Qu’est que la substitution ?
Ce sont des traitements mis à disposition des usagers dépendants aux opiacés pour réduire les risques liés à la consommatio d’opiacés illicites. Réduire les risques voulant dire ici, soit arrêter ou baisser la consommation de produits illicites, arrêter ou baisser l’injection, ou aider à gérer l’usage de drogues. Au final, c’est pour aider ces usagers à aller mieux et à pouvoir gérer leur vie.
Il y a en effet deux types de substitution : la substitution « sevrage », qui à plus ou moins long terme vise l’abstinence de toute drogue, y compris parfois des traitement de substitution, et la substitution « maintenance » qui permet aux usagers de gérer leur consommation de produits illicites.
La première est surtout connu en France, y compris par les professionnels du soin. La deuxième est plus utilisée par les usagers qu’on peut le croire… ce qui peut être la source de tensions et de malentendus entre usagers et professionnels du soin, comme nous le verrons plus tard. Elle est pourtant très pratiquée comme telle dans les pays anglo-saxons. Il faut aussi noter que les usagers ne se cantonnent pas à l’une ou l’autre, mais font des aller et retour entre les deux.
Au niveau des produits de substitution proprement dit, il y en a 4 en France, 2 officiels, 2 officieux. Les officiels sont bien sur la buprénorphine Haut dosage (BHD) et la méthadone, et les officieux sont la morphine (skénan et moscantin) et la codéine (Néo-codion, codoliprane….). Les chiffres sont de 120000 pour la BHD (avec 30% de générique), de 20000 pour la méthadone, de 5 à 10000 pour la codéine et de 3000 pour la morphine, ce qui n’est pas négligeable.
Pourquoi ces substitutions officieuses ?
Avant d’expliquer cela, il faut rappeler le cadre de prescription de la buprénorphine et de la méthadone. La buprénorphine peut s’obtenir chez tout médecin généraliste, pour 28 maximum, sans contrôle urinaire. La méthadone ne peut être primo-prescrite que dans les centres de soin, pour une période de 14 jours maximum, avec un cadre souvent très stricte, qui comprend les contrôles urinaires et parfois des « punitions » si l’usager consomme des produits illicites.
Ces substitutions officieuses ont perdurées parce qu’il n’y a pas adéquation entre l’offre de soin et la demande des usagers.
L’avantage de la codéine est qu’elle est en vente libre en France, et qu’elle sert à tout une catégorie d’usagers qui ne sont pas prêts (ne peuvent pas ou ne veulent pas) à rentrer dans le système de soin. Elle sert au coup par coup, pour combler le manque entre deux arrivages d’héro, comme dans les années 80. Mais elle sert aussi à de vieux usagers des années 80 qui avait créer leur substitution avec le Néo-Codion et qui n’ont pas arrêté depuis. Son principal inconvénient, c’est que les cachets (mis a part le Néo-Codion) sont souvent associés à du paracetamol, ce qui peu provoquer des hépatites fulgurantes à hautes doses (4g).Pour la morphine, qui peut être prescrite par les médecins généralistes, principalement sous forme de Skénan, c’est très différent. Ce sont des usagers, qui ne trouvent pas leur compte ni dans la buprénorphine, qui n’est pas assez « forte » pour eux, ni dans la méthadone, dont le cadre est trop stricte.
Qu’est ce que la substitution apporte aux usagers d’opiacés et à la socièté ?
Obtenir un traitement de substitution, c’est arrêter de dépenser son temps et son argent pour l’obtention d’opiacés illicites, c’est arrêter de prendre des risques avec la loi, c’est diminuer les injections et prendre moins de risque de contamination VIH/VHC, c’est pouvoir avoir accès au soin.
C’est pourquoi la substitution en France a été un succès pour la santé publique : une réduction des overdoses de 80% en quelques années, une diminution de la consommation d’héroïne, les injecteurs ne se contaminent plus avec le VIH (moins de 3% de taux de prévalence), la durée de vie des usagers a augmenté, les usagers ont pu rentrer dans le système de soin. Sur ce dernier point, il faut rappeler qu’au début des années 90, les usagers d’héroïne n’avaient pas accès au soin, puisque les soignants, en particulier à l’hôpital, leur demandaient de faire un sevrage avant d’être pris en charge pour n’importe quelle maladie. La substitution a changé complètement la donne.
Mais ce n’est pas qu’un succès de santé publique, c’est aussi un succès économique et social. Non seulement, les usagers travaillent plus et vont moins en prison, mais ce qui n’est pas dit souvent, c’est que la substitution fait économisé à la société française des centaines de millions d’euro (cf conférence de consensus sur les traitement de substitution) : moins de maladie ou d’overdose, moins d’Infraction à la Législation sur les Stupéfiants pour Héroïne et de prison, plus de travail et plus d’impôts payés…
Le cas de la buprénorphine haut dosage
Le Subutex a beaucoup été décrié ces dernières années, mais c’est grâce à lui que la substitution a été un succès en France. Son cadre libéral a permis aux usagers d’avoir accès à la substitution en nombre et de rentrer massivement dans le système de soins. Dans d’autres pays comme au Canada, qui n’ont pas accès à une substitution libérale, les taux de prévalence VIH et les overdoses à l’héroïne baissent beaucoup moins vite que chez nous.
Mais ce cadre libéral à des effets secondaires.
Premièrement, la buprénorphine a remplacé l’héroïne dans la rue, prouvant si il le fallait, que la buprénorphine est bien une drogue avec des effets psychoactifs. Si on peut le déplorer, notamment parce que cela peut mettre en danger le dispositif, il faut analyser le pourquoi et différencier le trafic, qui doit être combattu, de ce que les usagers peuvent trouver au marché noir. C’est le cas par exemple, des usagers qui ne peuvent pas ou ne veulent pas rentrer dans le système de soin et qui peuvent trouver de la buprénorphine au marché noir. Il peut en effet être très dur d’aller voir un médecin et un pharmacien, et cela peut etre vécu comme une épreuve. (Ceci plaide pour la multiplication des bus à bas seuil d’exigence, type Gaia à Paris, pour aller aller à la rencontre de l’usager sur son lieu de consommation.) C’est aussi le cas des usagers que le médecin a sous-dosé par méconnaissance ou par punition qui peuvent ainsi compléter leur traitement.
Deuxièmement, la buprénorphine est «mésusée» que ce soit en injection, en sniff ou en la fumant. Nous n’appelons pas cela mésusage, très connoté péjorativement, mais «usage alternatif» de la substitution. En effet, pour nous, si des usagers s’injectent ou sniffent de la buprénorphine, c’est que leurs besoins ne sont pas en phase avec l’offre de substitution. Ainsi, si le Subutex est injecté, c’est qu’il n’existe pas en France de traitements de substitution injectables pour répondre aux besoins des usagers qui ne peuvent pas arrêter l’injection, contrairement à la plupart des pays européens voisins.
Troisièmement, c’est la question de la primo-dépendance à la buprénorphine. Des usagers qui n’ont jamais gouté l’héroïne se retrouvent dépendants à la buprénorphine au marché noir. Si encore une fois, on peut le déplorer, est ce qu’il ne vaut mieux pas que ces nouveaux usagers commencent par la buprénorphine, beaucoup moins dangereux que l’héroïne. Il sera en outre plus facile pour eux d’entrer dans le système de soin parce que le produit auquel ils sont dépendant et le même que celui que celui qui est proposé dans ce système.
La question du sevrage
Contrairement aux idées reçus, la substitution ne s’oppose pas au sevrage. Ce sont deux outils différents pour aider les usagers. La question est de savoir quand le faire, qui décide de le faire et comment le faire.
Sur le terrain, nous voyons souvent des usagers ayant arrêté leur traitement de substitution, reprendre de l’héroïne en prenant le risque de l’overdose, puisqu’il ne sont plus aussi tolérants. De même, de nombreux usagers sont devenus dépendants à l’alcool après avoir arrêté leur traitement. De plus, le commentaire d’Andrew Byrn sur l’étude « Loss of tolerance and overdose mortality after inpatient opiate detoxification: follow up study » prouve que les héroïnomanes sevrés de toute opiacés, y compris des traitements de substitution, ont une durée de vie plus courte que les personnes sous substitution. Ceci nous confirme que le traitement de substitution ne doit pas être arrêter à la légère. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas se sevrer des traitements de substitution, mais surtout que c’est aux usagers et non aux médecin de prendre la décision de baisser et d’arrêter les traitements.
Enfin, il y a un vrai problème sur les sevrages des traitements de substitution en France. Il n’y a pas de clinique du sevrage des traitements de substitution. Le dispositif est adapté pour les sevrage à l’héroïne mais pas pour la substitution, dont le sevrage est plus progressif et dur plus longtemps. Les usagers qui sortent du sevrage au bout de 10 jours n’en ont pas encore terminé et la rechute n’est pas loin. C’est aussi ce qui explique que beaucoup d’usagers vont tenter leur chance dans la clinique de l’escroc Dr Waissman en Israel avec son sevrage NRO ultra-rapide à 8000 euros. Il faut redéfinir en urgence une clinique du sevrage.
Les relations médecin-usager et pharmacien-usager
On ne peut pas affirmer que les relations usagers-soignants vont mal. Mais, à cause de la différence entre le besoin de l’usager et l’offre de soin, et parce que les soignants sont mal formés (voire pas formés du tout) à la toxicomanie, elles sont souvent un dialogue de sourd. France Lert dans une étude sur les représentations qu’ont les usagers de leur médecin traitant, fait ressortir quatre types de représentations : le dealer en blouse blanche, le médecin paternaliste et autoritaire, le médecin focalisé sur les dosages, et le spécialiste focalisé sur la personne. Elle conclue son étude en montrant que dans tout les cas, quand il y a rechute ou «usage alternatif», il est très difficile d’en parler à son médecin. Nous pouvons affirmer la même chose pour le pharmacien, ce qui laisse les usagers seuls face à leurs problèmes puisque le médecin et le pharmacien sont souvent les seules personnes à qui ils peuvent parler de leur traitement.
Dans ce dialogue de sourd, on peut néanmoins souligner deux types de problèmes qui témoignent d’une conception différente des addictions. Il y a des médecins qui veulent à tout prix baisser le traitement dès que l’usager a commencé. Cela conduit l’usager à la rechute, ou à aller compléter son traitement au marché noir. Inversement, certains médecins ne veulent pas baisser le traitement, même si l’usager en a envie, considérant que de toute façon celui-ci va rechuter. Ceci conduit l’usager a tenté tout seul de décrocher, sans pouvoir s’appuyer sur les compétences du corps médical.
Ces deux exemples montrent bien à quel point les pratiques sont hétéroclytes et surtout à quel point parfois le traitement n’est pas négocié avec l’usager. Hors, la négociation du traitement doit être au coeur de la prescription du médecin. Pour responsabiliser l’usager autant que pour répondre à ses besoins.
Conclusion
La substitution à la française a été un succès sanitaire, économique et sociale, en particulier grâce au cadre libéral de la prescription de la buprénorphine. Mais il a oublié des usagers aux bords de la route, notamment les plus précarisé, parce que leurs besoins ne sont pas en adéquation avec l’offre du système de soin et parce que les professionnels du soin ne sont pas assez formés. Certaines mesures à prendre sont simples : élaborer une clinique du sevrage, pouvoir prescrire de la méthadone en médecine de ville comme le font les belges, légaliser la prescription de morphine, inclure des formations sur l’usage de drogues dans les cursus de pharmaciens ou de médecins. D’autres sont plus compliqués, plus à cause de tabous qui résistent que de questions techniques, comme mettre sur le marché un subutex injectable pour ceux qui ne peuvent se passer de l’injection ou élaborer un protocole d’héroïne médicalisée.
Dans tout les cas, il est nécessaire d’écouter les besoins des usagers si l’on veut diminuer les dysfonctionnement du système, comme le marché noir et les « usages alternatifs».
Références
Commentaire d’Andrew Byrne sur l’étude : Loss of tolerance and overdose mortality after inpatient opiate detoxification: follow up study. Strang J, McCambridge J, Best D, Beswick T, Bearn J, Rees S, Gossop M. BMJ. 2003 May 3;326(7396):959-60
Tendances en matière de réduction des risques chez les usagers de drogues par voie IV – Julien Emmanuelli, InVS, 2001
Conférence de consensus : Stratégies thérapeutiques pour les personnes dépendantes des opiacés : place des traitements de substitution (23 et 24 juin 2004 – Lyon)
Buprenorphine substitution treatment in France: drug users’ views of the doctor-user relationship – Anne Guichard,1* France Lert,1 Jean-Marc Brodeur,2 and Lucie Richard3
Les conduites addictives – Alain Morel et Jean-Pierre Couteron – 2008 – Edition Dunod
7 Responses
partager les compétences
ce que m’inspire ce texte, c’est qu’en définitive le savoir médical devrait se compléter du savoir faire acquis des ex-usagers, substitués ou non;là on pourrait développer une véritable « clinique des toxicomanes », non plus centré sur le sevrage, mais sur un accompagnement dans le temps du vécu de la substitution,des difficultés liées à la sortie de la toxicomanie, qui passe par des multiples sentiers encore mal explorés;les CAARUD auraient pu être ces lieux privilégiés d’accompagnement par des « pairs »..malheureusement la tendance observée va plutot vers un professionnalisme qui nous oublie volontiers…
Mon mari et moi avons suivi un traitement de substitution dès 1999.
Après des passages quotidiens en centre, mon mari est passé en médecin de ville ce qui a été un fiasco total pour lui: incompétence, jugements de valeur, incompréhension.Après plusieurs clashs entre eux deux, mon mari a pris la décision de se sevrer de la métha. Aujourd’hui, il recommence à se shooter de plus en plus souvent.
La rigidité du centre de soins, l’incompétence des médecins de ville (il en a eu 2 !) l’ont dégoûtés de ce système.
Quant à moi, je récupère mon ordonnance tous les 15 jours au centre et je trouve cela très contraignant pour un simple papier.
Nous ne serons jamais guéri définitivement de cette dépendance ; malgré mes 10 ans d’abstinence, je sais que je pourrais replonger mais j’essaies de tenir le cap car j’ai deux enfants.
Tout ça pour vous dire que les médecins, centres et nous anciens toxicomanes, devrions travailler ensemble afin de mettre en place un système qui soit plus à l’écoute du malade.
je trouve le sujet fort interressant et à vous lire et si j ai bien compris, on peut se faire delivrer de la morphine style Skenan ou autres, par un simple géneraliste ..ci-joint le » copier -coller » du texte :Pour la morphine, qui peut être prescrite par les médecins généralistes, principalement sous forme de Skénan, c’est très différent. Ce sont des usagers, qui ne trouvent pas leur compte ni dans la buprénorphine, qui n’est pas assez « forte » pour eux, ni dans la méthadone, dont le cadre est trop stricte…
Donc quand on lit çà on se dit , bingo, la metha . c’est pas trop çà avec moi , le subu, je vais , me connaissant arriver par me le faire en shoot, par conséquent, je m’en vais demander du Skénan à mon Doc . de ville ! Or je crois que contrairement à ce qui est dit, c’est pas gagné et surtout c’est une sacrée bataille que d’essayer de se faire prescrire cette morphine là …alors ASUD ,est ce bien vrai, cette possibilité de prescription ? merci de votre reponse .
Je suis dépendant de Neocodion sirop sa fait presque une Anne que je prends d une dose moyenne une bouteille de 180ml avec 0.1722g de codeine que me conseilles vous pour arrêter j ai 56 ans merci
Bonjour,
récemment quelqu’un me posait la question des consommations de Neo-Codion en supposant qu’elles étaient en régression importantes. Visiblement, il existe encore au moins un amateur du produit-phare des laboratoires Boucharra-Récordati.
Pour sortir de l’addiction au Néo, je conseillerais de passer d’abord par une prescription de codéinés, par exemple la Dhydro Codéïne, commercialisée sous le nom Dicodin puis de passer en mode dégressif. Certains médecins acceptent cette solution si vous leur exposer franchement votre problème. Sinon il y a également le traitement de substitution classique, buprénorphine ou méthadone, pour sortir d’une consommation quotidienne de sirop toxique pour l’organisme. C’est une solution pour réduire les risque mais qui risque de vous faire basculer dans une autre dépendance. Sinon il faut procéder à un sevrage classique soit en ambulatoire avec une prescription de médicaments pour le sommeil et la douleur, soit en hospitalisation comme à l’hôpital Marmottan par exemple. Si vous souhaitez une orientation vers un centre reportez vous à la page adresse du journal d’ASUD ou contactez directement l’association.
Mon médecin ma affirmé qu il ne pouvait pas me prescrire du subutex. À tord ou à raison ?
Raison.
Bonjour David
La prise de Buprénorphine haut dosage(BHD / subutex) s’inscrit dans le cadre d’une collaboration entre vous, le médecin qui réalise la prescription, et, le pharmacien qui délivre le médicament.
La BHD peut être prescrite dès la 1ère fois par tous les détenteurs d’un diplôme de docteur en médecine, donc également par les médecins généralistes.
Le médecin et le pharmacien ne sont pas là pour vous juger ou vous contraindre, mais pour vous assister. Tenus au secret professionnel, ces deux professionnels de santé sont vos premiers interlocuteurs. En particulier votre médecin. Il est un vecteur, sinon déterminant du moins très important, dans le processus du traitement. D’où la nécessité de le choisir avec soin.
Le médecin est habilité à établir des ordonnances d’une durée maximale de 28 jours dite « non-renouvelable », ce qui signifie simplement qu’au terme des 28 jours, il vous faudra retourner le voir pour obtenir une nouvelle ordonnance.
retrouvez toute les infos sur notre plateforme substitution : http://www.asud.org/substitution/conseils-generaux/