La coca est une plante d’Amérique du Sud de la famille des Érythroxylacées. Elle joue un rôle important dans la culture andine, à travers ses utilisations rituelles ou médicinales. La cocaïne est extraite des feuilles de coca, mais il ne faut pas les confondre. Les dictionnaires sont partagés sur le genre du nom de l’arbuste mais s’entendent pour dénommer « la » coca la substance à mâcher qu’il fournit. Elle est appelée mama kuka en langue quechua.
Présentation par Saveur Lointaine :
De son nom scientifique, Erythroxylum Coca, le cocaier ou arbre à coca est un arbuste qui pousse dans la Cordillère orientale des Andes, limite avec la forêt amazonienne, au Pérou, Chili, Bolivie, Equateur et Colombie.
En fonction de l’espèce, la coca est traditionnellement cultivée dans les basses terres des Andes ou dans les régions montagneuses et humides entre 300 et 1.500 m d’altitude. A l’état sauvage il peut atteindre 5 à 6 m de haut, mais il est souvent taillé pour rester plus court, entre 1,5 et 1,8m de haut, et permettre ainsi la récolte des feuilles plus facilement (photo de droite : Luis Robayo/AFP). Ses feuilles ressemblent un peu aux feuilles de laurier, de formes ovales et pointues aux extrémités et de couleur vert-jaune. Ses fleurs sont blanches et petites, le fruit ovoïde est de couleur rouge.
Cependant, la culture de coca est relativement simple. À la fin du XIXe siècle, les puissances coloniales en plantèrent dans d’autres régions. On pouvait ainsi trouver d’importantes plantations de coca sur l’île de Java (Indes orientales néerlandaises) et de Ceylan (Sri Lanka), ainsi qu’à Formosa Protectorat japonais (aujourd’hui Taiwan). Dans les années 1920, la plus grande production de coca au monde était concentrée à Java.
Les feuilles de coca contiennent :
– de nombreux alcaloïdes (molécules sans doute les plus actives de toute la pharmacopée végétale) dont de la papaïne (digestion), de l’atropine (puissant réhydratant), de la coniine (anesthésique local) et aussi un alcaloïde tropanique (la cocaïne)
– des minéraux (calcium, phosphore, fer, magnésium)
– des vitamines (A, E, B2)
– un peu d’huiles essentielles
– des glucides (amidon, dextrine, sucres et cellulose) et un peu de protéines.
Les principes actifs de la coca ont des propriétés pharmaceutiques intéressantes.
Dès 1565, un botaniste espagnol, N. Monardes, a mis en évidence les vertus de la feuille de coca (Historia Medicinal de las cosas que se traen de nuestras Indias Occidentales). Plus près de nous, en 1975, une étude réalisée par une équipe de l’Université de Harvard, « Valeur nutritionnelle de la coca« , a révélé que la feuille de coca serait une des plantes les plus nutritives au monde.
Utilisée aussi bien pour ses vertus énergisantes contre la fatigue et pour atténuer le mal de l’altitude, la feuille de coca est sans cesse vantée par les Boliviens car elle possède des propriétés médicinales intéressantes : Anesthésique – Analgésique – Stimulant – Calmant et sédatif – Digestif – Anti diarrhéique, diurétique – Supprime la fatigue – Améliore la circulation sanguine
On a retrouvé des vestiges de l’utilisation de la feuille de coca en 3.000 av. JC sur la côte péruvienne. Du fait de ses différentes vertus, c’est une plante sacrée pour de nombreux peuples amérindiens. Dans les Andes, Mama Coca ou Mama Inala (en langue quechua) considérée comme la fille de Pachamama (Terre-mère) est utilisée aussi bien pour ses vertus stimulantes que dans le cadre de cérémonies religieuses.
Pour les indiens des Andes, les feuilles de coca étaient la seule source substantielle de calcium avant l’arrivée des Espagnols qui ont amené d’Europe d’autres aliments. Depuis des siècles, ces indiens chiquent (charcchar ou cullicar) de la feuille de coca pour aider à luter contre la soif, la faim, la douleur et la fatigue. Cela aide également à vaincre le mal d’altitude. Chaque jour, des millions de personnes dans les Andes mâchent de la feuille de coca et boivent du thé à la coca sans éprouver de problèmes. En fait, les cultures autochtones considèrent cela comme une pratique sacrée.
En Bolivie, c’est le « cocaleiro » qui récolte les feuilles de coca. Elles sont ensuite séchées sur la terre battue, puis torréfiées, parfois on les laisse fermenter.
Le « Coquero » (celui qui mâche la coca) prend cinq à six chiques par jour représentant 50 à 100 g de feuilles. Il porte toujours avec lui une provision de feuilles dans un petit sac de laine appelé « chuspa« , ainsi qu’un récipient « iscupuru » qui contient la cendre (propriété basique) indispensable pour la formation du « chicote », la boulette de feuilles mastiquées. Cette cendre qui provient principalement de la kañiwa (une sorte de céréale), permet d’augmenter l’efficacité de la plante. Il peut aussi utiliser des cendres de pommes de terre, de bananes ou de la chaux.
Le coquero fait une boule avec une dizaine de feuilles et la met dans la bouche. Quand les feuilles sont suffisamment ramollies par la salive, il trempe la boulette dans la cendre et la remet dans la bouche. Les feuilles ne se mâchent pas, on place la boulette entre les gencives et la joue et on succionne. Après 30 à 45 minutes, tout le jus est absorbé et on peut recracher les feuilles.
Sous l’effet des bases (cendres) et des enzymes de la salive, une grande partie de la cocaïne est transformée en ecgonine, qui a un effet similaire à l’amphétamine. Contrairement à la cocaïne, la consommation directe d’ecgonine n’entraîne pas de dépendance.
Les feuilles se prennent aussi en boissons rafraichissantes ou en infusion (maté de coca), offerte parfois aux touristes pour lutter contre le mal des montagnes. La farine de coca est de plus en plus utilisée comme complément alimentaire.
1859 : un neurologue italien, Paolo Mantegazza, découvre le principe actif de la coca et publie « Sur les vertus hygiéniques et médicinales de la coca et sur les aliments nerveux en général. «
1863 : commercialisation d’un vin tonifiant en France, le « vin tonique Mariani« , du nom de son inventeur Angelo Mariani (Bastia). C’est une formule a base de Vin blanc Corse et de feuille de Coca.
La délicieuse concoction promettait de guérir tout ce qui vous affligeait et de fournir l’énergie nécessaire aux actrices, aux inventeurs et aux ouvriers.
1884 : Sigmund Freud met en lumière les propriétés de la cocaïne et promotionne son usage. Carl Koller introduit la cocaïne comme anesthésique local pour la chirurgie oculaire. Plus tard, la cocaïne est utilisée comme anesthésiant en dentisterie.
1885 : la firme pharmaceutique nord-américaine « Parke Davis & Company » la distribue sous forme de cigarettes de feuilles de coca.
1886 : production de soda « Coca Cola » vendu comme un tonique médicinal, en raison de son effet stimulant. Ainsi à ses tout débuts, le Coca-Cola était bel et bien un médicament et contenait bien un peu de cocaïne mais depuis 1903, seul un extrait décocainisé est utilisé comme aromatisant. Plus tard, d’importants laboratoires européens la commercialisent sous différentes présentations.
Il y a deux produits radicalement différents : la feuille de coca, issue d’une plante aux vertus quasi inégalées… et la cocaïne, drogue dangereuse qui utilise parmi ses 41 produits chimiques, un alcaloïde de la feuille de coca. Hors d’Amérique latine, elle est surtout utilisée sous forme de drogue et les trafics qui en sont la conséquence.
1910 – 1940 : les Hollandais parviennent à adapter la plante dans l’île de Java qui devient pendant quelques années le premier producteur mondial. Les Japonais l’acclimateront à Taïwan. C’est donc la production asiatique qui alimente le premier boom de la consommation de cocaïne entre 1910 et 1940.
« Coca si, cocaina no ! ». Ce slogan résume la ligne du gouvernement Morales : revaloriser, promouvoir, y compris à l’export, la « plante sacrée », tout en luttant contre le trafic de drogue.
1961 : la feuille de coca est inscrite sur la liste I de la « Convention unique des Nations Unies sur les stupéfiants« , avec la cocaïne et l’héroïne, et fait l’objet d’un contrôle strict à des fins médicales et scientifiques. Ceci afin de mettre fin progressivement à la mastication de la feuille de coca et éviter la fabrication de cocaïne.
1990 : suite à l’arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants (J.O. du 07/06/1990), l’importation en France et dans l’Union Européenne de feuilles de coca ou de quelconque préparation ou produit contenant cette substance est formellement INTERDITE.
2009 : A Vienne, lors de la 52ème conférence de l’ONU, le président bolivien Evo Morales montre une feuille de coca en affirmant que la coca n’est pas de la cocaïne. Il va même jusqu’à mâcher une feuille de coca pour appuyer sa demande de retrait de la liste des substances interdites (1961). « La feuille de coca n’est pas de la cocaïne, elle n’est pas nocive pour la santé, elle n’engendre pas de perturbations psychiques ni de dépendance » E. Morales
Inscrite comme « patrimoine culturel » dans la constitution de l’État plurinational de la Bolivie, approuvée depuis 2009, la feuille de coca est ainsi un « élément symbolique de la culture andine et de la vie sociale des Boliviens« .
Après les infusions, gâteaux, bonbons, farines, le dentifrice, la Bolivie a lancé en 2010 une boisson énergisante « Coca Colla« , puis en 2011 « Brynco Coca« , une nouvelle boisson gazeuse à base de feuille de coca.
12 mars 2013 : l’organisation internationale permet à la Bolivie, au Pérou et à la Colombie de cultiver et vendre légalement la feuille de coca, à condition qu’elle soit réservée à la consommation traditionnelle de ces pays andins.
Ainsi, en Bolivie, le 12 mars est devenue la Journée nationale de l’acullico (mastication de la feuille de coca en quechua), une manière de célébrer cette décision et l’occasion d’en savoir un peu plus sur cette plante ancestrale, souvent mal connue des Occidentaux qui l’associent systématiquement à la cocaïne.