
Le cannabis, dont étaient si friands les médias, ne fait plus recette en 2008. S’il y a bien eu quelques frémissements, le dernier remonte à la nomination, en lieu et place de Didier Jayle, mal à l’aise dans ses pompes de docteur, d’Étienne Apaire, un des proches collaborateurs de Nicolas Sarkozy au temps où il menait à la baguette le ministère de l’Intérieur.
Tolérance zéro
Étienne Apaire est un des artisans de la « Loi sur la prévention de la délinquance » votée en mars 2007, la dixième loi pénale votée depuis que la droite a pris le pouvoir, une loi qui transforme les « maires » en flics, durcit les sanctions contre les mineurs, lesquels peuvent se retrouver en taule dès l’âge de 13 ans, une loi stigmatisante et très répressive, qui compte aussi nombre de « dispositions tendant à prévenir la toxicomanie et certaines pratiques addictives ». Des dispositions qui sont passées inaperçues.
Parmi ces mesures, que Nicolas Sarkozy ose présenter comme une réforme de la loi de 1970, l’injonction thérapeutique est toujours la reine. « Aucune infraction dont l’auteur est identifié », précise Nicolas Sarkozy « ne doit rester sans réponse ». Et ce, même si la faute « peut apparaître vénielle ».
Cette politique a un nom : la tolérance zéro. Pour atteindre son but, le ministre propose de généraliser les tests de détection du cannabis sur les routes comme dans les entreprises, et de se lancer dans la chasse aux consommateurs, en ajoutant à l’arsenal des peines existantes de nouvelles peines complémentaires.
Déjà inscrite dans la « Loi sur la prévention de la délinquance », la seule mesure spectaculaire que le nouveau « Monsieur Drogue » ait annoncée lors de sa nomination est l’instauration de « stages de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants »… Des stages payants par le contrevenant, qui devraient être effectifs à l’heure où je vous écris.
Autre loi qui concerne les amateurs de drogues psychotropes : celle sur la récidive. Un texte voté le 10 août 2007, en dépit des réserves exprimées par une partie du monde judiciaire et par Maître Badinter, qui jugeait ce texte « inutile, implicitement vexant pour les magistrats et potentiellement dangereux » .
Directement inspirée de la politique étasunienne qui a fait de l’industrie pénitentiaire un secteur d’activité florissant, cette loi oblige les juges à prononcer des peines d’au moins un tiers de la peine maximale encourue à l’encontre des récidivistes (cela concerne les crimes et délits passibles d’au moins 3 ans d’emprisonnement), et supprime l’article 4132-24 du code pénal qui garantissait l’individualisation des peines. Mais comme le permet le texte, un juge pourra toujours prendre une autre décision que celle imposée par la loi, à condition de la motiver spécialement. En cas de seconde récidive, ce sera plus compliqué, le condamné devant présenter des garanties « exceptionnelles » de réinsertion pour échapper à la prison.
Rassurer le bon peuple
Parions que de nombreux juges, par facilité ou par crainte de passer pour laxistes, se tairont, même s’ils pensent la peine disproportionnée avec l’acte commis… Souvenez-vous de Rachida Dati convoquant le vice procureur de Nancy qui avait refusé d’appliquer une peine plancher ! « J’ai vu en comparution immédiate un jeune homme de 20 ans qui a acquis 2 grammes de cannabis en récidive pour sa consommation personnelle. La peine plancher est de quatre ans ferme : c’est totalement disproportionné ! », s’exclame ainsi un magistrat dans les colonnes du journal Le Monde, qui consacrait un dossier à ce sujet.
Ne doutons pas que la loi sera appliquée dans toute sa rigueur imbécile, avec pour conséquence de remplir un peu plus des prisons déjà surpeuplées. Les experts prévoient d’ailleurs que les peines planchers vont, en quelques années, envoyer 10 000 personnes en prison.
En quatre ans, pas moins de trois lois ont été votées concernant la récidive. Des lois qui veulent rassurer le bon peuple au détriment de toute réflexion sur le sujet, car chacun sait que paradoxalement « la prison, parmi les premiers facteurs criminogènes, favorise bien davantage la récidive qu’elle ne la dissuade ».
Concernant le cannabis, la seule politique du gouvernement, c’est la répression. Pas forcément une répression spectaculaire avec convocation des médias au petit matin dans une cité, mais une répression mesquine, discrète, répétitive, stigmatisante, dont le seul objectif est de pourrir la vie de l’amateur de cannabis en multipliant les contrôles, en se servant des outils juridiques à leur disposition, la comparution immédiate comme la composition pénale, pour dissuader le consommateur.
Démonstration
Pour arrondir des fins de mois difficiles, Christophe monte une petite entreprise de vente de haschich… Par un malencontreux hasard, il se fait prendre. Or, la cession – que ce soit contre argent comptant ou à l’amiable – est punie par la loi de dix ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende.
C’est du passé tout ça. Christophe ne deale plus pour arrondir ses fins de mois. Il fume de temps en temps, c’est tout. Mais un jour qu’il revient de chez un pote, lequel lui a offert 1 ou 2 têtes de beuh, les pandores l’arrêtent et tombent sur le sachet qu’il n’avait même pas pris la peine de planquer.
Comparution immédiate, déjà condamné pour trafic dont la peine maximale est de dix ans. Les deux tiers de dix, ça fait quoi ? Ça fait quatre ans de prison. Le tour est joué. Pour quelques grammes de beuh, le voilà derrière les barreaux.