Longtemps « planquée » derrière le VIH, l’hépatite C est restée méconnue des Français, y compris des injecteurs pourtant en première ligne. Face à un virus perçu comme lent et aléatoire, de nombreux UD ou ex-UD ont préféré différer ou éluder la confrontation avec un traitement ribavirine/interféron, jugé lourd et inefficace. C’est à ce noyau dur rétif aux traitements que nous nous adressons car l’éradication du VHC est enfin une perspective réaliste.
L’histoire
Depuis une trentaine d’années, le virus de l’hépatite C (VHC) rôde dans l’univers des usagers de substances illicites injectées. Son omniprésence est une conséquence du décret de 1972 qui a pratiquement empêché la fourniture de matériel stérile aux toxicomanes jusqu’en 1987, date de son abolition. Entretemps, des centaines de milliers de personnes ont été contaminées, soit par le virus du sida, soit par l’une ou l’autre des hépatites virales.
Le VHC a été découvert en 1989. On a commencé à traiter cette infection chronique par de l’interféron alpha, médicament injectable trois fois par semaine pendant un an. Les taux de guérison (suppression du virus) étaient de l’ordre de 6% seulement, et le traitement était difficile car les malades rencontraient beaucoup d’effets indésirables parfois sévères. En 1999, on a rajouté à l’interféron une molécule, la ribavirine, administrée chaque jour en gélules ou comprimés. Ce traitement obtenait des taux de guérison de plus de 30% mais les effets indésirables étaient plus importants. Puis les scientifiques ont mis au point une forme d’interféron retard, plus confortable puisqu’on ne faisait qu’une injection sous-cutanée par semaine. Avec la ribavirine, qui renforçait son action antivirale, on a atteint des taux de guérison de 50% mais toujours avec les mêmes effets indésirables parfois très handicapants et des contre-indications à ce traitement.
Première vague
Jusqu’en 2011, seul ce traitement était disponible. De nouveaux médicaments, le telaprévir et le boceprévir, premiers inhibiteurs directs du virus de l’hépatite C, ont été mis au point par deux labos. Il s’agit de deux inhibiteurs de protéase du virus que l’on rajoutait à l’interféron alpha et à la ribavirine. Les taux de guérison ont augmenté de 15 à 20%, mais uniquement pour un certain type de virus, le « génotype »1 (il n’y a pas qu’un seul virus mais une famille : les génotypes qui vont de 1 à 5), qui représente environ 50% des cas en France.
Le problème était que non seulement on avait les effets indésirables de la bithérapie mais la 3e molécule en rajoutait et parfois des vraiment encore plus sévères. Le mode de prise des médicaments était compliqué, écart précis entre trois prises, prise d’aliments avec les comprimés, etc.
Deuxième vague
Une seconde vague d’inhibiteurs de protéase va remplacer le telaprévir et le boceprévir. D’une efficacité nettement supérieure, beaucoup de malades pourront bénéficier d’un traitement court, avec beaucoup moins d’effets secondaires, et d’une simplification d’administration (une prise quotidienne). Ainsi, après l’Autorisation de mise sur le marché (AMM) du sofosbuvir (Sovaldi®, Gilead Sciences) et du siméprévir (Olysio®, Janssen Pharmaceuticals), le daclatasvir est disponible en Autorisation temporaire d’utilisation (ATU). Ce sont des antiviraux de seconde génération qui, en association, peuvent guérir à 100% les patients et ceci, quel que soit le génotype.
Trois stratégies sont possibles : la première est la combinaison de sofosbuvir avec un autre médicament antiviral ; la seconde est la combinaison de trois médicaments sans sofosbuvir ; la troisième est la combinaison de deux médicaments dits de « deuxième génération » sans sofosbuvir. Les premiers résultats des études réalisées avec ces trois stratégies indiquent des taux de guérison de l’ordre de 95%, parfois plus, chez les malades infectés par un virus de génotype 1 et proche de 100% chez les autres.
Aujourd’hui, on peut donc voir que les chances de guérir de son hépatite C en prenant un à deux comprimé(s) par jour pendant 3 mois, sans subir d’importants effets indésirables graves, sont proches de 100 %. Ces nouveaux traitements sont compatibles avec les traitements de substitution et ne bouleverseront pas vos habitudes de vie comme les anciens. Nous sommes donc à un tournant dans le traitement de l’hépatite virale C, une véritable révolution dont il va falloir profiter pour en finir avec une maladie potentiellement mortelle (3 500 décès par an en France, plus que les accidents de la route).
Une offre qui ne se refuse pas
Traiter votre hépatite C, c’est assurer votre avenir. Si vous vous débarrassez de votre hépatite C, vous aurez un problème de moins à gérer. De plus, la prise en charge médicale et sociale de l’hépatite C peut vous permettre de régler d’autres questions (par exemple, ouverture de droits à la Sécurité sociale, allocations…).
On nous disait avant l’arrivée de ces nouveaux traitements :
« Du côté des usagers, l’un des principaux freins à l’accès au traitement est de ne pas considérer le VHC comme une maladie grave : souvent, ceux qui sont morts dans l’entourage des toxicomanes sont apparus comme étant séropositifs ou alcooliques, mais on n’a pas retenu qu’ils avaient une hépatite C. Cette difficulté à se représenter la maladie tient aussi au fait qu’elle peut aussi bien être minime, qu’aller jusqu’à la cirrhose et au cancer du foie. À quoi viennent s’ajouter la peur de la biopsie, du traitement – perçu comme rendant malade – et, plus généralement, le rejet du monde médical. Les usagers de drogue redoutent enfin qu’on les contraigne à arrêter leur consommation de drogue ou d’alcool brutalement. »1
Eh bien voici, on a changé de paradigme, on peut en 3 à 6 mois se débarrasser facilement du virus sans rien changer à ses habitudes, sinon bien sûr bien appliquer les principes de réduction des risques pour ne pas se recontaminer. Freiner sur la bouteille à mort, faire gaffe aux produits hépatotoxiques (coke, pilules, etc.) afin de filer un peu de vacances à votre foie. On n’a plus besoin de biopsie, on a très peu d’effets secondaires et on ne prend que deux pilules par jour. Ce n’est pas un gros effort pour changer sa vie et éviter de la raccourcir. Voilà une offre que vous ne pourrez pas refuser ! Il ne faut jamais rater une révolution à ses débuts, souvent ça se gâte quelques années après ou on est trop vieux ou trop malades pour la faire.