Le sénateur Jean-Vincent Placé a récemment plaidé pour la sortie d’une économie basée sur l’acquisition de biens matériels pour passer à une notion d’usage1. On comprend l’idée, c’est le principe du Vélib généralisé à tous les services. On ne possède plus, on troque, on use, on donne, on partage. Plutôt que l’appropriation des moyens de production, un slogan légèrement teinté rouge sang, on fait une révolution douce dont l’objectif est de désacraliser la propriété et les objets de consommation.
Le sénateur Jean-Vincent Placé a récemment plaidé pour la sortie d’une économie basée sur l’acquisition de biens matériels pour passer à une notion d’usage(1). On comprend l’idée, c’est le principe du Vélib généralisé à tous les services. On ne possède plus, on troque, on use, on donne, on partage. Plutôt que l’appropriation des moyens de production, un slogan légèrement teinté rouge sang, on fait une révolution douce dont l’objectif est de désacraliser la propriété et les objets de consommation.
Quel rapport avec les drogues ? Cette utopie écolo est au cœur de la réflexion sur les « impasses » désignées par Anne Coppel et Olivier Doubre. Que l’on soit un dealer de shit marseillais ou un douanier chti, l’obsession, l’horizon indépassable du débat reste l’objet « drogue » dans son acception la plus matérielle. Et chacun de brandir des records, en tonnes saisies d’un côté, en argent blanchi de l’autre. Le bouchon conceptuel qui n’a jamais sauté, c’est celui du « fléau de la drogue », une expression qui en dit long. Nous l’avons souvent écrit, la prohibition est le boulevard des partisans d’un « laisser-faire » poussé jusqu’à la sauvagerie. Pour paraphraser Clauzewitz, le grand banditisme, c’est faire du commerce par d’autres moyens, la finalité restant la conquête de marchés qui saturent nos medias de faits divers… en rafales.
Le dossier du dopage est un autre exemple de l’imprégnation ultracapitaliste du discours ambiant dès que le mot drogues est prononcé. Sportifs, commentateurs, médecins plus ou moins véreux, tout le monde salive autour du cocktail miracle, celui qui fera gagner n’importe qui, n’importe quand, l’hystérie antidopage n’étant pas en reste dans ce culte rendu aux substances monnayables.
« Le service, l’usage, l’humain sont les mots clés de l’économie de demain », nous dit Jean-Vincent Placé. On croirait un slogan conçu spécialement pour promouvoir les Cannabis social clubs (2) ou les salles de consommation à moindres risques. Car tout est là. Les Cannabis clubs esquissent une solution qui rejoint le concept fondateur d’Asud : rendre toute sa place à l’usage, au service et à l’humain, plutôt que communier sur les ravages (ou les mérites) d’un marqueur chimique baptisé THC. Au fond, le consommateur de drogues est le seul à pouvoir évaluer le véritable prix des substances. Il sait la place de la magie d’un instant volé, la puissance incontrôlable des affects, les pièges douloureux de la mémoire qui restitue ses angoisses sans carton d’invitation. Voilà un indicateur autrement pertinent que celui du marché. Après tout, qui voudrait payer pour un bad trip ou une overdose ? Mais, prisonniers du dogme de la substance tyrannique, tous les acteurs acquiescent au « pour » ou « contre » la drogue. Pour ou contre le cannabis, pour ou contre les salles de consommation. Attention à la sémantique ! Le pouvoir de l’usage est un exercice de citoyenneté qui suppose de remettre les substances à leur place de choses inertes et sans valeur, en dehors du circuit de la cupidité et de la convoitise. Substance Mort, écrivait Philip K. Dick, un connaisseur.
1. Jean-Vincent Placé, « Pour le pouvoir d’usage », Libération du 22 novembre 2012
2. Pour en savoir plus sur la régulation, voir également l’article de Laurent Appel et Jean-Pierre Galland sur Rue89 http://tinyurl.com/bjqxrrf