Whitney Houston est morte d’une crise cardiaque provoquée par la cocaïne, la première drogue en cause lors d’hospitalisations en urgence aux États-Unis. Philip Seymour Hoffman, mort d’une overdose d’héroïne, est devenu le symbole du grand retour de l’héro aux States. Quant à Prince, il serait mort d’une surdose de fentanyl, un puissant opiacé de synthèse qui, à lui seul, a provoqué au moins 700 décès en 2013 et en 2014 (cf : What is fentanyl and why did it kill Prince? AJC.com, 2 juin 2016).
Quelques jours avant son décès, il semble avoir fait une overdose d’oxycodone (Percocet® aux États-Unis).
Certains avancent que Prince souffrait d’une hanche, suite aux sauts qu’il faisait du point le plus élevé de la scène avec des chaussures à talons ! D’autres soutiennent qu’avant son décès, il n’avait pas dormi depuis 6 jours et 6 nuits…
UNE IMPRESSIONNANTE VAGUE D’OD
Les États-Unis sont touchés par une impressionnante vague d’overdoses liées aux opiacés : 47 000 décès en 2014, dont 29 000 liés aux médicaments antalgiques (antidouleur). Ces médicaments sont essentiellement la méthadone qui, contrairement à la France, a deux indications (comme TSO mais aussi comme antalgique), l’oxycodone (Oxycontin®, Oxynorm®) et le fentanyl.
En France, le fentanyl (50 à 100 fois plus antalgique que la morphine) existe sous trois formes : le patch (Durogésic®), le spray (Instanyl®), et en ampoule, utilisée uniquement par les anesthésistes-réanimateurs et, à un moindre degré, par les urgentistes. L’Instanyl® est réservé aux douleurs liées à des cancers et ne doit jamais être prescrit comme seul traitement antalgique. Il nécessite un traitement de fond, par exemple par Durogésic® ou par méthadone, et doit être utilisé à l’occasion des pics douloureux. Mais ces deux contraintes sont souvent ignorées des médecins, délibérément ou non. De fait, la majorité des prescriptions en France concerne des patients qui n’ont ni cancer ni traitement de fond.
Certes, les stars ne sont pas logées à la même enseigne que le reste de l’humanité. Elles sont riches, disposent de médecins personnels et peuvent se procurer à peu près tout ce qu’elles veulent. Mais elles représentent souvent la partie émergée de l’iceberg et il n’est pas du tout exclu que la vague d’overdoses qui déferle sur l’Amérique touche à son tour l’Europe. Ce n’est pas encore le cas. Commentant les résultats de la dernière enquête Drames, l’Ofdt note ainsi une légère augmentation des overdoses en France mais ajoute : « Si préoccupants que soient ces chiffres, la France reste une bonne élève parmi la communauté européenne. Elle enregistre en effet 4 à 5 fois moins de décès par overdose que l’Allemagne, et 6 à 7 fois moins que le Royaume-Uni. »
PRENDRE DES MESURES D’URGENCE
Quelles conclusions peut-on tirer de cette histoire ? La première, c’est de se souvenir que les opiacés sont des drogues dangereuses à cause de la dépression respiratoire qu’ils provoquent et de la surdose qui peut en résulter. La seconde, c’est qu’il n’est pas possible de laisser la main invisible du marché, en l’occurrence les laboratoires pharmaceutiques, réguler l’offre d’opiacés. Plusieurs scandales récents aux États-Unis ont impliqué des labos qui étaient prêts à tout pour que les médecins prescrivent qui de l’oxycodone, qui du fentanyl. Pourtant, le pire serait de revenir à l’époque où la prescription d’opiacés était si restrictive que l’on avait le droit, ou plutôt le devoir, de mourir dans d’horribles souffrances. Or, dans le champ des drogues, encore largement livré aux préjugés de toutes sortes, un tel retour du balancier n’est pas impossible.
Une série de mesures raisonnables pourrait être prise pour limiter cette explosion d’overdoses d’opiacés. Tout d’abord, permettre aux usagers, à leurs familles et à leurs proches d’avoir facilement accès à la naloxone, un antagoniste opiacé, sorte d’antidote de l’overdose, qui pourrait sauver de nombreuses vies. Mais la mise en place d’un programme ambitieux tarde, comme tout en France, d’ailleurs. En France, où le laboratoire Indivior (Subutex®, Suboxone®) devrait bientôt mettre sur le marché une naloxone en spray et qui, une fois dépassées certaines difficultés légales, pourrait être largement diffusée. Le laboratoire Ethypharm (Skenan®, Actiskenan®) travaille aussi sur une naloxone à large diffusion. En France, la naloxone n’existe actuellement que sous la forme d’ampoules de Narcan® dosées à 0,4 mg pour 1 ml et réservées à l’usage hospitalier.
Il faudrait aussi favoriser les agonistes partiels, comme la buprénorphine, qui mettent largement à l’abri des overdoses. Le gouvernement américain a d’ailleurs décidé, en avril dernier, de permettre à chaque médecin de prescrire de la buprénorphine non plus à 100 mais à 200 patients.
Il faudrait enfin assurer aux médecins et aux étudiants un enseignement de qualité sur les opiacés, tant dans la douleur que dans la substitution. Pour toutes ces mesures, il y a urgence !