Depuis quelques années, deux pages explosent littéralement les chiffres de
fréquentation du si te d’ Asud : « Décrocher de la méthadone »1 et « Y a-t-il-une vie après la méthadone ? »(2). Le succès grandissant de ces deux pages Internet écrites il y a vingt ans et mises en ligne il y a plus de dix ans nous interpelle au regard du manque criant de visibilité du sujet évoqué. Les traitements de substitution aux opiacés ( TSO) représentent un progrès
historique indéniable, mais peuvent aussi représenter une prison construite par les laboratoires pharmaceutiques si la parole des usagers est ignorée. Florilège des commentaires d’internautes.
Six mois de manque pour rien (2015)
Bonjour, je suis sous méthadone dosée à 30 mg, suite à un problème d’addiction à la morphine et à la codéine. J’ai tenté une cure de désintox qui s’est très mal passée. Je suis ce qu’on appelle un « métaboliseur lent ». Le protocole de ma cure consistait à remplacer la méthadone par du Suboxone®. Il me fallait donc attendre 24 heures pour pouvoir prendre le Suboxone®, à cause des effets antagonistes(3) que cette substance induit. Dès que tu es en manque, c’est toi qui dois aller demander ta dose de Suboxone® au bureau infirmier. Chaque prise, c’est 2 mg avec un maximum autorisé de 16 mg par jour. Cette procédure dure une semaine et à la fin, la psychiatre évalue la moyenne de doses prises par jour et établit un plan de sevrage qui s’étend sur quinze jours. Par exemple, on commence avec 4 fois 2 comprimés de 2 mg par jour et le lendemain, on retire un comprimé le matin, le surlendemain un comprimé le midi, etc. Ensuite, on supprime le comprimé du matin, puis du midi et puis du coucher, pour finir, on laisse celui du soir encore deux jours et puis fini. Quand le patient a fini son sevrage, il reste une semaine de plus en observation et retourne à la vie active. Le souci, c’est qu’étant « métaboliseur lent », au bout de 30 heures, je ne ressentais toujours pas d’effet de manque et mon infirmière référente commençait à me soupçonner de consommer des substances. Pour faire taire ses soupçons, j’ai donc simulé un début de manque et j’ai pris mon premier comprimé de 2 mg de Suboxone®. Erreur : 10 minutes plus tard,j’étais aux toilettes en train de me vider et j’ai commencé à vomir et me sentir vraiment très mal. J’ai commencé à devenir très agité et dans un état vraiment bizarre, tremblements, douleurs, je gigotais dans tous les sens. J’allais réclamer mes comprimés, mais sans aucun effet. J’ai passé une nuit horrible sans dormir une seule minute. Cet état a duré trois jours avant de s’estomper petit à petit. Pour mon cas, la procédure a été rallongée d’une semaine avant que je puisse avoir mon plan de sevrage. Étant stabilisé, la cure s’est déroulée normalement jusqu’à l’arrêt du Suboxone®. Je ne ressentais aucun effet de manque, rien, je me suis même dit que c’était vraiment facile un sevrage. Je suis resté deux semaines en observation car les médecins voulaient être sûrs que tout irait bien. Pendant une semaine, nickel, pas de manque, état normal, sommeil normal. Une semaine après,
j’ai commencé à avoir mal dans les jambes et à avoir des nuits difficiles, pas moyen de dormir, je me retournais tout le temps. Ensuite, j’ai commencé à ressentir des frissons dans tout le corps, j’avais toujours froid, même quand je me mettais contre le radiateur. Le médecin traitant a diagnostiqué une grippe. Ils m’ont donc laissé rentrer chez moi au bout de la semaine même si je me sentais toujours aussi mal. Chez moi, les journées étaient terribles, mes jambes allaient dans tous les sens dès que j’étais assis, mon moral était à zéro, j’avais plus du tout d’énergie, tout me paraissait difficile. Même me faire un café était pour moi comme une montagne à franchir. Niveau sexuel, j’éjaculais direct, impossible de me retenir, ma femme était au début compréhensive mais ça n’a pas duré. Je suis resté dans cet état pendant
deux mois et ça n’évoluait pas. Alors, j’ai commencé à acheter du sirop pour la toux avec de la codéine et je me suis senti directement mieux, c’était donc bien le manque qui me mettait dans cet état. Je devais partir en Tunisie une semaine plus tard et comme je ne voulais pas gâcher mes vacances, je suis retourné voir mon médecin pour remettre un traitement méthadone en place. Mais il faut être positif à l’héroïne, à la morphine ou à la méthadone, ce qui n’était pas mon cas. À contrecœur, j’ai donc fumé un peu d’héro avec un gars qui fréquentait le centre. Je me suis senti bien direct et j’ai pu avoir mon ordonnance 10 minutes après. Voila, j’avais envie de partager mon expérience en espérant que ça aidera.
David
Un jour, je retournerai en Serbie (2019)
J’ai pris de la méthadone pendant sept ans, jusqu’en juin 2016. Je prenais toutes sortes de drogues mais je pensais que c’était mon addiction à la méthadone qui pourrissait ma vie. Je suis alors parti en Serbie, à la clinique Vorobiev de Belgrade(4). J’ai choisi cette clinique car ce pays est le seul en Europe à autoriser l’ibogaïne. Et ce sont des médecins suisses compétents (sic). Je prenais donc 200 mg par jour (100 mg matin et soir), et je suis un métaboliseur rapide, ce qui veut dire que mon corps assimile tout plus vite. D’où les deux doses. Avant le traitement, je m’injectais 4 à 7 grammes de rabla (héroïne marron) par jour. Ils m’ont fait baisser de 30 mg par jour pendant six jours (je faisais de grosses crises de manque qui étaient instantanément soulagées par des injections de je ne sais quoi) puis arrivé à 20 mg, ils m’ont endormi douze heures pour éliminer toute trace d’opioïdes dans le corps. C’est très violent, lorsque l’on se réveille, on porte une couche, on se fait dessus, on ne tient plus debout. L’opération est répétée deux jours plus tard. Puis une semaine plus tard, on vous propose la fameuse séance d’ibogaïne (un psychotrope naturel qui soigne les addictions). Ça fonctionne réellement, et je me suis régalé, le trip est excellent. Après, je rigolais, j’avais l’impression d’être en teuf. Je suis rentré en France avec des médocs à prendre pendant deux mois. J’ai été très faible pendant trois mois, je dormais 18 h/jour. J’avais très mal aux genoux et je me sentais dépressif Mais j’étais guéri !!! J’ai repris le travail au bout de quatre mois.Tout allait bien, sauf que c’est à ce moment-là que j’ai repris les soirées, le son, les amphétamines, LSD, kétamine, cocaïne en intraveineuse en fin de week-end. Et forcément, en juillet 2018, j’ai rencontré une fille qui tapait de l’héroïne des fois. J’ai réessayé (une fois, ça peut pas faire de mal…), un mois plus tard, j’étais en manque. J’ai repris la méthadone en septembre, cela fait un an et demi. Je suis à 340 mg par jour, malheureusement, mais j’ai compris que ce n’était pas grave car un jour, je retournerai en Serbie…
Kif
Les 12 étapes (2018)
Je voudrais vous faire part de mon expérience car je vois que beaucoup de personnes posent la question du sevrage de méthadone. Je vais faire très attention aux mots que je vais employer car ils peuvent faire très peur et créer de nombreuses inquiétudes qui peuvent mettre en panique, voire des symptômes avant même que le processus de sevrage soit engagé… J’ai été (je suis…) dépendant aux opiacés pendant vingt ans. À la naissance de ma fille, ayant touché le fond, j’ai frappé à la porte d’un centre de soins pour toxicomanes dans le 95. Un vrai centre avec psychiatres,psychothérapeutes, assistants sociaux, infirmières, etc. C’était en 2004. Après avoir essayé différentes méthodes, genre prescription d’opiacés à réduire petit à petit, mon psychiatre m’a prescrit de la méthadone après tout le protocole. J’étais dans une réelle logique de soins avec l’idée de m’en sortir. On m’avait demandé d’arriver en manque le lundi matin… Au bout de quelques heures, après avoir pris mes 40 mg, je me suis senti super bien, heureux, pas de manque et euphorique sans être défoncé… Sauf que cet état n’a duré que deux jours… J’ai commencé à 40 mg, comme tout le monde, pour arriver en quelques jours à 110 mg/jour, zone de confort. Il était hors de question qu’à 35 ans, je prenne de la métha toute ma vie. J’ai donc commencé un sevrage lent et au bout de cinq ans, j’étais à 3 mg/jour. Sauf que je me suis retrouvé en HP pour dix semaines, pas de manque physique mais confusion mentale, dépression, idées suicidaires, disjonctage psychique ! Je me suis retrouvé dans un centre « totalitaire » (genre la fille de Jane Birkin) et ce connard de
psychiatre de l’HP m’a supprimé tout traitement, pas d’anxiolytiques, somnifères, antidépresseurs… Bref, dix semaines d’enfer avec des thérapeutes aux compétences douteuses soi-disant ex-toxico qui te font la morale 24 h/24. Je sors de là sevré mais très très mal au niveau psychique, je pars me reposer chez des amis à la campagne. Un soir, j’ai un putain de mal de crâne et je cherche de l’aspirine et dans l’armoire à pharmacie, je tombe sur du Codoliprane®, j’en prends 2, une heure plus tard, je
prends toute la boîte, le lendemain, je vais acheter une boîte de Néo-codion® et là, je n’ai rien compris : rechute totale et retour à la case départ. Love, Peace & Unit.
P2P
En essayant Dieu, je suis devenu dépendant et en plus, j’essaye de pécho sur le site d’Asud (2016)
Je suis un ancien tox, moi aussi j’étais sous méthadone, cela faisait quatre ans que j’étais sous traitement à 60 mg plus les anxio (Seresta®, Valium®, Lexomil®). J’ai vu des docteurs et pas les petits du coin mais un médecin connu de l’hôpital et un professeur du CHU, en passant par les psy, des séances de relax… Une chose est sûre, c’est que j’en avais marre d’être esclave d’un flacon tous les matins, mais plus le temps passait et moins je voyais la fin. J’ai même attenté à ma vie. Et un jour, j’ai entendu l’Évangile
qui veut dire « bonne nouvelle » en grec. La bonne nouvelle, c’est que Dieu nous aime mais que notre péché nous sépare de lui ici et dans l’Eternité… J’ai donné ma vie à Jésus… Il nous tend la main, c’est à nous de la saisir… À la suite de ça, je me suis marié, je n’avais pas de travail, j’ai obtenu un CDI avec une bonne situation et aujourd’hui, ça fait deux ans que j’ai donné ma vie à Jésus. Je vais être papa, tout va bien et je n’ai jamais retouché depuis à toute drogue, méthadone et même à la cigarette. Je ne sais si tu as lu jusqu’ici et ce que tu en penses, mais je te souhaite de trouver Jésus. Dieu se laisse trouver. Sois béni
D.
La réponse d’Asud
Normalement, j’aurais dû mettre ton commentaire à la corbeille, comme nous le faisons avec ceux (très nombreux) qui proposent des prods. Oui les prods, les religions, les sectes, tout ça, pour nous, c’est pas kasher. Nous défendons la dignité et les intérêts des personnes qui consomment ou qui ont consommé des drogues illicites, cela inclut de les préserver de toutes les entreprises qui les désignent à la manipulation, qu’elle soit chimique ou mentale… Ton commentaire me permet donc de préciser publiquement les limites qui s’imposent lorsque l’on doit s’exprimer sur notre site. En plus, dans une période où la laïcité est bringuebalée et souvent dévoyée, cette tirade pro-Jésus et antidrogue m’interpelle, comme on dit à la Brigade. Ce qui me choque le plus, c’est que si tu étais musulman et si tu avais balancé une tirade sur le mérite d’Allah contre Shaitan méthadone, tu frisais la Liste S. Mais là, comme tu nous parles de Jésus et d’amour, cela te semble naturel de venir squatter nos pages avec ton prêche. Non, non et non ! Je n’ai rien contre le fait de se tourner vers la religion à titre personnel, y compris pour prendre de la distance avec une consommation de drogue, mais par contre, ne venez pas appâter notre communauté avec vos colifichets, votre bimbeloterie mystique qui relève de votre intimité. En termes clairs, cela s’appelle du prosélytisme. C’est donc l’unique commentaire de ce type que nous laissons passer et ce, à titre d’avertissement pour les autres. God Bless You Too.
Décrocher simplement en utilisant… la vie ordinaire (2016)
Salut tout le monde, j’ai réussi. Réussi à arrêter après dix ans de traitement. Quelle victoire immense. J’avais réussi à descendre à 3 mg puis le lendemain, je l’ai oublié, je suis partie au travail et je me suis dis « fuck off », c’est maintenant, je le sens. Alors mal de jambes, surtout le soir au coucher les 4 premières nuit… très peu dormi, je prenais 5 bains brûlants par nuit pour me détendre les jambes. Après ça, j’arrivais à dormir quelques heures même si c’était dur. Même endormie, je tapais dans tous les sens paraît-il. Voilà maintenant un mois et demi que j’ai arrêté. Je dors peu et je suis assez nerveuse. Mais honnêtement, pleine d’une nouvelle force, sûrement la fierté d’y être arrivée. Envie de plein de nouvelles choses. Par contre, l’arrêt de la méthadone, ça devait être un « nouveau » moi, une grande révélation sur ce que j’allais faire de ma vie, une santé et une énergie de malade, bref, un miracle. Mais au fond, les tourments qui m’avaient poussée dans la rabla, eux, sont toujours là. Rien de miraculeux dans cette nouvelle vie. Une réussite ingrate. Personne pour te féliciter. Je m’attendais à quelque chose de tellement énorme que je suis déçue. Finalement, c’était pas si dur, mais très décevant. Et on se pose beaucoup de questions. Il y a tout plein de positif dans tout ça, mais aussi une triste réalité. La came n’était pas une lubie, c’était simplement le seul remède à mes maux. Alors maintenant, à presque 30 ans, va falloir avancer et être forte.
L.
Vive la méthadone (2017)
Tout à commencé par une première fois et pour moi, c’était les ecstas. J’avais 19 ans, étudiante en lettres et désireuse de passer l’examen pour devenir éducatrice spécialisée. Je m’inscris, je passe l’écrit et je suis admise à l’oral. J’allais réaliser mon rêve, mais j’échoue à ce fameux oral. J’étais antidrogue, je ne fumais même pas de clopes. Un soir, mon copain de l’époque me propose un ecsta, je refuse catégoriquement à plusieurs reprises mais il insiste, jusqu’à me mettre le cacheton dans la bouche !! À ce
moment précis, j’aurais dû recracher et me barrer en courant mais je ne l’ai pas fait, j’étais amoureuse. Pour moi, c’est le point de départ de vingt années de toxicomanie avec des arrêts plus ou moins importants : ecstas, cannabis, cocaïne, champi hallucinogènes, clopes, alcool, lsd, pour finir par celle qui ne me lâchera plus jusqu’en février 2017 : l’héroïne. Jusqu’à aujourd’hui, mon parcours est teinté de hauts et de bas et même de très bas jusqu’à dire bonjour à la dame à la faux, mais je ne regrette rien. Il m’a tout de même fallu plus de vingt ans pour commencer à me débarrasser de cette drogue, cette fausse amie. Alternant entre décroches à la dure, Subutex®, abstinence, rechutes, un jour, j’en ai eu assez : j’ai quitté mon compagnon, ma famille, ma maison, mon travail. J’ai dit stop à la drogue, stop à cette spirale infernale. La méthadone, ma famille, mon addictologue et de toutes nouvelles rencontres me permettent de me reconstruire, de respirer enfin, de sentir, de toucher, d’éprouver, de pleurer, de déguster un repas, de vivre, tout simplement. La drogue nous isole, nous désocialise même si on a un taf, elle nous rend agressif, passif, égocentrique replié sur nous-mêmes. On se ferme à la vie, on devient aveugle insensible… Si vous souhaitez vous sortir de l’addiction, je n’ai pas de recette miracle. Je peux juste vous dire que je vais mieux dans mon corps et dans ma tête aujourd’hui… Ça serait trop facile, mensonger aussi, et bien prétentieux de ma part de vous dire « alléluia, j’ai le remède miracle ! ». Entourez-vous de personnes bienveillantes, l’amour est source de motivation et d’épanouissement, mais aussi la famille, l’amitié, les échanges avec les autres. Pensez à agir (sport, sorties, passions) et à vous bouger.
Angèle
- https://www.asud.org/1998/12/10/methadone-decrocher/
- https://www.asud.org/1999/10/10/methadone-experience/
- La buprénorphine contenue dans le Suboxone® se fixe sur les récepteurs
neurocérébraux, réceptacles habituels de la méthadone, et induit un
effet de manque accéléré. Une méthode de sevrage originale qui semble
avoir été utilisée à Bruxelles. - Il s’agit d’un programme de cure payant qui applique la méthode dite
UROD (Ultra Rapid Opiate Detox) à base d’injection de naloxone. Voir
https://www.asud.org/2009/04/26/sevrage-urod/