Il y a trois ans, Asud reçut au coeur de l’été une requête inattendue : une touriste française en vadrouille en Thaïlande nous appelait en catastrophe car elle s ’était fait voler son traitement méthadone dans le train lors d’un périple au coeur du pays. Le sauvetage in ex trémis de cette « Farang en galère »1 a inauguré une longue suite de dépannages du même ordre, orchestrée de main de maî tre par Pascal Tanguay. Pascal est Canadien francophone, installé à Bangkok depuis de longues années et engagé dans la lutte contre le sida. Il nous expose ici les différents services de prise en charge don t vous pouvez bénéficier si vous êtes un voyageur amateur de substances toujours illicites au Royaume de Siam. Si vous êtes sous su bstitution ou en
processus de se vrage et que vous pensez venir en Thaïlande pour vos prochaines vacances, voici quelques conseils pratiques à considérer. Ces conseils et suggestions ont été développés après pl us de trois ans de support apporté, grâce à Asud, aux francophones voyageant en Thaïlande avec le soutien de la Fondation Ozone, une ONG locale basée à Bangkok et le
plus important pourvoyeur de services de réduction des risques du pays.
J’ai personnellement quinze ans d’expérience de travail avec les utilisateurs de drogues en Thaïlande, dont cinq en tant que directeur des services nationaux de prévention du VIH auprès des injecteurs de drogues.
Métha très limitée et très contrôlée
La méthadone est disponible pour le traitement de substitution aux opiacés (TSO) en Thaïlande depuis plus de cinquante ans. Par contre, la plupart des services de TSO disponibles visent l’abstinence totale, et rares sont ceux qui préconisent la maintenance à long terme avec des dosages soutenus. Les dosages sont généralement très bas – 60 mg en moyenne – car les médecins pourvoyeurs sont inquiets quant aux risques d’overdose si les patients continuent de consommer des opiacés. C’est bien évidement une logique faussée, car les patients qui n’obtiennent pas une dose suffisante auront envie de consommer pour éviter les symptômes de sevrage. Or, la plupart des médecins créent les conditions qui les poussent à réduire les dosages à des niveaux inférieurs aux niveaux recommandés par les instances internationales.
La méthadone en Thaïlande est par ailleurs très contrôlée. Dans le système de santé publique, le principal pourvoyeur est l’hôpital Thanyarak à Bangkok, situé tout près du vieil aéroport2. Malheureusement, leur site web
n’est seulement accessible qu’en thaï, ce qui démontre l’absence totale de préoccupation concernant l’aide à fournir aux étrangers et aux touristes. Il est tout de même possible d’obtenir de la méthadone via l’hôpital Thanyarak, mais c’est toujours une aventure particulièrement difficile : il faut arriver tôt le matin à l’heure d’ouverture, compter une journée complète d’attente et payer environ 30 à 50 $ pour une bouteille de 300 ml. Notez bien que la possession de plus de 300 ml de méthadone est un délit, peu importe le fait d’être enregistré dans un programme officiel ou non.
Voyager avec des stupéfiants
Outre la Thaïlande, de nombreux pays restent opaques en matière de législation sur les stups. Asud a développé sur son site Internet une rubrique « Partir à l’étranger ». La législation étant fortement évolutive, nous vous conseillons de bien suivre les conseils donnés par le site, y compris ceux consultables via les liens vers l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) ou vers les Agences régionales de santé (ARS).
Une incertitude concerne la législation liée à la consommation de cannabis dans certaines parties de l’Amérique du Nord et au Paraguay. Dans quelques zones libérées du continent américain, il va être possible de consommer de la beuh, mais il est toujours illicite d’en importer et surtout d’en exporter.
Finalement, la drogue la plus facilement accessible en voyage reste la plus mortelle, celle qui tue des millions de personnes par an : le tabac, vendu en cartouches détaxées dans tous les aéroports internationaux.
Il est aussi possible d’avoir accès à la méthadone à travers le système de santé privé, mais les prix sont prohibitifs. Ces médecins sont souvent encore moins à l’aise avec la prescription d’opiacés que ceux du secteur public. En Thaïlande, il existe tout un réseau d’hôpitaux privés – le Bangkok Hospital Network, par exemple – qui couvre pratiquement tout le pays (du moins, les grands centres urbains). Ces hôpitaux privés peuvent prescrire de la méthadone et d’autres médicaments pour gérer les symptômes de sevrage, mais il faut tout d’abord convaincre ledit médecin.
Pour ce faire, il est fortement conseillé de venir en Thaïlande avec une ordonnance officielle. Idéalement, votre ordonnance sera traduite en anglais car ici les médecins n’ont pas nécessairement la capacité de comprendre le français3. De plus, si vous voyagez avec de la méthadone ou un autre TSO, il est important de toujours avoir votre ordonnance sur vous. Il est également utile d’informer votre médecin soignant de vos plans de voyage, de solliciter sa permission de le/la mettre en contact avec les médecins thaïlandais qui pourraient avoir des questions. Finalement, avant votre départ, procurez-vous le volume de méthadone maximum autorisé par les lois locales (vérifiez si les quantités permises sont plus élevées dans les autres pays que vous comptez visiter et planifiez votre itinéraire en conséquence). La méthadone en gélule n’est pas disponible en Thaïlande (seulement sous forme liquide en sirop), quant à la buprénorphine, elle n’est pas disponible du tout.
Détox enfer ou paradis
En ce qui concerne les services de détox, il existe des centres de traitement privés comme The Cabin à Chiang Mai et à Bangkok. Les coûts y sont exorbitants, les succès sont douteux, mais c’est un environnement paradisiaque pour faire un sevrage guidé. Les centres de détox publics sont essentiellement des prisons : en 2012, plus d’un demi-million d’individus se sont retrouvés privés de liberté suite à leur enregistrement dans ces soi-disant centres de traitement, souvent après un dépistage d’urine positif administré par la police, sans avoir accès à un avocat ou à quelque autre service de soutien légal. En 2012, plusieurs organisations onusiennes ont d’ailleurs émis un appel public pour la fermeture immédiate de ces centres de détention où de graves abus de droits humains sont régulièrement perpétrés envers les patients. Difficile donc de trouver un juste milieu entre les centres comme The Cabin et les centres gouvernementaux. Mieux vaut en fait éviter de faire une cure en Thaïlande car le soutien apporté aux clients est déficient et les services ne sont pas orientés vers l’épanouissement des clients/patients. La quête du profit et l’intention de punir sont malheureusement les motivations cachées derrière ces traitements.
Malgré les efforts des organisations locales comme la Fondation Ozone, la situation tarde à s’améliorer et les autorités continuent de favoriser la répression policière aux dépens des soins et des droits humains. Malheureusement, la situation concernant les services TSO, de détox et de réduction des risques est effroyable, comme à peu près partout à travers l’Asie.
J’espère que ces informations vous seront utiles et n’hésitez pas à me contacter par Asud si vous avez besoin de plus amples détails ou conseils.
Pascal Tanguay
- Voir « Farangs en galère », Fabrice Olivet, Asud-Journal n° 56 (http://
www.asud.org/2015/03/30/une-fareng-en-galere-panne-de-tso-enthailande). - Adresse : 60 Don Muang Tollway, Thanyaburi, Pathum Thani, 1230 ;
téléphone : +66 (0) 24115657/8/9 ; heures d’ouverture de 8 h 30 à 16 h 30. - Voir rubrique « Partir à l’étranger » sur le site d’Asud : http://www.asud.
org/substitution/partir-etranger/